Mobilité électrique : un futur « raz-de-marée » de voitures chinoises en Europe ?

  • AFP
  • parue le

Deux marques automobiles chinoises viennent d'annoncer coup sur coup leurs débuts en Europe, en pleine crise du coronavirus, profitant de la révolution électrique qui rebat les cartes du secteur. Ce n'est encore qu'une minuscule vague, mais elle pourrait annoncer un raz-de-marée à venir.

La start-up chinoise Aiways sera en juillet la première à livrer des voitures en Europe. Quelque 500 unités de son modèle U5 seront acheminées vers la Corse et proposées aux touristes cet été. Ces imposants 4x4 de loisir (SUV) entièrement électriques et connectés seront mis en location par une agence Hertz.

Avec l'U5, présentée l'an dernier au salon de Genève, Aiways entend concurrencer les véhicules de grandes marques établies, suivant l'exemple de l'américain Tesla, mais avec des tarifs réduits. "Nous fabriquons un véhicule comme l'Audi e-tron mais pour la moitié du prix", a affirmé auprès de l'AFP Alexander Klose, vice-président chargé de l'international.

La jeune pousse, fondée en 2017, s'est adjoint les services de Roland Gumpert, concepteur allemand de l'Audi Quattro, vedette des rallyes dans les années 1980. Son usine de Shangrao (nord-est de la Chine) lui assure une base de production à bas coûts, pour une capacité initiale de 150 000 unités par an qui pourra être doublée.

Aiways, qui vise quelques milliers de livraisons annuelles en Europe, a ouvert les commandes en Allemagne et Norvège au printemps. Suivront à l'automne le Danemark, la France, les Pays-Bas et la Suisse. Son véhicule familial, doté de 5 places et d'une autonomie de plus de 400 km, est proposé entre 35 000 et 40 000 euros.

"Sans doute y a-t-il une méfiance envers les produits chinois", reconnaît M. Klose, "mais regardez les téléphones mobiles utilisés aujourd'hui en Europe, la grande majorité est fabriquée en Chine". La start-up entend vendre ses produits sur internet, en s'appuyant sur des distributeurs locaux pour faire essayer les véhicules.

« Tsunami chinois »

Début mai, un autre groupe chinois, BYD (Build Your Dreams), a annoncé qu'il commercialiserait cette année un SUV électrique en Norvège, avec l'ambition de s'étendre à d'autres pays européens. Peu connu sur le vieux continent, BYD est pourtant l'un des leaders mondiaux du véhicule électrique grâce à son immense marché intérieur. Il était à l'origine un simple spécialiste des batteries, domaine où il a acquis un savoir-faire crucial.

Sur le marché des bus électriques, le groupe a déjà remporté de gros appels d'offre en Europe et construit deux usines, en Hongrie et en France (à Beauvais, dans l'Oise).

Adossés au premier marché automobile mondial, les constructeurs chinois étaient jusqu'ici quasiment absents d'Europe, même si des conglomérats de l'Empire du milieu contrôlent des marques européennes, notamment Geely avec Volvo. Les constructeurs établis redoutent ces nouveaux acteurs, après avoir pendant des années transféré leur savoir-faire en construisant des usines en Chine.

Le président de Renault, Jean-Dominique Senard, a plusieurs fois mis en garde contre un "tsunami chinois" imminent. Sur le marché des pneumatiques, la part des marques chinoises en Europe est passée de 5% à 30% en six ans seulement, entre 2012 et 2018. "Dans l'automobile, attendons nous maintenant à quelque chose qui pourrait être équivalent", avertit l'ancien patron de Michelin.

L'arrivée en Europe des premières voitures chinoises intervient au moment où entrent en vigueur des normes environnementales draconiennes, notamment un plafond de 95 grammes de CO2 par km qui contraint les constructeurs à électrifier leur gamme à marche forcée. Objectif : réduire la pollution de l'air et le réchauffement climatique.

La Chine s'est dotée très tôt d'une puissante filière de batteries, un composant qui représente un tiers de la valeur des voitures électriques. Avec la fin annoncée du moteur thermique tombe la principale barrière qui protégeait les constructeurs historiques, au moment où ils sont affaiblis par l'effondrement du marché lié à la pandémie de Covid-19.

"Dans la mobilité électrique, il y a une réouverture du marché. Finalement, les marques historiques se retrouvent à devoir faire la preuve de leur pertinence", estime Guillaume Crunelle, responsable automobile au sein du cabinet Deloitte. Selon lui, "une industrie chinoise qui aujourd'hui sait fabriquer des voitures, qui a une légitimité et une chaîne de valeur intégrée sur la batterie doit être regardée avec très grand sérieux".

Commentaires

MAURICE BEY
qu'en est-il de la SAAB chinoise ?
Nicolas
Bonjour, Merci pour cette information. Et une fois que ces SUV U5 Aiways chinois (140kW/63KWh) auront roulé 100.000km en Corse, en Allemagne ou même en Métropole, auront-ils émis moins de CO2 qu'un véhicule Diesel de même puissance sur tous le cycle ? La réponse est dans cette étude japonaise : "après 100.000km, un véhicule électrique avec une batterie d'une capacité de 35KWh (=Renault Zoé) émettra moins qu'un véhicule Diesel de même puissance seulement si les émissions de CO2 résultants de la fabrication de sa batterie sont en dessous de 177 kgCO2/KWh" Je vous laisse extrapoler pour une Tesla S (100KWh) et autre SUV... https://www.researchgate.net/publication/333046826_Estimation_of_CO2_Emissions_of_Internal_Combustion_Engine_Vehicle_and_Battery_Electric_Vehicle_Using_LCA Dans l'attente d'un article rédigé par vos soins à ce sujet ! Nicolas
Dominique Guérin
J'ai déjà écrit à peu près la même chose: sur 100.000 km, une voiture électrique avec une batterie chinoise de 50 kW.h et des recharges en Europe, - émet moins de CO2 en France ou en Norvège qu'une voiture essence, - plus ou moins la même chose dans les pays avec beaucoup d'éolien, de PPV (et de gaz pour la régulation et les jours sans vent et sans soleil) :Allemagne, Angleterre, Danemark... - deux fois plus que la voiture essence en Chine, en Australie, en Pologne et dans tous les pays utilisant le charbon pour faire leur électricité (60% de la planète) Mais à 300.000 km, si elle a du remplacer sa batterie elle émettra partout plus que la voiture thermique.
Mathieu Escafit
Alors rien de bien nouveau dans ce que dit cette étude. A la construction, l'impact carbone d'un véhicule électrique est plus important que celui d'un véhicule thermique. A la limite elle apporte une valeur plafond aux émissions de production de la batterie pour que ça ai de l'intérêt écologiquement. Et encore cette valeur plafond sera toujours fixée pour une distance parcourue par un véhicule durant sa vie. Pour être tout à fait honnête, l'étude elle-même rien que dans son abstract signale ce que souligne Dominique en réponse à votre commentaire. A savoir que dans un marché ou l’électricité provient principalement de sources bas carbone, la voiture électrique émet moins de carbone qu'un véhicule thermique. Et là encore rien de nouveau. C'est quelque chose de connu. Une voiture électrique en Pologne ou dans certains états américains n'a pas d'intérêt écologique aujourd'hui. "For this paper, the US, European Union (EU), Japan, China, and Australia were selected as the reference regions for vehicle operation. The calculated results showed that CO2 emission from the assembly of BEV was larger than that of ICV due to the added CO2 emissions from battery production. However, in regions where renewable energy sources and low CO2 emitting forms of electric power generation are widely used, as vehicle lifetime driving distance increase, the total operating CO2 emissions of BEV become less than that of ICV" Et de toute façon si vous étiez honnête avec la position des gens qui défendent l'utilisation de véhicule électrique à terme, n'oubliez pas que ce sont les mêmes qui défendent des mix électriques 100% renouvelables ou 100% bas carbone. Donc quand ils élaborent des scénarios de transition écologique vers une neutralité carbone (et des scénarios réalistes de ce genre il en existe), et que ces scénarios intègrent des véhicules (voitures, bus, camions) électriques (hydrogène aussi souvent dedans pour les camions) et bien le scénario réalise dans le même temps une transition vers un mix électrique renouvelable ou bas carbone. Donc leur position est tout à fait logique puisque dans ce cas là un véhicule électrique à batterie émet moins de CO2 qu'un véhicule thermique. Un autre point que je voudrais signaler, c'est que ces études, certes pertinentes sont réalisées (et c'est bien logique) avec les valeurs d'émissions en CO2 des cycles de vie d'aujourd'hui (2019-2020). Hors ces deux technologies n'ont pas le même âge. On compare donc d'un côté, la technologie du moteur thermique qui est mature et qui depuis un peu plus de 20 ans a du travailler à réduire ses émissions (merci la réglementation écologique). Avec succès en terme d'émissions. Mais les progrès maintenant sont beaucoup plus lent. Et artificiels dans le cas des hybrides (cela baisse la valeur référence carbone à l'achat, mais la réduction de pollution n'a lieu qu'en ville). Et en face on a une technologie beaucoup plus jeune qui est les batteries. Pas parfaite non plus, mais qui semble avoir plus de marge de progression que le thermique, particulière en terme d'autonomie, durée de vie et aussi impact carbone. Après impossible de prédire l'avenir. Enfin, un dernier point, un point important dans ce débat mais qui ne concerne pas l'écologie directement. Celui de la pollution atmosphérique. En 2015, la coût de la pollution atmosphérique en France a été chiffré à 100 milliards d'euros par an. Un coût en bonne partie aux gaz d'échappement des véhicules (pas que il y a aussi d'autres sources comme l'industrie). Les véhicules électriques n'en émettent pas. Durant le confinement, les gens ont eu un aperçu de la qualité et de la clarté de l'air dont ils disposeraient dans un monde ou les véhicules thermiques aurait été remplacé par des véhicules électriques. Donc de grosses économies potentielles pour la société en réduisant la pollution atmosphérique mais aussi des vies prolongées car dans ces 100 milliards, il y a en partie ca : des maladies, des morts, etc. Un point je pense qui plairait à tout le monde particulièrement aux habitants des villes. Et qui peut être couplé à une dernière comparaison : les véhicules électriques sont très silencieux surtout en comparaison de leurs équivalents thermiques. Les habitants des villes ou proches d'axes très passant (nationales, départementales, etc) apprécieront.
Jean-claude LE MAIRE
Il va falloir arrêter de nous enfumer, au sens propre comme au figuré ! https://levejeveux.blogspot.com/2020/05/economiquement-ou-ecologiquement.html
Dominique Guérin
150 à 200 kg de CO2 par kW.h de batterie soit 7,5 à 10 tonnes de CO2 pour 50 kW.h.publié sur ce site pourtant très favorable aux VE. https://www.automobile-propre.com/voiture-electrique-impact-carbone-batteries/

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