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Bruxelles a donné mardi un nouveau tour de vis contre les pratiques anticoncurrentielles attribuées à la Chine en annonçant une enquête visant les fabricants d'éoliennes subventionnés par Pékin et soupçonnés de fausser le marché en Europe.
"Aujourd'hui, nous lançons une nouvelle enquête sur les fournisseurs chinois d'éoliennes. Nous étudions les conditions de développement de parcs éoliens en Espagne, en Grèce, en France, en Roumanie et en Bulgarie", a déclaré Margrethe Vestager mardi aux Etats-Unis, lors d'un discours à l'Université de Princeton (New Jersey).
Après l'automobile, le ferroviaire et les panneaux solaires, l'Union européenne engage donc un nouveau bras de fer avec la Chine, sur fond de tensions commerciales avec Pékin.
Comme les Etats-Unis, l'UE entend réduire sa dépendance au géant asiatique, en particulier dans le secteur crucial des énergies renouvelables.
L'enquête annoncée mardi s'inscrit dans le cadre de nouvelles règles européennes entrées en vigueur à la mi-2023 pour empêcher les subventions de pays tiers soupçonnées de créer une concurrence déloyale lors d'appels d'offres.
Dans l'UE, les éoliennes chinoises sont vendues à des prix jusqu'à 50% inférieurs à ceux des concurrents européens, affirme WindEurope, le lobby européen du secteur. "Il n'est pas possible de faire cela sans subventions publiques injustes", assure Giles Dickson, son directeur général, qui a salué l'annonce de l'enquête.
La Chambre de commerce chinoise dans l'UE a de son côté dénoncé "un acte de coercition économique" et le "déploiement continu de nouveaux outils contre les entreprises chinoises".
Bruxelles avait ouvert mi-février sa première enquête dans le cadre de la nouvelle réglementation antisubventions en ciblant une filiale du constructeur ferroviaire chinois CRRC, numéro un mondial du secteur. Ce groupe étatique, candidat pour la fourniture de trains électriques en Bulgarie, s'était finalement retiré de cet appel d'offres fin mars.
Le 3 avril, la Commission avait annoncé une deuxième enquête visant deux consortiums candidats pour concevoir, construire et exploiter un parc photovoltaïque en Roumanie. Le premier consortium inclut une filiale du géant chinois Longi, premier fabricant mondial de cellules photovoltaïques. Le second associe deux filiales contrôlées par le groupe étatique chinois, Shanghai Electric.
Dans un autre cadre réglementaire, l'UE avait lancé en septembre une enquête sur les subventions publiques chinoises aux automobiles électriques, afin de défendre l'industrie européenne face à des prix jugés "artificiellement bas". Bruxelles menace de relever les droits de douane sur ces produits.
Subventions chinoises "massives"
Dans son discours à Princeton, Mme Vestager a accusé la Chine d'être parvenue à dominer l'industrie des panneaux solaires, en "accordant des subventions massives à ses fournisseurs nationaux, tout en fermant simultanément et progressivement le marché chinois aux entreprises étrangères".
Selon la commissaire, Pékin exporte "à bas prix" vers le reste du monde pour compenser son propre ralentissement économique.
"Le résultat est qu'aujourd'hui, moins de 3% des panneaux solaires installés dans l'UE sont produits en Europe", a-t-elle souligné.
"Cette stratégie est désormais déployée dans tous les domaines des technologies propres, dans celui des semi-conducteurs traditionnels et au-delà", a détaillé la responsable danoise. Elle a affirmé que les mesures européennes n'avaient "pas pour but de limiter le succès de la Chine". Il s'agit de "rétablir l'équité dans nos relations économiques", a-t-elle dit.
Mme Vestager a aussi critiqué les distorsions de concurrence causées par les subventions américaines massives du plan climat ("Inflation Reduction Act", IRA) du président Joe Biden et a proposé à Washington de faire front commun face à Pékin.
Le plan IRA, adopté à l'été 2022, prévoit 370 milliards de dollars d'investissements pour financer la construction d'usines, d'éoliennes et de panneaux solaires, ou encore des primes pour l'achat de véhicules électriques à condition qu'ils sortent d'une usine nord-américaine. L'IRA a déjà attiré des projets aux Etats-Unis, au détriment de l'UE, et a déclenché une course aux subventions des deux côtés de l'Atlantique.
La commissaire à la Concurrence a proposé que "des partenaires aux vues similaires, à commencer par les pays du G7", favorisent la sécurité de leurs approvisionnements en établissant des "critères de fiabilité" communs (empreinte environnementale, droit du travail, cybersécurité...) pour les technologies propres essentielles.
Ces critères pourraient être utilisés pour favoriser des producteurs, même s'ils sont plus chers, "par exemple dans le cadre d'appels d'offres publics".