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Le retour à la Maison Blanche de Donald Trump pour un deuxième mandat - placé sous le sceau du protectionnisme - aura des conséquences sur les échanges commerciaux mondiaux, notamment pour l'Europe. Quels secteurs pourraient être les plus touchés?
Route tortueuse pour l'automobile
Donald Trump a promis durant sa campagne une hausse de 10 à 20% des droits de douane sur les produits importés aux Etats-Unis, allant jusqu'à 60% de droits de douane sur tous les produits chinois.
En Europe, l'automobile est particulièrement concernée. Chaque année, plus d'un million de véhicules s'échangent entre l'UE et l'Amérique du Nord, indique l'association européenne des constructeurs. Et l'Allemagne est la plus exposée, les Etats-Unis représentant son deuxième marché d'exportation pour les véhicules après la Chine.
L'association des producteurs allemands VDA a donc mis en garde mercredi contre "toute modification des conditions générales pouvant avoir des répercussions sur l'emploi en Allemagne, mais aussi aux États-Unis".
Les gros constructeurs ont toutefois une forte implantation aux Etats-Unis qui pourrait leur permettre de contourner le problème.
C'est en tout cas ce qu'a fait valoir mercredi Oliver Zipse, le patron de BMW, qui a un gros site de production à Spartanburg (Caroline du Sud), où sont assemblés ses SUV best-seller. Les "X5, X6, X7, XM, tout est produit aux États-Unis. Il existe donc une certaine protection contre d'éventuels droits de douane", a-t-il expliqué.
François Roudier, secrétaire général de l'Organisation internationale des constructeurs automobiles, ne dit pas autre chose: "Trump ne va pas sabrer les constructeurs étrangers implantés dans le Sud", dit-il. "Les Allemands ont déjà des usines, ils vont être incités à fabriquer des véhicules là-bas."
Mal de crâne pour la chimie?
Même incertitude pour la chimie, notamment en Allemagne, le pays de mastodontes comme Bayer ou BASF: les États-Unis sont le marché d'exportation le plus important pour les produits chimiques et pharmaceutiques allemands hors UE.
De son côté, la France exportait en 2022 plus de 17% de ses médicaments vers les Etats-Unis, son premier marché hors Europe.
Selon Allianz, le secteur pharmaceutique est lui aussi exposé, notamment en Irlande, en Suisse et en Belgique. Même si ses experts n'anticipent pas de "choc commercial" sur ces produits, vaccins ou dispositifs médicaux.
Goût amer dans l'agroalimentaire
L'annonce du deuxième mandat de Trump ravive des souvenirs douloureux dans le secteur de l'agroalimentaire, en particulier pour les viticulteurs.
Les États-Unis sont le premier débouché des vins français à l'export. Or, des taxes douanières de 25% avaient été imposées en octobre 2019 par l'administration Trump sur certains produits, dont des fromages, des vins, puis le cognac quelques mois en fin de mandat... Des droits de douane punitifs sur cette eau-de-vie de vin compliqueraient significativement la vie des producteurs, déjà touchés par des mesures similaires de la part de Pékin.
D'autres produits alimentaires sont concernés. L'Espagne, premier exportateur mondial d'huile d'olive, avait souffert avec l'instauration de droits de douane supplémentaires aux Etats-Unis lors du premier mandat Trump.
Cette taxe a été jugée illégale par l'OMC en 2021 mais les Etats-Unis ne se sont toujours pas conformés à cette décision sur les importations d'olives espagnoles, selon une décision du gendarme du commerce mondial en février.
Depuis 2019, les exportations d'olives espagnoles ont chuté de 70%, déplore le secteur.
L'énergie entre deux feux
Avec Donald Trump, l'industrie gazière et pétrolière voit le retour aux affaires d'un partisan des énergies fossiles. Mais pour les énergies renouvelables, la situation est plus problématique, souligne Antonio Fatas, professeur d'économie à l'institut de formation français Insead.
"L'industrie de l'énergie va être divisée entre le secteur des énergies fossiles, en particulier aux États-Unis qui va bénéficier (de l'arrivée de Trump, NDLR), et l'industrie des énergies renouvelables, portée par l'Europe, qui va en souffrir car il y aura beaucoup moins de demande de la part des États-Unis pour ce type de services."
Catherine MacGregor, directrice générale de l'énergéticien français Engie, s'est dite attentive, jeudi, lors de la présentation des résultats de son entreprise: "L'éolien en mer a fait l'objet de discussions, on pourrait imaginer qu'un moratoire pourrait être mis en place (...) Nous avons trois projets en cours de développement (aux Etats-Unis)", et en cas de moratoire, "c'est quelque chose qu'Engie peut évidemment surmonter."
La finance en confiance
Les spécialistes interrogés par l'AFP estiment que le secteur ne sera pas fragilisé, voire que ses activités pourraient être dopées, d'autant plus si Donald Trump assouplit les exigences réglementaires sur les banques.
Par ailleurs, les cryptomonnaies pourraient connaître un bond avec l'assouplissement de la réglementation sur les monnaies numériques. Pour preuve, le bitcoin a dépassé pour la première fois la barre des 75.000 dollars mercredi, à l'annonce de la victoire du républicain.
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