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Le Soudan a proposé de confier aux Premiers ministres des pays concernés la tâche de sortir de l'impasse les difficiles négociations avec l'Éthiopie et l'Égypte sur le mégabarrage hydroélectrique construit par Addis Abeba sur le Nil, source de vives tensions régionales.
Si le Caire a affirmé que cette proposition avait été rejetée par Addis Abeba, la partie éthiopienne n'a pour l'heure communiqué aucune réponse officielle. Mercredi soir, après un nouveau cycle de discussions, c'est le ministre soudanais de l'Irrigation, Yasser Abbas, qui a rendu publique la suggestion de Khartoum d'en appeler aux trois Premiers ministres.
Les récents rounds de pourparlers ont permis des progrès sur le front technique mais les "différends légaux", en particulier sur "le mécanisme de partage des eaux", "nécessitent une décision politique", a-t-il dit à la presse. Aucun calendrier n'a été fixé pour une telle rencontre des chefs de gouvernement.
Addis Abeba se cantonne pour le moment à la date-butoir de juillet pour entamer le remplissage du réservoir du barrage, au grand dam de ses interlocuteurs. Le Soudan "n'acceptera pas" un tel remplissage "avant un accord", a souligné mercredi soir M. Abbas.
Appelé à devenir la plus grande installation hydroélectrique d'Afrique, le Grand barrage de la Renaissance (Gerd) que l'Éthiopie construit sur le Nil Bleu est une source de fortes tensions entre Addis Abeba et Le Caire depuis 2011.
Dans un communiqué mercredi soir, Le ministère éthiopien de l'Eau a lui aussi affirmé que des "questions légales" devaient encore faire l'objet d'un accord. Il a ajouté que "la plupart des questions techniques les plus importantes" avaient été résolues, faisant notamment référence à la gestion du barrage lors des années de sécheresse. Mais il n'a donc pas évoqué la proposition soudanaise d'une rencontre au niveau des Premiers ministres.
Son homologue égyptien Mohamed Abdel Aty a de son côté estimé que le dernier round de discussions "n'avait débouché sur aucun progrès méritant d'être mentionné à cause de la position obstinée de l'Éthiopie sur les questions légales et techniques". "L'Éthiopie a rejeté la suggestion de confier le dossier aux trois Premiers ministres", selon lui.
« Temps de conclure »
Si l'Éthiopie voit le barrage de 145 m de haut comme essentiel à son développement, le Soudan et l'Égypte craignent qu'il ne restreigne leur accès à l'eau, en aval. Le Nil Bleu, qui prend sa source en Éthiopie, rejoint le Nil Blanc à Khartoum pour former le Nil, qui traverse le Soudan et l'Égypte avant de se jeter dans la Méditerranée.
Le fleuve fournit 97% des besoins en eau de l'Égypte et ses rives abritent 95% des quelque 100 millions d'habitants du pays.
Après neuf années de blocage dans les négociations, les États-Unis et la Banque mondiale parrainent depuis novembre 2019 des discussions visant à trouver un accord. Mais celles-ci ont échoué après que le département du Trésor américain a exhorté l'Éthiopie à signer un accord considéré par l'Égypte comme "juste et équilibré". Addis Abeba a nié l'existence de cet accord et accusé Washington de favoritisme.
Sur Twitter, le Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche a écrit mercredi : "257 millions de personnes en Afrique de l'Est comptent sur l'Éthiopie pour montrer un leadership fort, en concluant un accord juste". "Les questions techniques ont été résolues, il est maintenant temps de conclure l'accord sur le Gerd avant de commencer à le remplir", a ajouté le Conseil.
Le bureau du Premier ministre éthiopien et prix Nobel de la paix 2019 Abiy Ahmed, répondant au Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, a souligné que l'Éthiopie "avait invariablement fait preuve de leadership au sujet d'une utilisation équitable et juste" du Nil. "L'Éthiopie réitère son droit à remplir et utiliser le barrage sur la base de la déclaration de principe du Gerd", a ajouté la responsable des relations avec la presse de M. Abiy, Billene Seyoum, faisant référence à un document signé en 2015.
Le groupe de prévention des conflits International Crisis Group (ICG) a appelé les différentes parties à trouver une solution avant que l'Éthiopie ne commence à remplir le barrage, faute de quoi "les tensions (...) vont s'accroître".