À Fos-sur-Mer, une ambitieuse décarbonation face à de nombreuses incertitudes

  • AFP
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Enjeu majeur de transition énergétique et de reconquête industrielle, la décarbonation de l'immense zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, à 50 km au nord-ouest de Marseille, peine à sortir du papier et des discours, freinée par de nombreuses incertitudes.

9 000 hectares dont 7 500 consacrés à l'industrie

Du château de l'Hauture qui surplombe l'ancienne cité médiévale entre étangs et marais, la ZIP s'étend à perte de vue jusqu'au port à conteneurs, une succession d'usines chimiques, raffinerie, hauts-fourneaux, dépôts pétroliers, cheminées, pylônes...

"Fos, c'est 9 000 hectares dont 7 500 consacrés à l'industrie", soit plus de 80% du territoire communal, explique le maire DVG René Raimondi, 65 ans, qui, enfant, voyait passer taureaux et chevaux de Camargue à l'entrée du village.

Soixante ans après l'installation de la première raffinerie, le secteur englobant le Golfe de Fos et l'étang de Berre voisin produit un quart des émissions industrielles de la France, soit plus de 17 millions de tonnes de CO2/an. "La dernière usine s'est installée en 1987. Depuis, rien !, constate le maire. Et il y a trois ans, après la crise du Covid et avec la guerre en Ukraine, on a recommencé à parler de souveraineté industrielle et de transition énergétique, et ces deux préoccupations se sont rejointes à Fos".

En janvier 2023, Fos-sur-Mer est choisie par le gouvernement pour devenir, avec Dunkerque, une des premières "zones industrielles bas carbone" du pays. Les projets affluent, attirés par le foncier disponible et des perspectives d'aides publiques. Ils sont à ce jour une trentaine - énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien flottant, hydrogène vert...), aciérie décarbonée, carburants durables... À la clé, la promesse de 10 000 emplois directs.

« Le moment est complexe »

"Notre stratégie, c'est de faire la première zone européenne de décarbonation et de réindustrialisation", proclamait fin février le président de Région, Renaud Muselier, à l'occasion de la signature avec l'État et la Métropole d'une "feuille de route pour le développement industriel de la zone Fos-Berre" à l'horizon 2030.

"On vit un moment extraordinaire, historique !", s'emballe le président de la CCI Aix-Marseille-Provence, Jean-Claude Chauvin, chiffrant les investissements potentiels à "12 à 15 milliards en nouveaux projets, et 3 à 5 milliards pour la transformation des industries existantes".

Un enthousiasme accueilli avec circonspection à la Maison des syndicats de Fos. "La question qu'on se pose n'est pas quand, mais est ce qu'un jour, ça va vraiment démarrer", dit Sandy Poletto délégué CGT chez ArcelorMittal. Arcelor, premier employeur de la ville avec 2 500 salariés, a suspendu fin 2024 ses projets de décarbonation en Europe, réclamant des mesures de soutien.

"Le moment est complexe, on a beaucoup de projets, donc beaucoup d'incertitudes, et le contexte géopolitique ne fait qu'en rajouter. Mais on ne peut pas dire que la décarbonation n'a pas commencé", tempère Nicolas Mat, secrétaire général de l'association Piicto qui regroupe, autour de Fos, industriels et acteurs publics dans une démarche d'écologie industrielle.

"Le concret, on y est déjà. On parle de centaines de millions d'euros investis ces dernières années", assure-t-il, citant l'amélioration de l'efficacité énergétique, la valorisation des déchets ou des projets d'infrastructures mutualisées pour la captation de CO2.

Un débat public attendu au printemps

Toutefois, tous les acteurs l'admettent : le gros de la décarbonation ne pourra se faire sans apport supplémentaire d'électricité pour remplacer pétrole et charbon. La demande pourrait doubler d'ici 2030, portée par la transformation des industries fossilo-dépendantes, le développement des filières innovantes, l'hydrogène notamment, mais aussi les nouveaux usages du quotidien.

Prévu pour 2028, un projet de ligne à très haute tension (THT), traversant une partie de la Camargue, continue de susciter une forte opposition, malgré un tracé "de moindre impact" présenté en septembre par RTE. "Il y a urgence à se décider, insiste le patron de la CCI, car à chaque retard, ce sont des projets qui peuvent partir ailleurs !"

Autres obstacles, les infrastructures dont manque cruellement la ZIP, desservie par une voie ferrée unique et une simple route départementale: "On est le seul port d'Europe dans lequel on rentre par un rond-point et une seule route", constate M. Chauvin.

Le financement des infrastructures de transport, estimées à 2 milliards d'euros, et la création d'une gouvernance spécifique sont au cœur des préoccupations des industriels de la région, qui ont lancé un appel à l'État en octobre.

Un débat public global est attendu au printemps, sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), autour des enjeux et impacts des projets industriels mais aussi de la ligne THT. "Il faut accélérer", répète le président de la CCI. Il faut qu'on passe des projets à la réalisation, qu'on passe du potentiel à la vraie vie !"

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