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Le patron de l'opérateur ukrainien de la centrale nucléaire de Zaporijjia, Petro Kotine, a dénoncé vendredi auprès de l'AFP des exactions perpétrées par les forces russes sur le personnel, évoquant des tortures, meurtres et enlèvements.
"Avec l'occupation, un régime de harcèlement policier du personnel a été progressivement mis en place. La situation est aujourd'hui très difficile avec des tortures, des passages à tabac, des enlèvements", a déclaré M. Kotine dans une interview à l'AFP.
Selon lui, deux personnes ont notamment été "battues à mort" par les forces russes, qui contrôlent cette centrale nucléaire, la plus grande d'Europe, depuis le mois de mars.
"Un plongeur a été capturé, puis il s'est retrouvé à l'hôpital inconscient. Il est mort trois heures plus tard", tandis qu'un bombardement a tué un autre employé et un conducteur, poursuit-il.
"Les Russes recherchent les pro-ukrainiens sur place et les persécutent. Les gens sont psychologiquement brisés", explique M. Kotine, à la tête de la compagnie publique Energoatom, qui gère les centrales ukrainiennes.
"Nous ne savons pas où se trouvent une dizaine de personnes, elles ont été emmenées et depuis, nous n'avons aucune information sur leur localisation", poursuivit-il.
La Russie dément systématiquement commettre des exactions en Ukraine, accusant au contraire les autorités ukrainiennes de commettre des crimes contre la population, en se servant de civils de boucliers humains.
La centrale de Zaporijjia, située dans le sud de l'Ukraine, à une cinquantaine de kilomètres à vol d'oiseau de la ville du même nom, est régulièrement visée par des bombardements, dont Kiev et Moscou se rejettent la responsabilité.
L'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) a fait état vendredi d'une "coupure totale de courant" dans la ville d'Energodar, voisine de la centrale, ce qui "compromet la sécurité des opérations".
- "En captivité" -
L'AIEA, qui dispose de deux observateurs sur place, avait proposé mardi de créer une "zone de sécurité" sur le site. Kiev souhaite pour sa part une mission internationale de maintien de la paix sur le site.
Selon M. Kotine, l'Ukraine veut une démilitarisation totale du site, et non une formule introduisant une forme de contrôle conjoint du site avec Moscou, qui serait "inacceptable".
"Nous insisterons sur la création d'une zone démilitarisée autour de la centrale, notamment avec la participation des organisations de maintien de la paix, de l'ONU et d'autres", a-t-il précisé.
La communauté internationale craint un accident nucléaire.
En plus de quelque 200 employés ukrainiens, la Russie a installé sur place des ingénieurs de Rosatom, l'agence atomique russe.
M. Kotine considère que ses 200 employés sont "en captivité".
"L'AIEA dit qu'(être) dans une position psychologiquement aussi difficile est une violation des règles de sécurité nucléaire, le personnel doit travailler dans des conditions normales", a-t-il martelé.
Actuellement débranchée du réseau électrique après plusieurs incendies, la centrale ne compte plus qu'un réacteur sur six en fonctionnement, à un niveau de puissance réduit. Elle dispose de générateurs de secours au diesel pour assurer la sécurité et le refroidissement des installations.
Selon M. Kotine, ce dernier réacteur risque d'être lui aussi arrêté prochainement, si les lignes de communication avec le réseau ukrainien ne sont pas rétablies. "La situation actuelle à la centrale est très difficile", résume-t-il.
"Il est nécessaire d'arrêter les bombardements car les lignes sont restaurées, mais ensuite elles sont à nouveau endommagées", dit-il.