Climat : l'industrie allemande se rue vers l'hydrogène

  • AFP
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Concilier puissance économique et transition écologique : le défi majeur du prochain gouvernement allemand suscite déjà la mobilisation des grands industriels du pays qui placent leurs espoirs dans le développement de la filière hydrogène.

Chimie, acier, transports... l'hydrogène vert, qui permet de stocker et transporter de l'énergie issue de sources renouvelables, pourrait décarboner de nombreuses activités dans lesquelles l'Allemagne est en pointe.

Le gouvernement d'Angela Merkel a donc débloqué l'an dernier 9 milliards d'euros, dans le cadre de son plan de relance post-pandémie, pour développer cette technologie.

Une "stratégie hydrogène", dont il a tiré mercredi un bilan "positif", après une réunion ministérielle sur le sujet, à quelques jours d'élections législatives qui désigneront dimanche un nouvel exécutif à la tête du pays.

En plus d'un an, 62 projets d'investissement ont été en effet approuvés par Berlin, pour un total de 33 milliards d'euros, dont 8 milliards d'argent public.

"C'est ainsi que nous favorisons l'emploi, la croissance et la protection du climat", s'est félicité Peter Altmaier, le ministre de l'Economie.

Le déploiement de l'hydrogène industriel au service de la transition énergétique est d'ailleurs l'un des sujets qui fait consensus entre les principaux candidats à la chancellerie.

-Garantir l'approvisionnement-

Car le temps presse pour l'Allemagne: le pays a récemment dû relever ses objectifs climatiques, et compte désormais atteindre la neutralité carbone en 2045, contre 2050 auparavant, après une décision de la Cour constitutionnelle critiquant le manque d'ambition des pouvoirs publics.

En dix ans, le développement des énergies renouvelables a été spectaculaire : leur part dans la production d'électricité a pour la première fois atteint 50% en 2020, selon l'institut de recherche Fraunhofer, contre moins de 25% en 2011.

Mais le pays se heurte au problème de l'intermittence de ces ressources, l'éolien dépendant du vent, et le solaire du climat, empêchant une stabilité de l'approvisionnement.

"L'hydrogène permettrait d'utiliser les énergies renouvelables de façon beaucoup plus efficiente", confirme à l'AFP Heinrich Klingenberg, expert référent pour la ville de Hambourg.

La cité portuaire a récemment annoncé pour 2025 un ambitieux "pôle européen de l'hydrogène", doté de l'un des plus gros électrolyseurs du monde, en lieu et place d'une ancienne centrale à charbon.

L'hydrogène brûle plus proprement que les carburants fossiles et ne libère que de la vapeur d'eau.

-Besoins massifs-

Siemens, Thyssenkrupp, Daimler.. les géants industriels allemands rivalisent de projets consacrés à l'hydrogène, aidés par les financements publics allemands et européens.

Mais les défis restent de taille.

Sans croissance exponentielle des énergies renouvelables, "on ne va pas avoir assez de capacité d'hydrogène vert" pour fournir l'ensemble de l'industrie, estime Lilly Höhn, experte pour le BDI, le lobby industriel allemand.

Et "pour que cela soit viable économiquement, il faudrait diviser par deux le prix actuel de l'hydrogène vert", admet Heinrich Klingenberg.

S'il n'est pas produit à partir de renouvelables mais issu d'énergies fossiles l'hydrogène est "gris" - c'est l'écrasante majorité de la production mondiale actuellement.

Or, selon un rapport du parlement allemand, le coût de l'hydrogène "vert" atteint en moyenne 16,5 centimes par kilowattheure en Europe, soit trois fois plus que le "gris", alors que le prix de l'électricité en Allemagne est déjà le plus élévé de l'UE.

"L'hydrogène vert (...) va rester une ressource rare et coûteuse", a résumé le conseil des experts du climat, un organe public dépendant du ministère de l'Environnement.

A court terme, l'Allemagne devra donc importer massivement l'hydrogène pour répondre à ses besoins. Le pays a prévu d'investir deux milliards d'euros dans des "partenariats" à l'étranger.

"Nous devons donc former rapidement des chaînes d'approvisionnement en hydrogène vert avec nos partenaires étrangers", a ainsi affirmé mercredi Anja Karliczek, ministre de la Recherche.

Berlin lorgne notamment sur l'Afrique du Nord, où le potentiel du solaire est considérable. Fin 2020, le gouvernement a débloqué 90 millions d'euros d'aides pour développer des installations au Maroc.

Mais pour de nombreux industriels, cela ne suffira pas : ils plaident pour développer l'hydrogène "bleu", notamment fabriqué à partir de gaz naturel, associé à une technologie de stockage du carbone.

Cette voie n'a pour le moment pas été retenue par le gouvernement, car l'impact de cette technologie sur le réchauffement climatique reste controversé.

Commentaires

daphné
Comment le prix de l'H2 vert peut-il être si cher? Plus cher que l'H2 gris ( matière première et énergie importée au coût du marché et polluante) alors que pour l'H2 vert la matière première est l'eau et l'énergie est gratuite sur place! Et de plus l'H2 vert peut pallier l'intermittence et l'irrégularité des procédés. Est-ce le prix et la maintenance des électrolyseurs?
grunblatt
l'amortissement des couts d'investissements pour des équipements qui [si ils tournent avec de l'électricité provenant des ENRi- qui ont des facteurs de charge entre 10% (solaire), 23% éoliens terrestre ou ~40% éolien offshore ], tournent 2000 h par an au maximum à pleine charge sont considérables et tuent l'hydrogène vert . Vous pouvez voir plus de détails notamment dans le rapport sur l'hydrogène de l'académie des technologies http://academie-technologies-prod.s3.amazonaws.com/2020/12/10/14/00/10/ec136763-95ea-409d-92de-4a7d3acb437e/201203%20Hydroge%CC%80ne%20web%20V5%20cdef.pdf pages 61 à 80
daphné
Merci pour l'info et le topo sur l'hydrogène . C'est passionnant, la synthèse est claire , les illustrations édifiantes et je le trouve optimiste. Certes il reste plein de choses encore à trouver , des applications à introduire dans des filières de séries industrielles et je pense que la recherche française est tout à fait apte à prendre sa part dans le grand défi. On fait encore de grands progrès dans le domaine notamment des électrolyseurs HTP. Mais aussi, depuis près de trente ans, plus de 150 entreprises, PMI, PME, start-up (MCPHYRE Energy et bien d'autres), grandes industries ( AIR LIQUIDE, ALSTOM et autres), multinationales de l'énergie , pôles de compétitivité,(TENERRDIS, INES et autres) associations de corporations ( AFHYPAC et autres) Organismes publics ( CEA, CNRS, BRG Environnement et autres), travaillent et auto investissent dans la recherche sur les nouvelles énergies, technologies, matériaux, aussi avec des participations de collectivités locales ou de l'état . Ces recherches ont maintenant abouti sont citées dans le documents comme des acquis et beaucoup de filières sont au point, au starting -bloc. Il est vexant que les gouvernements successifs ne s'y soient pas assez intéressés et n'aient pas répondu aux appels des experts concernés en 2020. On a organisé la Conférence Citoyenne et on a négligé les entreprises et les organismes habilités à opérer une vraie révolution technologique d'épargne environnementale et de relance industrielle afin que les produits deviennent accessibles et non pas élitistes et drainent de très grandes possibilités d'emplois. Résultats: on importe des éléments de l'étranger produits avec nos technologies, nos idées sont exploitées par d'autres ( qui en ont aussi, et ont l'idée de les exploiter). Suis-je utopiste et irréaliste? Votre doc. sur l'hydrogène me conforte dans le "non". Bien cordialement.
Marc Diedisheim
Vous pensez vraiment que l'énergie "verte" est "gratuite" ? Alors pourquoi devons-nous la payer ? Et en Allemagne, où elle est deux fois plus chère qu'en France ? L' eau est-gratuite ? Alors pourquoi la payons-nous ? Bien cordialement.
daphné
Vous avez tout à fait raison, je me pose la question. Sans doute payons-nous sa disponibilité au robinet , ses installations d'accès, sa" gestion" et non pas la matière première qui pourtant nous sert d'unité de compte. Ceci dit, se faire de l'argent avec l'eau, principe vital s'il- en- fût n'est pas moral, l'accès à l'eau devrait être un service public. Vous avez raison aussi pour l'énergie verte ; avec le coût des retours sur investissements, la gestion et la maintenance qu'impliquent les nouveaux procédés, leur facteur de charge encore faible et leur durée de vie limitée à 20 ans se paye . Comme l'eau , le solaire et les vents sont gratuits! L'Allemagne illustre cela: Réduction des énergies fossiles et nucléaire en faveur des éoliennes ( environ 56 GW installés) mais des prix d'électricité parmi les plus élevés au monde. J'ai lu les prix moyens; 333,9 $/MWh pour l'Allemagne, 199,1 $/MWh en France et 130,4 $/MWh pour les E.U. du fait que les sources d'énergie diffèrent. Ceci avant la nouvelle augmentation internationale sur les prix de l'énergie qui me semble tout à fait spéculative mais suffisante pour que le gouvernement accorde des subventions aux plus démunis pour compenser la hausse. Pardonnez-moi ! Ce sont des choses que vous savez aussi bien que moi
Bernie 4K2
En fait toutes les matières premières, sont gratuites car fournies par mère nature. Certaines sont renouvelables ( comme l'eau, l'air, le soleil ), d'autres non (hydrocarbures, minerais, sables et graviers, calcaire pour la ciment...). Le prix de toutes ces matières est donc uniquement lié aux dépenses qu'ils génèrent pour les extraire, les purifier, les transporter puis les distribuer. Cordialement.

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