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Les parafoudres, des boîtiers électriques évitant des surtensions, ont-ils mis en danger d'ex-salariés d'Orange ? Avec des associations, ils ont obtenu la désignation d'un juge d'instruction parisien pour enquêter sur cette possible exposition au long cours à de la radioactivité, contestée par l'entreprise.
Désignation d'un juge d'instruction
Une première plainte avait été déposée mi-2019 à Clermont-Ferrand, donnant lieu à une procédure à Paris confiée aux enquêteurs environnementaux de l'Oclaesp. D'après une source judiciaire sollicitée par l'AFP, une note d'un assistant spécialisé en inspection du travail a été rendue en octobre 2019.
Toujours de même source, c'est ensuite l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), sollicitée mi-2020, qui dans un rapport a assuré que l'exposition des salariés à des rayonnements ionisants était "très faible", mais qu'il n'était pas possible "de statuer, de manière incontestable, quant à l'absence totale d'effets lors des expositions à de faibles doses de rayonnements ionisants".
Depuis, les plaignants ont déposé en octobre 2023 une plainte avec constitution de partie civile pour obtenir la désignation d'un juge d'instruction.
La source judiciaire a confirmé mardi que le parquet de Paris a ouvert le 26 mars une information judiciaire pour mise en danger d'autrui, emploi de travailleur dont l'activité l'expose aux rayonnements ionisants sans évaluation des risques conforme et sans respect des règles de prévention.
"Nous espérons que l'instruction permettra de dégager les responsabilités", a indiqué, sollicité par l'AFP, Me François Lafforgue, avocat de l'association Henri Pézerat, de l'Union départementale CGT du Cantal et de plusieurs de ses branches ainsi que de deux personnes physiques.
Des éléments radioactifs qui ont commencé à être retirés au début des années 2000
D'après la plainte, de nombreux agents d'Orange, anciennement France Télécom, ont "été exposés, parfois malgré leurs alertes, à des parafoudres radioactifs", possiblement jusqu'en 2015, sans même que la société "dispose d'une autorisation lui permettant de manipuler ou détenir" des "radionucléides".
Les parafoudres, de petits tubes en verre mesurant entre 1 et 5 cm, sont des dispositifs de protection des appareillages électriques ou électroniques pour éviter les surtensions sur les lignes. Ils ont été installés par centaines de milliers à partir des années 1940 sur l'ensemble du réseau français, sur les boîtiers et répartiteurs de lignes, jusqu'à leur interdiction en 1978.
À l'intérieur, selon les plaignants, des éléments radioactifs tels que le radium 226, le tritium et le thorium 232. Ils ont commencé à être retirés au début des années 2000.
Dès 2008, la CGT estimait dans un communiqué que "rien n'(avait) été prévu pour récupérer et éliminer correctement ces radioéléments", ni "pour alerter les agents sur les risques encourus lors de leur manipulation ou stockage".
En 2009, le CHSCT (comité hygiène, sécurité et conditions de travail) d'une unité France Télécom basée à Riom-ès-Montagnes avait "constaté un nombre anormalement élevé de cancers déclarés par des salariés" locaux "qui manipulaient (ces) parafoudres sans protection", avec un "stockage dans le bâtiment où ils travaillaient". Saisi, un cabinet d'expert avait estimé en 2010 que France Télécom avait sous-estimé "le risque", selon la plainte.
Un plan de dépose « en toute sécurité » selon Orange
Fin 2010, l'Inspection du travail en Auvergne avait mis en demeure France Télécom de "mesurer les risques, assurer l'information et la protection effective des salariés".
Après la découverte d'autres salariés potentiellement exposés et plusieurs démêlés, le "plan de retrait" général entamé par Orange en 2015 avait, d'après la plainte, engendré de nouvelles expositions de salariés.
Sollicité par l'AFP, Orange a assuré que "depuis que le risque attaché à des parafoudres à radioéléments a été mis en évidence dans les années 2000, France Télécom puis Orange ont mené plusieurs études visant à identifier les matériels en cause et les éventuels risques qu'ils présentaient."
"Les résultats de ces différentes expertises ont tous confirmé que les niveaux d'exposition potentiels sont très inférieurs aux limites admises par la règlementation pour l'exposition du public", a certifié Orange.
Dans une longue réponse, le groupe assure aussi avoir pris "toutes les précautions nécessaires" quant au "respect des exigences réglementaires" et à l'information des salariés, et a mis en œuvre "un plan de dépose" de ces parafoudres "en toute sécurité", en lien avec l'Agence nationale des déchets radioactifs (Andra) et autorisé par l'ASN.