©Connaissance des Énergies
Définition et principes de fonctionnement
Le « CAES », (de l’anglais Compressed Air Energy Storage) est un mode de stockage d’énergie par air comprimé, c’est-à-dire d’énergie mécanique potentielle, qui se greffe sur des turbines à gaz.
Comment ça marche ?
Dans une turbine à gaz classique, de l’air ambiant est capté et comprimé dans un compresseur à très haute pression (100 à 300 bar). Cette compression de l’air s’accompagne d’un échauffement pouvant aller jusqu’à quelques centaines de degrés. L’air chaud comprimé est injecté avec du gaz dans une chambre de combustion. Le mélange en sortie entraîne une turbine et un alternateur pour produire de l’électricité.
Le principe du CAES consiste à stocker l’air comprimé et ainsi à décorréler la phase de compression de l’air du reste du processus. Pour ce faire, un système de stockage de ce type est inséré entre le compresseur et la chambre de combustion. En phase de stockage, le compresseur utilise l’énergie disponible sur le réseau électrique pour comprimer de l’air. Cet air comprimé est ensuite acheminé puis stocké dans un réservoir adéquat. En phase de déstockage, l’air comprimé est extrait de son réservoir et envoyé dans la chambre de combustion qui précède la turbine. L’énergie produite est enfin restituée ou vendue au réseau.
©Connaissance des Énergies
Notons par ailleurs que le stockage par air comprimé peut également être appliqué à des systèmes à piston comme en témoignent la solution Hybrid Air de PSA Peugeot Citroën et la technologie de LightSail Energy (abordées dans d’autres contenus). Dans le premier cas, l’air comprimé actionne directement la chaîne de traction du véhicule lors de la phase de détente. Il se substitue alors au mode « essence » classique. Dans le deuxième cas, le système consiste à stocker de l’énergie calorifique dans un réservoir d’eau puis restituer à l’air comprimé cette énergie qui est convertie en énergie mécanique.
Caractéristiques classiques d’une installation CAES
- puissance : 10 à 300 MW hors démonstrateurs ;
- production annuelle : de 10 MWh à 10 GWh ;
- temps de réponse (temps nécessaire pour faire passer le système d’un état de stockage sans décharge à une décharge à pleine puissance) : quelques minutes ;
- efficacité : ~50 % pour les systèmes conventionnels, ~70 % pour les adiabatiques et ~95% pour les isothermes (pour le système détendeur / compresseur);
- durée de vie : potentiellement supérieure à 30 ans ;
- coûts d’investissement (CAPEX) : 400 à 1 200 €/kW.
Les différents types de systèmes CAES
Il existe trois générations de CAES, classées selon les technologies utilisées et leur niveau de maturité :
Les systèmes CAES conventionnels
Dans les CAES dits conventionnels, l’air chaud comprimé en sortie de compresseur est directement envoyé dans une chambre de stockage. A ce jour, il n’existe toutefois pas de réservoir permettant un stockage de l’air maintenant en même temps une haute température et une haute pression : la chambre de stockage d’un CAES conventionnel assure le maintien en pression du gaz mais pas en température. Lorsque l’air comprimé est extrait du réservoir en phase de déstockage, sa température a donc décru. Cela a deux conséquences pour les CAES :
- l’air comprimé doit être préchauffé avant d’être envoyé dans la chambre de combustion en phase de déstockage (par exemple en réutilisant du gaz en sortie de turbine) ;
- l’efficacité d’un CAES conventionnel est d’environ 50%, ce qui est largement inférieur à l’efficacité de la majeure partie des systèmes de stockage d’énergie. A titre de comparaison, l’efficacité des STEP (Station de Transfert d’Énergie par Pompage) est compriseentre 70% et 85%. L’efficacité limitée des CAES conventionnels est liée à la part d’énergie dissipée sous forme de chaleur.
©Connaissance des Énergies
Les systèmes CAES adiabatiques
Un système est dit « adiabatique » quand il n’échange pas de chaleur avec l’extérieur. Les CAES adiabatiques sont donc semblables aux systèmes conventionnels mais incluent en plus un système permettant de stocker la chaleur. Face à la difficulté de créer un réservoir pouvant assurer en même temps le maintien en pression et en température de l’air, un second réservoir est utilisé pour stocker la chaleur.
Les CAES adiabatiques sont donc constitués d’un réservoir permettant de stocker l’air comprimé (semblable aux réservoirs des CAES conventionnels) et d’un système de stockage thermique récupérant la chaleur de l’air comprimé en sortie de compresseur. En phase de déstockage, cette chaleur est restituée à l’air comprimé avant le passage dans la turbine. Les CAES adiabatiques atteignent grâce à ce système une efficacité de l’ordre de 70%.
©Connaissance des Énergies
Les systèmes CAES isothermes
Encore au stade du prototype, les systèmes CAES isothermes relèvent des dernières innovations ayant pour but d’augmenter l’efficacité des CAES. Un processus est dit « isotherme » lorsque la température du système considéré est uniforme et constante. Un CAES isotherme consiste donc à extraire la chaleur de l’air au fur et à mesure de sa compression (et non pas après sa compression comme dans le cas des systèmes adiabatiques). Ce système aurait une efficacité de l’ordre de 95%pour le système détendeur/compresseur.
Types de réservoirs
Hormis les différences technologiques, les CAES se distinguent par le type de réservoir qu’ils utilisent pour stocker l’air comprimé. Pour des volumes importants, les grottes et autres cavités géologiques naturelles ou artificielles (mines) sont favorisées. L’installation d’un CAES est dans ce cas tributaire de l’existence de telles cavités ou de la possibilité d’en creuser et donc de la nature du sous-sol.
Pour stocker des volumes plus restreints, des réservoirs artificiels en surface ou enterrés sont privilégiés. Enfin, des solutions alternatives émergent comme les projets de CAES sous-marins dans lesquels le poids de l’eau assure le maintien en pression des réservoirs.
Les intérêts de cette technologie de stockage
Optimisation économique : quand l'électricité est abondante
La compression est une étape très coûteuse en énergie : elle consomme l’équivalent d’environ un tiers de l’énergie produite en sortie de turbine. Le principal intérêt du stockage par air comprimé consiste aujourd’hui à réaliser cette compression en utilisant de l’électricité disponible à un prix faible qui serait potentiellement « fatale », c'est-à-dire perdue si elle n’était pas utilisé à cette fin.
Le premier avantage d’un CAES est purement économique. Le coût d’achat de l’électricité varie au cours de la journée : il diminue en heure creuse quand la demande est faible ; il augmente en heure de pointe quand la demande est plus importante. Ces variations peuvent, par incidence, avoir un impact sur les marges des unités de production, elles-mêmes consommatrices d’électricité.
Dans un CAES, la phase de stockage a lieu pendant les heures creuses. L’énergie consommée pour la compression est donc une énergie peu chère. La phase de déstockage a en revanche lieu pendant les heures de pointe afin de revendre de l’énergie lorsqu’elle atteint son prix maximal. Notons que la rentabilité d’un CAES n’est pas systématique et dépend, entre autres, de l’efficacité du système et de la différence de prix de l’énergie entre les heures creuses et les heures de pointes.
Une analyse plus complète requerrait également de prendre en compte les coûts de construction, de maintenance, d’opération, ainsi que les coûts financiers. Dans la pratique, on constate par exemple que les CAES conventionnels ont un niveau de rentabilité faible ou inexistant. Cela est lié en particulier à leur faible efficacité, de l’ordre de 50%. Cela explique notamment le peu de systèmes CAES conventionnels construits au niveau mondial et le développement de CAES avec des niveaux d’efficacité plus élevés (adiabatiques ou isothermes).
Augmentation de l’énergie fournie au réseau en heure de pointe
Le second avantage d’un CAES est d’ordre technique. Il s’agit de maximiser la capacité en heure de pointe. En effet, sans CAES, environ 30% de l’énergie produite par la turbine est directement extraite pour alimenter la compression de l’air. La capacité maximale injectable sur le réseau électrique est donc environ 70% de la capacité de la turbine. Avec un CAES, en mode déstockage, l’air a été comprimé à un moment antérieur et 100% de la capacité de la turbine est donc injectable sur le réseau.
Utilisation de CAES de par le monde
Il existe actuellement dans le monde une dizaine de CAES, en production ou en construction.
Citons :
- Huntorf en Allemagne : 290 MW en 1979, utilisant une mine de sel, 3h de stockage ;
- McIntosh aux États-Unis (Alabama) : 110 MW en 1991, utilisant une mine de sel, 26h de stockage ;
- Hokkaido au Japon : 2 MW en 2001, utilisant une mine de charbon, 4h de stockage ;
- le projet de SustainX aux États-Unis (New Hampshire) : 1 MW en 2011 en surface, 4h de stockage ;
- le projet d’Hydrostor au Canada : 1 MW prévus en 2013 en sous-marin, 4h de stockage ;
- le projet de General Compression aux États-Unis (Texas) : 2 MW prévus en 2014, utilisant une mine de sel, 16h de stockage ;
- le projet ADELE en Allemagne : 90 MW prévus en 2018, utilisant une mine de sel, 4h de stockage ;
- le projet de PG&E aux États-Unis (Californie) : 300 MW prévus en 2021, utilisant une mine de sel, 10h de stockage ;
- le projet à Norton aux États-Unis (Ohio) : 2 700 MW, utilisant une mine de calcaire, 16h de stockage.
La technologie présentement et dans le futur
Le CAES est un système de stockage relativement ancien : la première installation a été construite en Allemagne en 1979. Néanmoins, le développement des CAES a été limité au cours des décennies suivantes. Le rendement d’environ 50% des CAES conventionnels alors utilisés ne permettait pas d’obtenir un niveau de rentabilité satisfaisant.
Les avancées technologiques et en particulier le développement des CAES adiabatiques ont relancé l’intérêt pour ce mode de stockage. L’efficacité des CAES adiabatiques, autour de 70%, permet en effet de rivaliser avec d’autres systèmes de stockage, comme les STEP.
Le passage au stade industriel des CAES isothermes renforcera très probablement d’avantage l’intérêt pour ce mode de stockage, dans un contexte de fort appétence pour les systèmes de stockage d’énergie. Avec une efficacité d’environ 95% (pour le système détendeur/compresseur), les CAES isothermes ont des rendements proches des systèmes de stockage les plus performants (par exemple les batteries lithium-ion ou les supercondensateurs).
Un intérêt particulier est porté sur les CAES adiabatique en raison de leur meilleur rendement augurant une meilleure rentabilité économique. De nombreux projets sont actuellement à l’étude ou en cours de construction dans ce sens. Le début des phases d’opération de ces systèmes occasionnera une réévaluation globale tant technique qu’économique des CAES en général.