Énergies renouvelables : les communes actrices de « l'accélération » mais contraintes

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Érigées en chevilles ouvrières du déploiement des énergies renouvelables partout en France depuis la loi "d'accélération" de 2023, un tiers des communes ont aujourd'hui cartographié les terrains où elles souhaitent voir s'implanter panneaux solaires et autres éoliennes, souvent sans trop de moyens ni grand enthousiasme.

« Zones d'accélération »

Très en retard sur le déploiement des énergies renouvelables par rapport aux autres pays de l'Union européenne, la France mise sur une énergie nucléaire "décarbonée" pour lutter contre le réchauffement climatique, mais entend aussi accélérer sur les renouvelables.

À partir d'un système énergétique centralisé, quasi invisible du grand public, il s'agit de couvrir le territoire d'installations de production énergétique. Pour faire accepter ce rattrapage à marche forcée, les maires ont été chargés de définir des "zones d'accélération" où ils souhaitent voir s'implanter en priorité panneaux solaires, parcs éoliens ou méthaniseurs. Une obligation qui n'est toutefois assortie d'aucune date butoir.

"Par le passé, certains industriels sont arrivés en cow-boys, avec des projets tout conçus et en expliquant qu'ils allaient sauver la planète", rappelait Caroline Renaudat, d'Engie, au congrès des petites villes de France.

Cette méthode à la hussarde a suscité beaucoup de crispations dans les campagnes. "Aujourd'hui, on a changé de stratégie, on affiche la couleur et on fait une pré-concertation avec le public", explique Didier Soulage, responsable des énergies renouvelables au Cerema, établissement public qui accompagne les communes.

Depuis l'adoption de la loi d'accélération en février 2023, quelque 10 000 communes sur 34 935 ont joué le jeu, soit près d'un tiers, en optant majoritairement pour du solaire photovoltaïque, thermique ou de la géothermie. "Un score tout à fait remarquable pour un travail aussi technique", se félicite Didier Soulage, pour qui l'engouement tient aussi à l'espoir de retombées financières.

"Chaque fois qu'un projet de production d'énergie renouvelable apparaît, c'est des barils de pétrole en moins", martèle Michel Gioria, de France Renouvelables. Il critique pourtant "l'absence de programmation pluriannuelle de l'énergie" actualisée, qui fixe notamment un objectif national de production par type d'énergie.

« C'est une responsabilité qu'on n'aurait pas dû avoir »

Sur le terrain, les maires ont parfois du mal à s'y retrouver. "C'est quand même compliqué et c'est un peu l'administration soviétique", tance Frédéric Léveillé, maire d'Argentan. À L'Etang-la-ville (Yvelines), le premier édile Daniel Cornalba a fait simple : les deux tiers de la commune situés en zone forestière ont été "sortis du champ de l'accélération", le tiers restant intégré. "On a considéré que tout habitant en zone urbaine pouvait faire de l'énergie renouvelable", observe l'élu, qui mise sur les toitures solaires photovoltaïques et la géothermie.

Du côté des élus ruraux, dont les communes représentent 88% de la superficie du pays, les réactions sont plus méfiantes. "Le risque, c'est que le monde rural soit envahi par des unités de production d'énergie renouvelable sans aucune retombée financière", redoute Jacky Favret, maire de Blondefontaine (Haute-Saône), qui participe au congrès de l'Association des maires ruraux (AMRF) organisé jusqu'à samedi en Côte-d'Or.

"C'est une responsabilité qu'on n'aurait pas dû avoir", lance tout de go Christine de Neuville, maire de Vicq-sur-Breuilh (Haute-Vienne), qui dit n'avoir "aucune compétence en la matière". "Quand on me demande de choisir entre plusieurs projets d'agrivoltaïsme, je sors le drapeau blanc car je ne sais pas", souligne l'élue.

Son collègue de l'Ain Benjamin Raquin, maire de Grand-Corent, a lui passé son tour. "Notre potentiel énergétique, c'est l'éolien, mais l'éolien fait peur. Le définir en zone d'accélération, c'est mettre le feu auprès des populations", craint-il.

"Les habitants ne sont pas prêts pour l'éolien, qui a un très fort impact paysager et ils ont aussi l'impression de ne pas savoir où va cette énergie, ni qui elle enrichit", confirme Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Trièves (Isère), 500 habitants. Selon cette élue, qui n'a vu "aucun changement" depuis qu'elle a défini ses zones d'accélération, l'acceptabilité suppose d'abord de pouvoir consommer l'énergie produite sur place.

Auréline Doreau, membre du réseau Cler, salue une "bonne idée" mais pointe "un manque de volonté politique très clair sur le déploiement des énergies renouvelables". "Des décrets d'application ne sont pas parus. Si ça reste un dessin sur une carte, ça risque de ne servir à rien", estime-t-elle.

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