Financer la transition écologique nécessite de doubler voire tripler les dépenses publiques d'ici 2030, selon l'I4CE

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Les dépenses publiques annuelles nécessaires pour que la France tienne ses objectifs climatiques devront plus que tripler à l'horizon 2030, jusqu'à 103 milliards d'euros par an, sauf réformes susceptibles d'en transférer une part vers les entreprises et les ménages, selon un institut de recherche.

Un besoin additionnel de 71 milliards d'euros à l'horizon 2030

État et collectivités consacrent actuellement environ 32 milliards d'euros de dépenses chaque année en faveur du climat, selon l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE). Mais "combler le déficit d'investissement climat dans les conditions fiscales et réglementaires actuelles impliquerait un besoin de dépenses publiques additionnelles de 71 milliards d'euros à l'horizon 2030", estime l'I4CE dans une étude publiée vendredi.

Ce chiffrage, en euros constants, englobe les investissements nécessaires pour que la France tienne ses engagements européens de réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et de viser la neutralité carbone en 2050. Cela inclut l'électrification du parc automobile, la rénovation des logements, le développement des transports en commun, des énergies renouvelables et nucléaire, etc.

Mais cet effort supplémentaire, en période de disette budgétaire, pourrait être ramené à un "besoin minimal" de "39 milliards d'euros d'argent public additionnel", soit plus que doubler les dépenses actuelles, si l'Etat adopte une série de mesures : "renforcer la réglementation, recentrer les aides sur les bénéficiaires les plus modestes, éliminer certaines dispositions fiscales favorables aux alternatives fossiles, s'appuyer sur les Certificats d'économies d'énergie ou les tarifs des services rendus pour les usagers".

Ce "besoin résiduel" d'argent public se concentrerait "alors dans les équipements publics, comme les bâtiments administratifs et scolaires" à rénover "les infrastructures de transports", en particulier le ferroviaire.

« Quotas de verdissement »

Pour y parvenir, l'étude identifie, secteur par secteur, "des options de répartition des financements publics et privés".

Par exemple, les subventions aux voitures électriques, via le bonus à l'achat, pourraient être remplacées par des "quotas de verdissement sur les flottes" des entreprises de locations longue durée, principaux acheteurs de véhicules neufs qui alimentent ensuite le marché de l'occasion, a expliqué Hadrien Hainaut, spécialiste des financements climat à l'I4CE.

"En faisant porter sur elles l'obligation de verdissement, on accroît le nombre de véhicules en circulation" et "on transfère une partie de la charge d'investissement (...) vers les ménages et vers les entreprises", a-t-il justifié.

Autre piste: "généraliser une obligation de rénovation à travers un abondement", c'est-à-dire des sommes consignées lors de l'achat d'un logement non rénové mais débloquées sur présentation de travaux.

"Ça présente deux avantages", selon M. Hainaut, "c'est une forme d'épargne +forcée+ (...) mais surtout, ces sommes peuvent être financées par un prêt immobilier", "étalé sur une durée longue" et "financé à des taux relativement bas".

L'étude se veut une "contribution au débat", dans "un avenir incertain", faute de majorité claire à l'Assemblée nationale, a commenté Benoît Leguet, directeur de l'I4CE.

"Même si le climat et l'écologie ont été très largement absents des débats" aux législatives, "la nécessité d'agir pour le climat (...) reste un acquis largement partagé par les Français", a-t-il estimé.

"Plusieurs chemins sont possibles" pour "partager l'effort" et assurer "l'accessibilité de la transition" pour les ménages et les entreprises, a-t-il ajouté. A condition "de ne pas s'enfermer dans des mirages de l'argent magique", public comme privé.

Les principales dépenses publiques sont attendues pour la rénovation des bâtiments (entre 16 et 40 milliards d'euros en 2030, contre 7 en 2023-2024), le ferroviaire (9 à 11 milliards au lieu de 6 actuellement) ou pour le verdissement du parc automobile (5 à 10 milliards contre 3), selon l'étude.

L'an dernier, le rapport de référence de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz avait estimé le coût de la transition entre 25 et 34 milliards d'euros d'investissements publics supplémentaires d'ici à 2030 par rapport au budget 2023 (25 milliards d'euros d'investissements). Le gouvernement d'Elisabeth Borne s'était félicité dans la foulée d'une rallonge inédite de 7 milliards dans le budget 2024, finalement rabotée de 2 milliards en février avant une nouvelle coupe imminente.

Au total, les investissements pour la transition, public et privé confondus, "doivent atteindre 206 milliards d'euros par an d'ici 2030", estime l'I4CE.

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