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Jusqu'ici considérées comme les mieux-disantes sur la transition climatique, plusieurs compagnies pétro-gazières européennes ont depuis fait machine arrière pour doper leur rentabilité, dont BP qui a annoncé mercredi se recentrer sur le pétrole et le gaz.
L'avenir du pétrole incertain
Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré par rapport à l'ère préindustrielle, le monde doit rapidement tourner la page des énergies fossiles. Mais le secteur pétrogazier estime que l'essor des énergies renouvelables ou bas carbone n'est pas assez rapide et qu'il faudra encore du pétrole, et surtout du gaz, pendant de longues années pour répondre à la demande d'énergie en hausse, principalement dans les pays émergents et en développement.
Les prévisions sur la demande de pétrole en particulier font aujourd'hui débat. Si l'Agence internationale de l'énergie (AIE) envisage un pic de la demande pétrolière mondiale d'ici la fin de la décennie, d'autres scénarios comme celui du trader Vitol ne voient pas de reflux avant 2040 au moins, pas avant 2030 voire 2035 selon TotalEnergies, tandis que l'Opep prévoit une progression au moins jusqu'à 2050.
Les Européennes, des ambitions au recul
Après avoir annoncé des objectifs ambitieux de réduction des émissions, plusieurs compagnies ont commencé à ralentir à partir de 2023 le rythme de leur transition pour se recentrer sur les hydrocarbures.
Confirmant son coup de frein amorcé en 2023, BP a annoncé mercredi un recentrage sur le pétrole et le gaz avec l'espoir de doper ses bénéfices en berne et ses redistributions aux actionnaires, enterrant ainsi une stratégie climatique autrefois ambitieuse.
Le groupe va augmenter sa production d'hydrocarbures d'ici 2030, là où il visait précédemment une diminution de 25% en 2030 par rapport à 2019. Il compte aussi accroître ses investissements dans le pétrole et le gaz à 10 milliards de dollars par an, soit les deux tiers des investissements prévus en 2025.
En parallèle, il réduira de 5 milliards de dollars par an ses investissements dans ses projets de transition (qui ne pèseront plus que 1,5 à 2 milliards par an).
Pour sa concurrente Shell, ce sera le 25 mars. Elle a déjà annoncé en décembre qu'elle ne développerait plus de nouveaux projets d'éoliennes en mer. "Elle pense qu'elle n'a pas d'avantage concurrentiel, par exemple, par rapport aux développeurs d'énergies renouvelables en termes de rendement", explique à l'AFP Oliver Schuh, analyste chez Fitch Ratings.
Recul aussi pour le géant norvégien de l'énergie Equinor qui a abaissé début février son objectif de posséder entre 12 et 16 gigawatts (GW) de capacité dans les énergies renouvelables en 2030 à entre 10 et 12 GW.
TotalEnergies a annoncé la réduction de 500 millions de dollars, de 5 à 4,5 milliards de dollars, de ses investissements dans les "énergies bas carbone" en 2025. Le groupe assure toutefois que sa stratégie sur le segment "ne change pas": il prévoit toujours d'atteindre, en 2030, 100 GW de capacités d'énergies renouvelables et 100 TWh de production électrique (à 70% renouvelable et à 30% à partir de centrales à gaz, une énergie fossile).
Parallèlement, le groupe a rehaussé en octobre sa prévision de croissance de sa production de pétrole et gaz à environ 3% par an jusqu'en 2030 (contre +2% à 3% jusqu'en 2028 auparavant).
En toile de fond, les majors européennes veulent doper leurs cours en Bourse à la traîne par rapport aux majors pétrolières américaines.
Et ailleurs ?
Ces dernières, longtemps rétives, se sont mises elles aussi à afficher des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, mais plus timidement que les européennes.
Peu tournées vers l'électricité renouvelable contrairement à leurs concurrentes européennes, les majors américaines comme ExxonMobil et Chevron restent concentrées sur la production de pétrole et de gaz.
Ces majors européennes et américaines concentrent l'essentiel de l'attention dans le débat climatique, alors que, souligne l'AIE, "elles détiennent moins de 13% de la production et des réserves mondiales de pétrole et de gaz", loin derrière les compagnies nationales "NOC" (National Oil Companies). Celles-ci contrôlent "plus de la moitié de la production mondiale et près de 60% des réserves" et portent de ce fait une large part de la contribution de l'industrie fossile au changement climatique.
Or, contrairement aux majors occidentales qui ont des obligations de transparence pour leurs actionnaires, très peu de NOC ont annoncé des objectifs climatiques, hormis les plus grandes d'entre elles, comme Aramco, Adnoc, PetroChina ou Petrobras, qui visent la neutralité carbone de leurs opérations en 2045 ou 2050.