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Les ambitions climatiques européennes seront-elles entravées par un traité vieux de 30 ans ? Des eurodéputés ont réclamé jeudi que l'UE se retire de la "Charte de l'énergie", qualifiée d'"obsolète" et d'"assurance-vie" pour les énergies fossiles, si la renégociation engagée par Bruxelles n'aboutit pas.
Signé en 1994, le Traité sur la Charte de l'énergie (TCE) a été adopté au sortir de la guerre froide par une cinquantaine d'États pour faciliter la coopération énergétique avec les pays d'Europe de l'Est et d'ex-URSS en protégeant les investissements internationaux dans ce secteur. Visant à améliorer la sécurité des approvisionnements, il oblige chaque partie à faciliter le transit des produits énergétiques sans distinction et fixe des procédures strictes pour le règlement des différends entre les États ainsi qu'entre États et entreprises.
Un cadre contraignant que l'UE entend "réformer substantiellement" : "Il faut préparer le TCE pour l'avenir, qu'il nous aide à affronter le changement climatique et la transition verte", l'objectif 2050 de neutralité carbone, a reconnu la commissaire européenne à l'Énergie Kadri Simson, jeudi lors d'un débat au Parlement européen.
Une renégociation du traité au regard des préoccupations environnementales a débuté cette année, avec deux rounds de pourparlers en juillet et septembre, un troisième étant prévu début novembre.
"Une gageure", car toute modification exige l'accord des quelque cinquante signataires : l'objectif de retirer les énergies fossiles du cadre du TCE "provoque certainement des résistances de la part de beaucoup des signataires non-européens", eux-mêmes producteurs d'hydrocarbures, a souligné Mme Simson.
Les eurodéputés exigent quasi-unanimement une modification radicale, fustigeant particulièrement le mécanisme de règlement des différends qui selon eux empêche d'abandonner des infrastructures ou des approvisionnements dans les énergies fossiles.
"Accord de Paris, pacte vert... tout ça ne sert à rien si la charte de l'énergie perdure, car dès qu'un État souhaitera une législation environnementale ambitieuse, il sera attaqué devant des tribunaux d'arbitrage privés" par des Etats ou entreprises, avertit Aurore Lalucq (S&D, sociaux-démocrates). "Ce traité archaïque et climaticide fonctionne comme une assurance vie pour les industries fossiles", a-t-elle tancé.
"Ce traité que seuls les experts connaissent peut nous coûter des milliards d'euros de compensations pour des entreprises privées", abonde Martin Hojsik (Renew, libéraux). "Que faire si les négociations échouent ?". "Nous sommes coincés dans des textes qui datent des années 1990, qui n'intègrent pas le risque climatique. Il faut cesser de tergiverser et sortir du TCE", a conclu Saskia Bricmont (Verts).
Pas si simple selon Kadri Simson : "Toutes les options sont sur la table. Mais un retrait est compliqué (...) Si l'UE en sort maintenant, elle devra continuer d'appliquer le traité non réformé pendant vingt ans pour les investissements en cours au moment du retrait".