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L'expert français de la sûreté nucléaire, l'IRSN, au coeur d'un projet de réforme controversé, a défendu mercredi son travail, mené "sur des bases scientifiques et techniques", face à une députée LR reprochant au système de sûreté d'être "trop pointilleux".
"Évidemment, tant qu'il n'y a pas d'accident, on peut être suspecté d'en faire trop. D'ailleurs je rappelle qu'avant l'accident de Fukushima, il y avait un tendanciel de ce type : les systèmes de sûreté sont trop exigeants, etc.", a souligné Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire, auditionné avec son équipe à l'Assemblée nationale sur le projet du gouvernement.
Celui-ci, à travers un projet de loi qu'il n'a pas encore rendu public, souhaite fusionner l'IRSN, l'expert, avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, pour être plus efficace dans un contexte de relance de l'atome.
Mercredi, la députée LR de Haute-Savoie Christelle Petex-Levet s'est interrogée sur un phénomène de corrosion qui l'hiver dernier avait contraint EDF à arrêter une partie de son parc. "L'IRSN avait émis publiquement des réserves sur la pertinence d'un maintien en fonctionnement durant les réparations", a-t-elle dit. La parlementaire a fait valoir qu'"une installation peut fonctionner avec deux circuits de secours", et qu'aux États-Unis la sûreté permet de "manchonner les tuyaux atteints, c'est-à-dire de les envelopper d'une couche saine". "Le système nucléaire français est-il trop pointilleux, ou est-ce les autres qui sont trop laxistes?", a-t-elle demandé.
Au contraire, pour Karine Herviou, directrice adjointe de l'IRSN, les compétences des acteurs (IRSN, ASN, EDF...) "ont permis de régler au mieux et au plus vite ce sujet, compte tenu des doutes et incertitudes associés". "On suspectait des fissures sur l'ensemble des lignes d'injection de sécurité (...) ce qui pouvait aller éventuellement jusqu'à l'accident grave puisque ce système permet d'alimenter le circuit de refroidissement en eau", a-t-elle expliqué, relevant que "le manchonnage n'est pas une pratique française car il faut pouvoir contrôler ensuite l'évolution d'un défaut".
"Le système est-il trop pointilleux ? C'est une question difficile, quand vous l'adressez à un organisme de contrôle", a ajouté M. Niel. "L'exercice est difficile, en tout cas on le fait en notre âme et conscience, sur des bases scientifiques et techniques, et on argumente nos décisions".
Le gouvernement a toujours souligné la qualité du travail des experts de l'IRSN, expliquant son projet par le besoin d'"une grande autorité". Cet épisode de corrosion, découvert fin 2021, est cependant cité par certains acteurs comme ayant pu peser, en plein contexte de tension énergétique. Pour préparer le rapprochement avec l'ASN, des groupes de travail communs ont été mis en place cet été, a indiqué M. Niel.
Ce projet avait été retoqué par le Parlement en mai, après avoir été glissé au détour d'un amendement législatif. Parmi ses opposants figurent l'intersyndicale de l'IRSN CFDT-CGT-CFE CGC, les dirigeants de ces syndicats, l'UFC-Que Choisir ou la fédération des CLI, les comités réunissant les riverains des centrales de France.