France : questions sur un hiver électrique sous tension

  • AFP
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Pourquoi l'approvisionnement électrique cet hiver est-il sous tension ? Est-ce la faute de la fermeture de Fessenheim ? Voici quelques éléments de réponse.

Comment en est-on arrivé là ?

Le gestionnaire du réseau RTE avait prévenu dès l'année dernière que la France pourrait connaître des difficultés d'approvisionnement électrique cet hiver et notamment en février, en cas de vague de froid.

En cause : la pandémie de Covid-19 qui a bousculé le planning de maintenance des réacteurs nucléaires au printemps, au moment où sont habituellement effectués ces travaux en prévision de l'hiver. La question est particulièrement sensible pour la France, dont la production électrique est à 70% nucléaire.

EDF est finalement parvenu à réorganiser ces arrêts et a économisé du combustible pendant l'été afin de conserver des capacités de production pour la saison froide Mais certains réacteurs devront bien finir par être arrêtés : ils devraient être 13 à ne pas produire sur les 56 du parc fin février, contre deux à quatre les années précédentes.

La météo a aussi un rôle : elle influe sur la production des énergies renouvelables, qui dépendent du vent et du soleil, mais aussi sur la consommation.

"Pour 1°C sous les normales de saison, on estime une hausse de la consommation de 2 400 MW", soit l'équivalent de la consommation de Paris, indique-t-on chez RTE. Par ailleurs, la consommation reste plutôt inférieure à la normale actuellement en raison de la crise sanitaire et économique (- 3% à fin 2020).

Est-ce la faute de la fermeture de Fessenheim ?

La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim l'an dernier est très critiquée par l'opposition, notamment à droite, et les syndicats. L'arrêt des deux réacteurs en février et en juin a en effet privé le pays d'une capacité production de 1,8 GW au total. La situation est d'autant plus paradoxale que la France a ces derniers mois ponctuellement recours à ses centrales à charbon, très polluantes, pour assurer sa production d'électricité. Elles sont cependant censées fermer d'ici à 2022.

Mais l'arrêt de Fessenheim, qui avait été programmé pour des raisons politiques, était difficilement évitable. La centrale n'avait notamment pas bénéficié de certains travaux qui auraient été indispensables à la poursuite de son fonctionnement. "Il n'était pas techniquement envisageable de revenir en arrière quand la crise du Covid est arrivée en Europe", a souligné le président de RTE, Xavier Piechaczyk.

Pour le gouvernement, les difficultés actuelles du parc nucléaire plaident aussi justement pour une plus grande diversité de l'approvisionnement - et donc pour la réduction prévue de la part du nucléaire à 50% en 2035. D'autres facteurs expliquent aussi les problèmes actuels, comme le retard du chantier de l'EPR de Flamanville (Manche), où le chargement du combustible est prévu fin 2022.

Quels moyens pour garantir l'approvisionnement ?

RTE peut demander aux Français des "écogestes" afin qu'ils réduisent temporairement leur consommation, comme vendredi dernier au matin. Certaines autres mesures sont indolores, comme une légère diminution de la tension sur le réseau, qui ferait par exemple briller les ampoules un peu moins vivement. La France, qui exporte plutôt de l'électricité, peut aussi en importer de ses voisins.

RTE dispose aussi de mécanismes qui lui permettent de baisser la consommation jusqu'à 3 gigawatts (GW), l'équivalent de trois réacteurs nucléaires. Il existe d'une part un mécanisme dit "d'effacement" sous forme de contrats passés par appel d'offres avec des entreprises ou des particuliers qui acceptent temporairement de réduire ou différer certaines de leurs consommations. Un autre dispositif dit "d'interruptibilité" permet aussi d'arrêter immédiatement la fourniture de courant sur 18 sites de gros consommateurs d'électricité sous contrat avec RTE.

En dernier recours, il est enfin prévu le recours au "délestage" c'est-à-dire à des coupures organisées et tournantes de l'alimentation électrique d'environ 200 000 foyers à la fois pendant 2 heures. Une mesure extrême mais destinée à éviter le blackout - une panne généralisée et non contrôlée.

Commentaires

Minorey
"Pour le gouvernement, les difficultés actuelles du parc nucléaire plaident aussi justement pour une plus grande diversité de l'approvisionnement - et donc pour la réduction prévue de la part du nucléaire à 50% en 2035. " (sic) C'est une fumisterie ... il n'est qu'à voir l'apport de l'éolien et du photovoltaïque en période de grand froid anticyclonique.
dédé 29
Je crois qu'à force d'attendre de lancer les 6 EPR prévus ,on devra installer des turbines à gaz ,comme vont le faire les allemands avec des cycles combines à gas en remplacement de leur charbon . Quant l'éolien et le solaire ,lorsqu'il n'y a pas de vent et de soleil ,comme durant les périodes anticycloniques ,cela ne sert à rien d'avoir multiplié ces matériels par 2 ,5 ou 10 ! Il suffit de regarder en Allemagne les puissances fournies durant ces périodes avec leurs 50 GW installes d'éolien(de 17 à 1 GW )et idem pour le solaire . A propos des coupures de 2 heures ,je voudrais savoir si le compteur Linky permet de laisser un "talon " de consommation pour avoir au moins de l'éclairage , de pouvoir charger son portable ,ou avoir internet .
Pierre B
Pour 'rebondir' sur Minorey, ce genre de commentaire devient de plus en plus frequent chez certains politiques. Est ce qu'ils sont cyniques (ils veulent se maintenir/acceder au pouvoir) ou seulement incompetents (ils ne savent pas de quoi ils parlent)?
Lecteur 76
Surtout à droite nous raconte l'article ... c'est là que se situerait la plupart de ceux qui pensent que la fermeture de Fessenheim porte une bonne part de responsabilité dans la situation de notre production électrique. La distinction droite - gauche me paraît totalement hors de propos ... La vraie distinction est entre les critiques qui savent un peu et connaissent un peu les contraintes d'un système électrique et les autres ... Peut-être en sait-on moins à gauche qu'à droite, c'est possible. Ce ne serait pas nouveau dans la mesure où le réalisme et le concret sont plutôt un marqueur du centre et de la droite (non extrême) que de la gauche française, un peu romantique ou un peu "caviar" et en tout cas peu encline à s'intéresser au réel et au concret, toutes choses "sales" et moralement ennuyeuses. A lire et à entendre les déclarations des responsables de RTE et des membres du gouvernement normalement directement concernés par le sujet énergétique, on hésite entre incompétence (pour ceux-ci) et mauvaise foi sur commande (pour ceux là). Quant aux gouvernements, terrorisés depuis longtemps par la propagande des anti-nucléaires, ils sont généralement et l'un et l'autre. En attendant, l'industrie électrique française s'est terriblement dégradée, le fruit est bientôt mûr et notre ministre va la céder aux entêtements de la Commission européenne, par ignorance, incompétence, absence de vision stratégique et en raison de ses convictions partisanes (et pourtant le vent et --pire-- le soleil nous ont encore convaincu ce mois-ci qu'ils ne seraient jamais au rendez vous).
Charles Amblard
On lit : "La météo influe sur la production des énergies renouvelables : le vent et le solaire". Une fois de plus renouvelable = vent et soleil. La première des énergie renouvelable et de loin est comme chacun sait (ou devrait savoir) l'hydraulique qui elle aussi dépend, en bien moindre part c'est vrai, de la météo. Les retenues réservoir, entre autres, servent de tampon c'est sûr mais , comme indiqué par les bilans de production, la possibilité d'envoi de KWH hydrauliques sur le réseau dépend elle aussi de la météo. Le changement climatique va-t-il diminuer ou augmenter les capacités de turbinage ????? Un fond solide et sûr de production, le nucléaire en tête, reste indispensable, en tout cas pour de longues années encore. Souhaitons heureuse naissance (enfin) et bonne et longue vie aux EPR.
Philippe Charles
Non M. Amblard, "La première des énergie renouvelable et de loin est comme chacun sait (ou devrait savoir)" n'est pas l'hydraulique. Pas de chance, malgré tout l'aplomb dont vous tentez de faire preuve, c'est raté. Alors comme chacun ne sait pas, la 1ère ENR (de très loin et qui plus est que ce soit dans le monde ou en France) est en production primaire le bois-énergie. Vous avez donc omis de préciser "pour la production d'électricité", vecteur qui n'est qu'une petite partie de l'énergie totale consommée.
Charles Amblard
Un grand merci Monsieur Philippe Charles d'avoir corriger mes graves lacunes. J'ai commis un bien pitoyable raté. Heureusement des gens comme vous remettent les élucubration d'incompétents sur les rails. merci. Au fait en parlant d'énergie primaire...La principale (première ?), dans nombre de contrées reculées serait encore aujourd'hui, (comme jadis dans nos alpages)...Quoi donc ? Question à mille € ? La....bouse de vache séchée. Vous avez bien raison, en ces tristes temps de confinement il faut bien s'occuper même en enfonçant des portes ouvertes... Ça mange pas de pain. Merci encore et en toute sympathie.
Oulebsir Oulebsir
Ce qui me paraît préoccupant pour l'avenir est que la nouvelle règlementation thermique 2020 favorise le chauffage électrique dans les constructions neuves au détriment des chaudières à gaz dans la précédente règlementation RT2012. De fait le risque de black out sera encore plus élevé. Il aurait été plus sage d'équilibrer les modes de chauffage afin d'éviter les risques de saturation sur le réseau. On verra ce que nous réserve l'avenir à ce sujet.
Emmanuel Combes
Oui Oulebsir Oulebsir, c'est incroyable et même révoltant cette manipulation des chiffres pour faire sortir les passoires thermiques du champ de vue et favoriser le chauffage électrique. on réalise là les nouveaux méfaits du lobby électro-nucléaire. D'ailleurs des spécialistes de l'efficacité énergétique ont rendu public une tribune le 26 novembre 2019, signée par plus de 1700 acteurs de la construction, ingénieurs, architectes ou maîtres d'ouvrage. J'invite tous les lecteurs préoccupés par les économies d'énergie à la signer : https://www.soutiens.online/
Oulebsir Oulebsir
Merci Emmanuel Combes pour votre lien. En effet l'intérêt général devrait primer sur le reste.
Régis de Nimes
Lu plus haut : "...le réalisme et le concret sont plutôt un marqueur du centre et de la droite (non extrême) que de la gauche française..." De quel "réalisme" parlez-vous. Celui qui est appliqué depuis près de 40 ans par la droite et la social-démocratie avec la théorie sur les avantages comparatifs de D. Ricardo, justifiant délocalisations, désindustrialisation sur fond de dumping social, fiscal et environnemental. Ou celui qui soutient le modèle libéral de la construction européenne "la concurrence libre et non faussée" justifiant le démantèlement de nos grandes entreprises ?

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