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Si Donald Trump s'oppose encore aux négociations climatiques, en cas de réélection, le monde aura un "énorme problème", avertit Teresa Ribera, ministre espagnole de la transition écologique, qui guidait la délégation européenne à la COP28 de Dubaï en décembre.
La "transition hors" des énergies fossiles, approuvée à la COP28, doit désormais s'accompagner d'une "accélération" de la finance verte et de la lutte contre la pauvreté mondiale, décrit-elle dans un entretien à l'AFP.
Mais des résultats sur la finance, thème central de la future COP29 de Bakou en décembre 2024, seront difficiles à obtenir sans les Américains, "acteurs majeurs de la finance mondiale".
Qu'attendent les Européens des Etats-Unis dans les négociations climatique ?
"Les Etats-Unis, comme l'UE avec les élections (européennes en juin, ndlr), doivent se poser les bonnes questions : comment améliorer notre vie quotidienne si on ne fait pas attention à l'agenda climatique? Il y a une espèce de scepticisme sur cet agenda, on en fait un bouc émissaire, mais ça ne correspond pas à la réalité. Voter sans vouloir entendre les problèmes serait une erreur majuscule.
Si Donald Trump est élu, on verra à quel point l'Inflation Reduction Act (loi de 2022 qui a fléché 370 milliards de dollars vers les énergies propres, ndlr) a créé un espace assez solide pour engager les entreprises américaines par elle-mêmes.
Si Trump s'oppose à l'agenda climatique, il y aura un énorme problème aux États-Unis, mais aussi dans le reste du monde: les décisions dans les COP sur le climat des Nations unies se font autour d'une même table, il y a peu de problèmes mondiaux pour lesquels c'est le cas. Sans les Américains, ce sera un problème important.
Nous attendons d'eux plus d'engagement sur la décarbonation, sur la coopération climatique internationale, en particulier sur la réforme de la finance mondiale, dont ils sont encore un des acteurs majeurs.
Et de la Chine ?
La Chine est de plus en plus convaincue, comme l'UE et les Etats-Unis, qu'il faut changer sa matrice économique et qu'il faut une coopération sur les implications industrielles et commerciales.
La Chine a toujours assuré sa position en s'engageant moins que ce qu'elle peut faire. Et si elle reste cohérente, elle ira certainement au-delà de ses engagements. Mais elle doit aussi résoudre des contradictions persistantes sur le charbon ou les pratiques commerciales: si les Chinois gardent un pouvoir croissant sur les ressources et des pratiques commerciales très agressives, qui détruisent la concurrence en vendant en-dessous des coûts, le monde pourrait avoir des difficultés à avancer à la vitesse nécessaire.
Quels sont les priorités pour les prochaines COP?
Obtenir l'accord sur la "transition hors des énergies fossiles" à la COP28 était très important. Il faut ajouter plus d'objectifs chiffrés sur les renouvelables, l'efficacité énergétique, le méthane.
Et il faut empêcher un affaiblissement du message: le secteur pétrolier, y compris européen, dit vouloir encore investir dans les fossiles. Cette stratégie de communication agressive est probablement une preuve qu'on a touché juste.
On doit avancer plus rapidement sur la finance climatique. Ce sera sur la scène à Bakou, mais ça ne peut pas se réduire à établir un chiffre, celui qui doit suivre les 100 milliards (USD d'aide annuelle des pays développés, engagement qui doit être réévalué à la COP29, ndlr).
Cette aide est importante, mais c'est une petite pièce dans un ensemble: il faut s'assurer que la transition soit soutenue par les marchés, que le capitalisme comprenne qu'il ne peut survivre que si le +business+ est climat-compatible, que les banques de développement investissent en cohérence avec la sécurité climatique, que l'endettement des petits pays, frappés par le changement climatique, soit résolu, etc.
Un troisième élément, au coeur de la COP30 au Brésil, sera la question sociale: l'objectif +Net zero emission+ (neutralité carbone, en français) c'est bien, évidemment, mais les gens ont aussi besoin du +Net zero poverty+.
A la COP30 de Belém tous les pays auront dû envoyer leurs plans de réduction de gaz à effet de serre mis à jour. Les Européens, nous avons commencé, mais dans le reste du monde on ne voit pas grand-chose.
La COP29 sera de nouveau présidée par un important producteur de pétrole et de gaz au pouvoir autoritaire. Est-ce crédible ?
Nous, les Européens, devons faire attention, parce que nous sommes fantastiques pour dire au reste du monde ce qu'ils ne doivent pas faire. On oublie qu'on a parfois des problèmes ici pour faire avancer l'agenda vert, pour soutenir les politiques sociales.
Est-ce que l'Azerbaïdjan a des institutions assez solides pour faciliter un accord très ambitieux? Apparemment ils devront faire un grand effort, au-delà de leur poids sur la scène internationale. Mais dans ce processus, tout le monde compte, les petits et les grands. Si c'est ton tour d'accueillir, on va t'aider. Mais t'aider ne signifie pas accepter n'importe quoi.