Avant la COP16 sur la biodiversité, la Colombie lance un plan ambitieux pour financer sa transition énergétique

  • AFP
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À trois semaines de la COP16 sur la biodiversité qu'elle accueillera à Cali, la Colombie a présenté mercredi un ambitieux plan de financement de sa transition énergétique, présenté comme "l'un des plus avancés" au monde pour s'affranchir de la dépendance au pétrole et au charbon.

« De la rhétorique à la pratique »

"Nous passons de la rhétorique à la pratique, en créant un portefeuille d'investissements qui vise à mener la Colombie vers une économie à faible émission de carbone", a déclaré la ministre de l'Environnement Susana Muhamad.

Ce portefeuille de mégaprojets, se concentrant sur le tourisme axé sur la nature, les industries à faible émission de carbone et l'adaptation au changement climatique (comme l'électrification des transports par exemple), s'élève au total à 40 milliards de dollars, et entend attirer les investisseurs et partenaires internationaux impliqués dans la défense de la planète.

Lors d'un forum "des économies pour la vie", organisé jusqu'à vendredi à Barranquilla (nord), sept ministères du gouvernement de gauche du président Gustavo Petro, fervent défenseur de l'environnement, présenteront 20 projets en espérant obtenir des financements internationaux à hauteur d'au moins 10 milliards de dollars.

L'objectif de cette feuille de route est de "générer d'autres secteurs économiques qui diversifient l'économie et réduisent notre dépendance à l'égard des exportations de pétrole et de charbon", a souligné Mme Muhamad.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 51% d'ici 2030

"La Colombie est un pays infiniment riche en biodiversité", a expliqué la ministre. Avec ce plan de "transition socio-écologique (...) nous cherchons à tirer parti de cette richesse en héritage pour mobiliser 40 milliards de dollars d'investissements en faveur d'une économie sobre en carbone et résiliente. Il est temps de transformer notre richesse naturelle en bien-être social", a-t-elle insisté.

Il s'agit non seulement d'accélérer la décarbonation de l'économie, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 51% d'ici 2030, mais aussi d'œuvrer à la conservation et la restauration d'écosystèmes clé tels que l'Amazonie et les paramos (plaines d'altitude gorgées d'eau), selon le gouvernement.

"Nous allons présenter ce dossier à une négociation internationale (lors de la COP16) en vue d'un financement global", a encore annoncé Mme Muhamad. La COP16 sur la biodiversité se tiendra à Cali (sud-ouest) du 21 octobre au 1er novembre.

Un rôle accru des banques de développement

Lors d'une visite au siège de Nations unies la semaine dernière à New York, Mme Muhamad a expliqué que ce plan de transition énergétique, "l'un des plus avancés au monde" et "à la pointe du débat", s'inspire des "Partenariats pour une transition énergétique juste (JETP)".

Ce mécanisme de financement relativement nouveau vise à accélérer la transition de pays en développement vers les énergies propres. Ces dernières années, l'Afrique du Sud, le Vietnam, l'Indonésie et le Sénégal en ont été bénéficiaires. À la différence des JETP, le plan colombien privilégie une approche plus multilatérale, avec un rôle accru des banques de développement, à la fois financier et dans l'expertise technique.

La Colombie bénéficie d'ores-et-déjà du soutien financier du Royaume-Uni, du Canada, de l'Allemagne et de l'Union européenne, ainsi que de la Banque interaméricaine de développement, toujours selon Mme Muhamad.

2,8% du PIB 

La Colombie possède une biodiversité parmi les plus riches de la planète avec une géographie particulièrement diverse et une nature exubérante : Amazonie, montagnes andines, Caraïbes, côte Pacifique...

Àlu à la mi-2022 premier président de gauche de l'histoire de la Colombie, le président Petro, critique de l'extractivisme, souhaite que l'entreprise publique colombienne Ecopetrol (plus grand employeur du pays avec 33 000 salariés) se spécialise dans les énergies renouvelables et a suspendu de nouveaux contrats d'exploration pétrolière. Cette politique est vilipendée par l'opposition conservatrice et des syndicats du secteur, qui prônent une "transition graduelle sans compromettre la sécurité économique".

Le secteur des hydrocarbures compte pour 2,8% du PIB, selon les chiffres officiels de l'autorité statistique (Dane). Le pétrole est l'un des principaux produits d'exportation de la quatrième économie d'Amérique latine. Les ventes de pétrole brut, de ses dérivés et de charbon, ont représenté 52,3% des exportations du pays en 2023.

Selon l'Association colombienne du pétrole et du gaz (ACP), la stratégie du président Petro pourrait mettre en péril l'autosuffisance énergétique de la Colombie, nécessitant des importations des pays voisins (du Venezuela en particulier), alors que les prévisions de réserves sont en baisse: elles sont passées de 7,5 années d'autosuffisance en 2022 à 7,1 années en 2023. Les exportations de gaz sont passées de 7,2 années à 6,1 années au cours de la même période.

Toujours selon l'ACP, avec la politique de Petro, la Colombie perdra quelque 10 milliards de dollars entre 2027 et 2035.

Le président Petro a également suspendu les exportations de charbon vers Israël, l'un de ses principaux partenaires commerciaux, en réponse aux opérations de l'armée israélienne dans la bande de Gaza.

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