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Contraints de céder leurs terres pour laisser place à des panneaux solaires, certains battus ou emprisonnés: des paysans en Chine disent faire les frais de la frénésie d'énergies renouvelables à l'approche des JO d'hiver.
La capitale chinoise Pékin et les montagnes de la province environnante du Hebei (nord) accueilleront du 4 au 20 février 2022 près de 2.900 sportifs.
La Chine veut faire de ces Jeux les premiers entièrement alimentés par des énergies renouvelables. Elle a profité de l'occasion pour construire des dizaines de parcs solaires et éoliens ces dernières années.
Dans le petit village de Huangjiao, près de Pékin, la famille Long affirme que les deux tiers de ses terres agricoles ont été saisies pour les besoins de l'installation de panneaux solaires.
Faute d'avoir retrouvé un niveau de revenus suffisant, elle doit désormais se contenter de brûler des feuilles de maïs et des sacs plastiques pour se chauffer l'hiver.
"Quand l'entreprise a commencé sa location des terres pour 25 ans, on nous a promis un dédommagement de seulement 1.000 yuans (139 euros) par an et par mu", une unité de mesure chinoise équivalente à 667 m2, explique M. Long.
"Avant, avec la même surface, on pouvait gagner plus du double par an. Faute d'avoir suffisamment de terres et de revenus, je travaille désormais comme ouvrier agricole dans d'autres exploitations", poursuit-il.
- "Mafia" -
La Chine est le premier producteur mondial d'éoliennes et de panneaux solaires et les Jeux d'hiver sont une occasion de mettre en valeur les technologies chinoises en la matière.
Afin d'assurer une alimentation électrique stable durant les JO, la province du Hebei, autour de Pékin, a construit une centrale qui collecte l'énergie produite par des centaines d'installations solaires et éoliennes de la région.
Cette centrale permet de générer quelque 14 milliards de kilowattheures d'électricité par an -- soit l'équivalent de la consommation annuelle de la Slovénie.
Mais l'essor des renouvelables, dans les cas où il est mené aux forceps, peut empoisonner la vie des agriculteurs comme M. Long et son voisin M. Pi.
Selon ce dernier, des habitants du village ont été forcés de signer des contrats, vus par l'AFP, dans lesquels ils s'engagent à louer leurs terres à la State Power Investment Group (SPIC), l'une des cinq plus grandes compagnies d'électricité du pays.
Les récalcitrants ont été battus par la police et "certains ont été hospitalisés, d'autres placés en détention", affirme M. Pi.
Il dit avoir été emprisonné pendant 40 jours, et son voisin M. Long pendant neuf mois, pour "rassemblement illégal et trouble à l'ordre public" après une manifestation.
"C'est comme une mafia", peste M. Pi. "Plus tu te plains, plus on t'intimide, on t'emprisonne et on te condamne en justice."
- "Pas au courant" -
L'AFP n'a pas pu confirmer que l'électricité produite sur le site de la SPIC dans le village de Huangjiao sera utilisée pour alimenter les sites olympiques. Et l'entreprise, interrogée, n'a pas souhaiter s'exprimer sur ce point.
Mais les autorités de Zhangjiakou -- la ville qui coorganise les Jeux avec Pékin -- ont déclaré que l'obtention des Jeux a été un catalyseur pour l'essor des énergies renouvelables et permis de faire de la région "la plus grande base d'énergie renouvelable non-hydroélectrique" du pays.
Les subventions gouvernementales accordées aux parcs éoliens et solaires ont également accéléré la construction de projets de ce type.
Un porte-parole de la SPIC déclare à l'AFP que la société n'est "pas au courant de problèmes liés aux indemnisations" dans le village de Huangjiao.
La Chine a pour objectif de produire 25% de son électricité à partir d'énergies non-fossiles d'ici 2030.
Pour y parvenir, le pays doit plus que doubler sa capacité actuelle dans l'éolien et le solaire. Les saisies de terres pour y installer panneaux et éoliennes vont donc se généraliser, soulignent les écologistes.
En septembre, la Chine a annoncé de nouvelles règles strictes d'indemnisation lorsque des terres sont saisies pour des "projets écologiques" comme la production d'électricité à partir de renouvelables.
- Partage des bénéfices -
"Nos (règles) en matière de zonage précisent clairement que les terres agricoles ne peuvent pas être occupées", déclare Li Dan, une haute responsable de l'Association chinoise de l'économie circulaire, un organisme professionnel officiel qui conseille les autorités en matière de politique écologique.
"C'est une ligne rouge à ne pas franchir."
Si des terres sont tout de même saisies, un programme de partage des bénéfices avec l'agriculteur doit être mis en place, comme par exemple l'approvisionnement de serres agricoles en électricité gratuite, ajoute Mme Li.
Mais plusieurs paysans interrogés par l'AFP assurent que certaines de leurs terres agricoles ont été étiquetées "friches" afin de pouvoir contourner les règles.
A quelques kilomètres du site olympique de Zhangjiakou, Xu Wan, un autre agriculteur, dit avoir perdu ses terres, désormais occupées par des panneaux solaires.
"L'entreprise nous a dit qu'il s'agissait de terres impropres à la culture. Mais ce sont toutes de très bonnes terres agricoles", déclare-t-il à l'AFP.
"On nous a promis 3.000 yuans par mu. Mais on n'a rien eu."
Le fournisseur d'électricité Zhangjiakou Yiyuan New Energy Development, qui a installé les panneaux solaires dans le village de M. Xu, n'a pas répondu aux demandes de commentaires de l'AFP.
- "Plus pareil" -
Pour prévenir tout conflit lié aux saisies de terres, la Chine a intégré la plupart des projets de fermes solaires dans sa campagne de lutte contre la pauvreté.
Dans ce cadre, les villageois sont notamment censés recevoir gratuitement de l'électricité grâce à des panneaux solaires installés sur leurs toits.
En 2014, une directive gouvernementale ordonnait également aux entreprises de racheter le surplus d'électricité produit par ces panneaux afin de financer un programme visant à sortir deux millions de foyers de la pauvreté d'ici à 2020.
L'Administration nationale de l'énergie a indiqué l'an passé que plus du double en ont finalement bénéficié.
Mais à Huangjiao, qui compte plus de 300 foyers, seuls les toits de deux maisons ont des panneaux solaires. Et des villageois affirment qu'aucun projet d'installation n'est en cours.
L'agriculteur Xu Wan, lui, raconte n'avoir touché aucun revenu du surplus d'électricité produit par ses panneaux.
"Le gouvernement central a de bonnes politiques pour les agriculteurs", déclare M. Pi, du village de Huangjiao.
"Mais pour ce qui est de l'application au niveau du village, ce n'est plus pareil. La corruption au niveau local, c'est intolérable."