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Avec la nomination de John Kerry au poste de représentant spécial pour le climat, le prochain président américain Joe Biden mise sur un diplomate rompu au multilatéralisme et connu de multiples dirigeants mondiaux, afin de consacrer le retour prévu des Etats-Unis dans l'accord de Paris.
C'est John Kerry lui-même qui signa, au nom des Etats-Unis, l'accord sur le climat négocié en décembre 2015, comme chef de la diplomatie de Barack Obama. L'un des accords, avec celui sur le nucléaire iranien, qu'il avait personnellement négociés et qu'a ensuite déchirés Donald Trump.
Joe Biden a promis de revenir dès le premier jour de son mandat, le 20 janvier 2021, dans l'accord climatique. "Je retourne au gouvernement pour remettre l'Amérique sur la bonne voie, face au plus grand défi de cette génération et face à ceux qui suivront", a tweeté John Kerry, promettant de "traiter la crise climatique comme la menace urgente de sécurité nationale qu'elle est".
M. Kerry, 76 ans, de deux ans le cadet de M. Biden, est un poids lourd parmi les poids lourds de la planète démocrate. Outre avoir été secrétaire d'État, il fut candidat malheureux à la Maison Blanche en 2004, et il est resté sénateur 28 ans, spécialisé dans les affaires étrangères.
Il a quitté le département d'État quand Donald Trump a pris les rênes du pouvoir, en janvier 2017. Et le climat était depuis devenu l'un de ses sujets de prédilection. Il y a un an, il avait lancé une coalition de vedettes et personnalités pour mobiliser contre la crise climatique, baptisée "World War Zero" (Guerre mondiale zéro). Le diplomate a exploité son carnet d'adresses: Leonardo DiCaprio, Emma Watson, Arnold Schwarzenegger ont rejoint l'initiative. "Aucun pays ne fait le travail" sur le changement climatique, disait-il alors. "Nous devons traiter cela comme une guerre".
Chaque année d'inaction climatique sous la présidence Trump a rendu cette guerre-là encore plus ardue à gagner. Les émissions de gaz à effet de serre américaines se réduisent naturellement, avec l'essor des énergies renouvelables et, cette année, un coup de pouce de la pandémie, mais pas assez vite pour atteindre l'objectif affiché par Joe Biden : la neutralité carbone en 2050.
Tenir parole
À la signature de l'accord de Paris, l'idée d'un monde neutre en carbone 35 ans plus tard - un monde où le résidu d'émissions de carbone serait entièrement compensé par des projets d'absorption du carbone - paraissait si radicale qu'elle n'était pas explicitement incluse dans le texte.
Mais en cinq ans, nombre de pays, et l'Union européenne, se sont ralliés à l'objectif de 2050. La Chine a annoncé en septembre viser 2060, non sans critiquer l'inconstance des États-Unis, deuxième émetteur mondial de CO2. La feuille de route de John Kerry sera de retrouver la confiance des partenaires des États-Unis et de prouver que la structure de l'accord de Paris, fragilisée par Donald Trump, était bien la bonne.
Cet accord n'impose pas de mesures aux pays signataires: il leur demande de fixer eux-mêmes leurs objectifs pour le climat, de les respecter, et éventuellement de les rehausser. Cette formule peu contraignante est à la fois la force et la faiblesse du texte, dépendant de la bonne volonté des parties prenantes.
John Kerry est un habitué des missions diplomatiques périlleuses: outre le climat et l'Iran, il avait négocié avec la Russie un accord sur les armes chimiques en Syrie. Barack Obama l'avait dépêché à Islamabad en 2011 pour tenter d'apaiser l'allié pakistanais fou de rage de ne pas avoir été informé du raid contre Oussama ben Laden.
Élancé, épaisse chevelure poivre et sel, francophone, il affectionne par-dessus tout les contacts personnels, poignées de mains et tapes dans le dos chaleureuses avec ses interlocuteurs, et se retrouver dans le huis clos de réunions pour sceller les compromis qui font le sel de la diplomatie internationale.
Le temps presse. L'Amérique de Joe Biden devra dévoiler au monde dès 2021 son nouveau plan climat, avec la conférence onusienne COP26 en ligne de mire, en novembre à Glasgow.