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La France soutient l'inclusion du gaz naturel dans la liste des investissements considérés comme "durables" élaborée par l'UE, au grand dam des ONG environnementales, selon un document obtenu par l'AFP, mais Paris a assuré mardi réclamer des "conditions strictes".
Le texte, initialement diffusé par le site Contexte et adressé à la Commission européenne, liste les critères exigés pour intégrer la "taxonomie verte", une liste d'énergies jugées vertueuses pour le climat et l'environnement. Cette classification, que Bruxelles doit finaliser d'ici fin 2021, ouvrira l'accès à la finance verte et donnera un avantage compétitif aux filières reconnues, enjeu crucial pour le coûteux renouvellement du parc nucléaire français, mais aussi pour les pays de l'Est, qui misent sur les infrastructures gazières pour réduire leur dépendance au charbon.
Selon une source européenne, ce document émanant de Paris est soutenu par au moins sept autres États (République tchèque, Croatie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie). Il propose que la construction, l'exploitation et la prolongation des centrales nucléaires soient déclarées éligibles pour les financements "verts", tout comme le stockage de déchets radioactifs ou l'extraction d'uranium.
Il soutient également l'inclusion des centrales électriques au gaz, sous un certain seuil d'émissions annuelles de gaz à effet de serre, mais avec des critères assouplis jusqu'en 2030.
Interrogé par l'AFP, le gouvernement français ne confirme pas être à l'origine du document, mais se dit prêt à accepter l'inclusion du gaz avec "des conditions strictes" et rappelle que la Commission elle-même l'a qualifié d'indispensable énergie "de transition". "Concrètement, ne pourraient être éligibles à la taxonomie que les centrales gaz les plus efficaces, à condition de ne fonctionner qu'en pointe, c'est-à-dire un nombre d'heures réduit dans l'année, en soutien aux énergies renouvelables intermittentes, et uniquement pendant une période de transition, pas au-delà de 2030", a insisté mardi le ministère de la Transition énergétique.
Dix États de l'UE emmenés par la France avaient publié mi-octobre une tribune soutenant le nucléaire. D'autres pays comme l'Allemagne, l'Autriche ou le Luxembourg se disent opposés, mais Berlin a ouvert mi-octobre la voie à un compromis. La "taxonomie" établie par la Commission pourra être rejetée par les eurodéputés ou une majorité d'États membres, ce qui peut encourager l'alliance de circonstance des pro-nucléaires et des défenseurs du gaz.
"En pleine COP26, la France noue une alliance mortifère en faveur du gaz pour sauver le nucléaire", s'est indignée mardi l'ONG Réseau action climat, qui accuse Paris de "jouer le jeu des énergies fossiles" en "tournant définitivement le dos au climat". "Si ce travail de sape aboutit, l'Europe se doterait d'une taxonomie verte en trompe-l'œil", signant "l'arrêt de mort d'une pièce maîtresse de la finance durable dans l'UE", au risque de "détruire la réputation française en matière climatique", accuse pour sa part l'ONG Reclaim Finance.