Au pied des Pyrénées, la recherche d'hydrogène naturel commence... à vélo

  • AFP
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Plus de 700 kilomètres à vélo pour rechercher de l'hydrogène naturel en sous-sol : dans les Pyrénées-Atlantiques, l'exploration de sources potentielles de cette énergie primaire décarbonée a débuté grâce au premier permis décerné par l'État.

Cette autorisation exclusive pour rechercher des "mines d'hydrogène natif, hélium et substances connexes" a été accordée à la société TBH2 Aquitaine, pour cinq ans, sur une zone d'environ 225 km2.

Il est le premier octroyé parmi six demandes déposées actuellement en France pour des recherches d'hydrogène dit "blanc", un gaz naturellement présent dans le sous-sol partout sur la planète.

Si des études de géologie régionale ont permis d'identifier les zones à potentiel, à l'instar du piémont pyrénéen proche du bassin industriel de Lacq, TBH2 procède maintenant à une "échographie du sous-sol bien plus en détail, pour +dépixelliser+ les données scientifiques", explique Laure Dissez, géologue et cheffe de projet.

À cette fin, Yannick Bouet, géologue et cycliste, parcourt le secteur à bicyclette, depuis deux mois, pour procéder à des relevés magnétiques du sol.

Sur son vélo en carbone, "sans aucune pièce métallique qui perturberait la mesure", il fixe une antenne de deux mètres de haut, surmontée d'un magnétomètre qui mesure le champ magnétique à plusieurs dizaines de mètres alentour, à l'échelle du nanotesla, toutes les demi-secondes, explique celui qui pédale 60 à 90 kilomètres par jour.

Vibrations

"Une façon de faire inédite en France" qui s'inspire d'une expérimentation israélienne, précise Laure Dissez. "Ces données sont habituellement prises par un petit avion mais le vélo, bien plus écolo, correspond à l'ADN du projet dont le but est de trouver une solution à un problème environnemental et énergétique. C'est aussi beaucoup plus facile au niveau des autorisations ou de la logistique."

Après cette phase, la prochaine campagne de recherches, à partir de la mi-juin, se concentrera sur la sismique passive et la pose de capteurs dans le sol pour écouter les vibrations des Pyrénées, avant la collecte de données géophysiques.

Le tout pour confirmer que "les éléments dont on a besoin pour la formation d'hydrogène, sa migration et la présence de réservoirs, sont présents", détaille Laure Dissez.

La génération d'hydrogène naturel dans le sous-sol béarnais s'explique par la présence de roches du manteau terrestre très riches en minéraux ferreux, entre six et dix kilomètres de profondeur.

Les failles des Pyrénées permettent l'infiltration de l'eau de pluie jusqu'au manteau, où une réaction eau-roches libère immédiatement de l'hydrogène. Ainsi généré naturellement en profondeur, il remonte vers la surface et peut s'accumuler dans d'autres roches poreuses et moins profondes, qui font office de "réservoir" et de "piège" à hydrogène, car surmontées d'une couche géologique imperméable.

Transition

Tout l'enjeu de cette recherche, la première sous cette forme en France, est d'identifier toutes les composantes d'un système hydrogène pour savoir où forer, avant d'industrialiser la production de cette énergie décarbonée.

"L'État veut accélérer cette transition", insiste Laure Dissez, ajoutant que deux à trois ans de recherches et de validations successives seront encore nécessaires, avant d'envisager un premier forage d'exploration.

"On veut aussi comprendre en combien de temps un réservoir potentiel peut se régénérer: on sait déjà qu'on ne parle pas en temps géologique, donc pas en millions d'années, mais est-on sur quelques dizaines, centaines ou milliers d'années ?", souligne la géologue.

Ce vecteur d'énergie suscite un intérêt grandissant pour la décarbonation de l'industrie et des transports dans la mesure où il aurait l'avantage de ne pas émettre de CO2, un des gaz à effet de serre responsables du changement climatique, contrairement à l'hydrogène dit "gris", produit à partir d'énergies fossiles. Quant à l'hydrogène industriel dit "vert", fabriqué à partir d'électricité renouvelable, sa production est très onéreuse.

Les autres dossiers à l'instruction sont situés dans le centre de la France, en Lorraine et dans le Jura, ainsi que dans les Pyrénées-Atlantiques, où une autre demande de permis de recherches a été déposée en mars par la startup 45-8 Energy, basée à Metz, et Storengy, filiale d'Engie.

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