Flambée des prix de l'électricité : « l'État protégera » les consommateurs, une promesse de plus en plus chère

  • AFP
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"L'État protégera" les consommateurs de la flambée des prix de l'électricité, a répété le gouvernement vendredi, mais la facture de cette promesse de Jean Castex risque de s'alourdir à plus de 10 milliards d'euros pour les finances publiques.

Fin septembre, le Premier ministre avait annoncé "un bouclier tarifaire" sur l'énergie avec notamment une limitation à 4% de l'augmentation des tarifs réglementés de l'électricité l'an prochain. Cette mesure, annoncée à l'approche d'une année électorale et en plein regain d'inquiétude sur le pouvoir d'achat, doit protéger les Français de la flambée des cours de l'électricité sur les marchés, alimentée par de nombreux facteurs, à commencer par la reprise économique mondiale.

Problème : le coût pour les finances publiques risque de s'alourdir considérablement par rapport à ce qui était initialement prévu, ce qui n'a pas empêché le gouvernement de confirmer la mesure vendredi. "Quoi qu'il arrive, l'État protégera", a promis la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili vendredi matin sur BFM Business. "Ce n'est jamais une folie d'accompagner nos concitoyens dans des moments de crise".

Le gouvernement pensait initialement débourser 4 milliards d'euros pour cette promesse puis avait prévu 5,9 milliards dans la nouvelle version du budget 2022 présenté mi-octobre. Aujourd'hui, ni Bercy ni le ministère de la Transition écologique ne s'avancent à chiffrer cette mesure. "Il est trop tôt pour le dire, les prix évoluent constamment. Mais effectivement l'État prendra les mesures nécessaires en fonction du niveau constaté de la hausse en février", indique l'entourage de Barbara Pompili. Ce sera "plus de 10 milliards", estime pour sa part Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Energie.

Car la prévision 2022 pour le tarif réglementé de vente (TRV), dont le gouvernement entend bloquer la hausse à 4%, ne cesse de s'envoler, augmentant toujours plus l'effort budgétaire nécessaire pour le maintenir à 4%. Le gouvernement pensait que ce TRV aurait dû prendre 12% en février prochain mais les experts parlent désormais d'une augmentation de près de 25%.

Casse-tête

Derrière cette flambée se cache un mécanisme complexe mais essentiel, celui par lequel les fournisseurs alternatifs à EDF peuvent accéder à l'électricité nucléaire du producteur historique à bon marché : l'Arenh, pour "accès régulé à l'électricité nucléaire historique".

Avec la flambée actuelle sur les marchés de l'électricité, les fournisseurs ont demandé massivement à bénéficier de ce mécanisme qui leur garantit des électrons beaucoup moins chers. Mais leur demande ne pourra pas être satisfaite en intégralité, loin de là : le plafond maximum disponible est de 100 TWh alors qu'ils en ont demandé un record de 160 TWh. "L'Arenh qu'ils auraient aimé avoir et qu'ils n'ont pas reçu, a priori ils vont devoir le remplacer par des achats sur les marchés de gros", aux cours très élevés, explique Julien Teddé.

Cette inflation a un effet automatique sur le TRV, conçu pour refléter les coûts de ces fournisseurs alternatifs et ainsi leur permettre d'être compétitifs face à EDF. Outre le coût pour les finances publiques, l'Etat se retrouve confronté à un autre casse-tête: la baisse de la taxe sur l'électricité (CSPE) envisagée ne sera pas suffisante et il faudra trouver un autre instrument. "Même si on supprime complètement la CSPE, il reste une hausse de quasiment 10%" sur le tarif, souligne Julien Teddé.

À plus long terme, la France espère une réforme du marché européen de l'électricité, pour que les cours reflètent plus fidèlement les prix réels dans chaque pays, alors qu'ils sont aujourd'hui calés sur les coûts des centrales à gaz et au charbon - qui atteignent aujourd'hui des sommets.

La France veut ainsi des prix qui traduisent mieux sa production nucléaire ou l'Espagne ses investissements dans les renouvelables. Ces deux pays ainsi que l'Italie, la Grèce et la Roumanie ont ainsi poussé une position commune à Bruxelles jeudi. Mais ces propositions suscitent la réticence d'une majorité de pays et certains, dont l'Allemagne, ont réaffirmé cette semaine leur hostilité à une réforme des marchés européens.

Commentaires

JY Bourmaud
Plutôt que d'écrire "[les prix] sont aujourd'hui calés sur les coûts des centrales à gaz et au charbon", ce qui laisse entendre qu'il s'agirait d'une forme de décision administrative et technocratique, il serait plus juste de rappeler que le prix de gros est déterminé en Europe (via le couplage de marchés "J-1" pour chaque heure de J) comme le prix de l'offre marginale retenue sur le marché (modulo les limitations éventuelles dues aux capacités d'interconnexion qui compliquent la notion de prix marginal...). Et il se trouve que l'offre marginale est souvent en ce moment celle d'un groupe charbon ou gaz (situé hors France). Rappel : dans un parc adapté (comme l'a démontré Marcel Boiteux), les unités qui ont des coûts proportionnels inférieurs au prix de marché dégagent ainsi une rente infra-marginale, qui rémunère exactement les coûts fixes. Mais effectivement, le parc actuel ne peut raisonnablement plus être qualifié "d'adapté". Par ailleurs, nous sommes probablement assez loin des conditions de la concurrence pure et parfaite, en particulier pour ce qui concerne les combustibles comme le gaz. Enfin, la gestion des stocks de gaz joue aussi à plein sur la valeur d'usage de ce gaz.
PierB
Il faudrait que les grands cerveaux qui ont mis au point le système actuel reconnaissent qu'ils n'ont pas pensé à toutes les situations. On peut soupçonner ceux qui s'y opposent (l'Allemagne?) d'avoir eu cette imagination. Et à la fin ce sont eux qui gagnent. N'avez vous pas l'impression que la France s,'est fait avoir ?
Larderet
Je pense que vous avez raison : quand on consulte les prix spot sur le site de RTE eCO2 mix, on constate que ceux-ci sont pratiquement toujours supérieurs en France qu’en Allemagne. Curieux effet de la production bon marché due au nucléaire !

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