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Pas de "projet pharaonique", mais la rénovation thermique de bâtiments publics, hôpitaux et Ehpad, et un soutien affirmé au rail : la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, évoque pour l'AFP le plan gouvernemental de sortie de crise, attendu à l'automne.
Quel bilan tirez-vous de la crise du Covid-19 ?
Je suis convaincue qu'elle a conforté l'attente d'une transition écologique de la société.
L'enjeu aujourd'hui, c'est d'arriver à concilier cette attente d'écologie avec des inquiétudes qui vont forcément monter sur les conséquences économiques et sociales de la crise. Et là, certains peuvent présenter l'écologie comme une contrainte ! Moi, je suis convaincue que l'écologie est au contraire une opportunité. Le président l'a affirmé dans son allocution : elle sera au cœur du plan de sortie de crise.
La transition écologique est la meilleure stratégie. C'est elle qui nous permet de créer des emplois non délocalisables, dans tous les territoires.
N'a-t-elle pas un (sur)coût ?
On ne peut pas raisonner uniquement en euros, faire comme s'il n'y avait pas de coût écologique : continuer à émettre des gaz à effet de serre nous envoie dans le mur ; être dépendants d'énergies fossiles dont les cours fluctuent, c'est contraire à la résilience et à la souveraineté de notre société.
J'entends parfois certains dire qu'il faut d'abord redresser l'économie et qu'après, on verra pour la transition écologique. Je ne suis pas d'accord ! On ne peut pas différer la transition - on est dans une décennie critique, il faut qu'on arrive à réduire considérablement nos émissions. Il faut faire les deux en même temps, c'est la philosophie du plan.
Verra-t-on dans ce plan des autoroutes ou des lignes à grande vitesse ?
Faire repartir l'économie avec des projets pharaoniques qui ne verront le jour que dans très longtemps, ce n'est pas le sens. La régénération du réseau ferroviaire, le développement des capacités autour des métropoles, les petites lignes... ça me paraît le cœur du sujet.
Depuis le début du quinquennat, je porte une priorité aux transports du quotidien, et la crise ne m'a pas fait changer d'avis.
N'a-t-on pas oublié les transports publics et la SNCF, quand on aidait Air France et Renault ?
Je rappelle la démarche : d'abord, éviter des faillites et des licenciements, c'était le plan d'accompagnement d'ensemble. Ensuite, s'occuper des secteurs dans lesquels il y avait des risques de plans sociaux.
Franchement, le secteur, les présidents d'autorités organisatrices (les élus chargés des transports en commun, NDLR) savent qu'on compte beaucoup sur les transports publics et ferroviaires, et qu'évidemment la sortie de crise et la relance les prendront en compte. C'est une question de timing. On a des ambitions très fortes sur le transport ferroviaire, et donc on accompagnera la SNCF.
Les plans d'aide à l'automobile et l'aérien ont été critiqués comme posant trop peu de conditions écologiques...
On a mis des conditionnalités ! Le soutien à Air France s'accompagne d'une exigence de réduction de 50% des émissions de CO2 sur les vols domestiques et d'une réduction drastique des liaisons quand on a une alternative ferroviaire à moins de 2 heures 30. On a rendez-vous avec la compagnie pour voir comment elle traduit concrètement ce qu'on a demandé, ce sera une condition pour transformer les prêts en fonds propres.
Quand on aide à relancer l'industrie automobile, on booste les bonus électriques. La prime à la conversion, c'est vrai, bénéficie aussi à des voitures thermiques. Les ventes annuelles, c'est 2 millions de véhicules neufs, 4 à 5 millions d'occasion : si on veut répondre au besoin de changement de voiture, ça ne peut pas se faire en encourageant seulement des électriques. Passer à des véhicules (thermiques) de dernière génération réduit considérablement la consommation, les gaz à effet de serre et la pollution.
Quid de l'hydrogène, que votre prédécesseur Nicolas Hulot voulait soutenir ?
Il faut accélérer. Je crois à l'hydrogène vert sur la mobilité, l'industrie et comme composant de notre équilibre énergétique pour le stockage des énergies intermittentes.
On a lancé un appel à manifestations d'intérêt pour changer d'échelle. On a reçu 160 projets, qu'on regarde. Ça fera clairement partie du plan de relance.
Après les transports, bâtiment et chauffage sont la deuxième source de gaz à effet de serre en France. Que prévoyez-vous pour la rénovation énergétique ?
Comme l'a dit le président de la République, la reconstruction écologique passera par la rénovation thermique de nos bâtiments. Il faut radicalement accélérer sur les bâtiments publics et, spécifiquement en sortie de crise, on a l'enjeu des hôpitaux et Ehpad.
Après la canicule de 2003, les Ehpad ont mis en place une pièce rafraîchie, mais on voit bien que, si on a une canicule précoce, soit on laisse les personnes âgées dans leur chambre, soit on les regroupe dans la pièce rafraîchie ce qui n'est pas du tout ce qu'on doit faire en période de crise sanitaire. On doit donc accélérer sur cette rénovation des hôpitaux, des Ehpad, et puis des écoles.
Sur les logements, on attend beaucoup des propositions de la Convention citoyenne sur le climat (qui s'achève le weekend du 20 juin).
Le secteur privé suivra-t-il ? On a vu le Medef demander un moratoire dans l'application de certaines mesures environnementales.
Je pense qu'ils ont compris que c'était une erreur.