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Lorsque les températures atteindront 50 degrés, "tout le monde devra limiter les climatisations, sinon... " Rouge et transpirant, Xavier, 16 ans, s'arrête net de parler. Il ne sait plus quoi dire. Sa visite au salon Batimat lui a ouvert un champ infini de questions.
« Oserez-vous tester la vie à 50°C ? »
Élève de première en section "métiers du froid et des énergies renouvelables" en Seine-et-Marne, le lycéen avait décidé de se rendre au rendez-vous annuel des professions du bâtiment à Paris cette semaine pour "chercher un stage en entreprise".
À l'entrée, en passant devant un semi-remorque transformé en "chambre climatique mobile", portant l'inscription "oserez-vous tester la vie à 50°C ?", le jeune homme, qui préfère taire son nom de famille, a osé : il est entré dans la cabine-étuve installée par l'institut de recherche "Human Adaptation" pour sensibiliser les visiteurs aux enjeux du réchauffement climatique.
"Je voulais savoir ce que ce serait d'avoir très chaud en 2050" dit-il à l'AFP : "C'est dur !" Xavier a passé 30 minutes à courir, pédaler, faire des jeux d'adresse et d'agilité dans la cabine chauffée à 50°C afin de "tester" son pouvoir d'adaptation à un climat qui se réchauffe. "En 2050, j'aurai 42 ans", calcule le lycéen. Ca semble si loin quand on a 16 ans...
D'ici là, il faudra "changer les moyens de transport et limiter les clim", préconise l'adolescent, plus perplexe que jamais sur son avenir professionnel. À l'image de ce lycéen qui a filé très vite en sortant de la chambre climatique, exposants et visiteurs du salon ont été interpellés par l'équation complexe du chantier climatique du bâtiment : qu'il s'agisse de limiter les émissions de CO2 d'un secteur qui représente le troisième poste d'émission en France, ou d'atténuer l'impact des intempéries sur le bâti.
Pour un professionnel du bâtiment, comment bâtir plus pour une population qui augmente tout en utilisant moins de matériaux, plus biosourcés, tout en gagnant sa vie ? Comment rafraîchir, chauffer les bâtiments, se protéger contre les tempêtes, les inondations, les sécheresses ?
Aux alentours de 180 kWh par m2 à l'heure actuelle
Alors que le secteur fait face à une crise sévère dans la construction neuve et l'immobilier, la rénovation énergétique fait figure d'oasis d'opportunités, en liant développement économique et écologique, répondent la plupart des interlocuteurs interrogés.
La tâche est titanesque pour les 36 millions de logements en France, dont 5 millions sont des passoires énergétiques, rappelle le groupe de réflexion Negawatt qui prône la sobriété avant tout.
Vincent Legrand, qui dirige Doremi, une entreprise de formation des professionnels du bâtiment à la rénovation énergétique, rappelle l'objectif fixé dans le code de l'énergie depuis 2015 : chaque construction ne devrait pas consommer plus de 50 kilowatts-heures (kWh) par mètre carré et par an pour respecter les objectifs climatiques du pays, ce qui correspond au label des bâtiments basse consommation (BBC) créé en 2006 et reconnu par l'État depuis 2009.
"En 2003-2004, dans le parc français, les bâtiments consommaient 200 kWh en moyenne, aujourd'hui, on est aux alentours de 180 kWh. On a baissé, mais pas assez et pas assez vite, et on n'a plus que 25 ans pour y arriver", dit-il.
Renovations globales contre aides ciblées
Selon lui, le financement public des aides à la rénovation énergétique, "geste par geste", c'est-à-dire pour changer des fenêtres ou une chaudière, est "catastrophique" du point de vue de l'efficience des fonds publics. "Il faut massivement subventionner des rénovations globales", c'est-à-dire des isolations d'enveloppes de bâtiments entiers, pour être efficace et économiser l'énergie, nerf de la guerre climatique.
Mais les artisans du bâtiment, les fabricants de chaudières ou de fenêtres, ne l'entendent pas de cette oreille, et souhaitent, eux, le maintien des aides ciblées.
Pendant le salon, le géant des matériaux Saint-Gobain a tenté de mettre tout le monde d'accord. Il a présenté un "livre blanc de la rénovation énergétique" conçu avec une vingtaine d'acteurs de l'immobilier, des collectivités et des organisations professionnelles, suggérant huit solutions pour accélérer la rénovation énergétique d'un parc "vieillissant, énergivore et très émetteur de gaz à effet de serre".