Selon les chercheurs suisses, une recharge standard d'un véhicule électrique pendant 1 minute 30 (temps nécessaire pour remplir un réservoir de diesel) lui confère une autonomie limitée à 6 km. (©EDF-Bruno Conty)
Inauguré mi-janvier à Paris, le nouveau réseau « Belib » peut recharger des véhicules électriques en 1 heure. Cette recharge « accélérée » paraît toutefois encore bien lente par rapport au système imaginé par des chercheurs de l’École Polytechnique de Lausanne (EPFL). Explications.
Un stockage « tampon » pour pouvoir accélérer la recharge
Il existe aujourd’hui différents types de recharges pour voitures électriques, plus ou moins rapides en fonction de la puissance de charge. Les bornes de recharge « accélérée » du réseau parisien Belib’ (par prise CHAdeMo) permettent par exemple de recharger un véhicule en 1 heure, soit près de 7 fois plus rapidement que les bornes de recharge « standard » grâce à la plus grande puissance de charge (22 kW contre 3 kW).
Des chercheurs de l’EPFL ont calculé la puissance théorique nécessaire pour recharger une voiture électrique aussi rapidement qu’une voiture thermique en diesel. Selon leurs calculs, cette recharge d’une minute trente nécessiterait une puissance instantanée de 4,5 MW (soit 4 500 kW), soit autant que pour alimenter plus de 3 000 lave-vaisselle, qui ne pourrait être supportée par les batteries des véhicules électriques. De plus, si de nombreux véhicules étaient rechargés en même temps à cette vitesse, l’appel total de puissance serait susceptible de provoquer des perturbations sur le réseau de distribution électrique.
Partant de ce constat, les chercheurs de Lausanne ont imaginé que des systèmes de stockage « intermédiaire » soient associés aux stations de recharge : un ensemble de batteries lithium-fer, connecté au réseau de distribution d’électricité, pourrait être rechargé en permanence à faible puissance. Lorsqu’une voiture devrait être rechargée, ces batteries délivreraient en un temps très rapide l’électricité préalablement stockée. Ce système « tampon » écarterait tout risque pour le réseau en lissant ainsi l’appel de puissance.
Un démonstrateur près de Zürich
Les chargeurs rapides de ce système devraient fournir des puissances « de l’ordre de 200 kW ou plus » (contre 120 kW pour les « superchargeurs » de Tesla), indique Massimiliano Capezzali, directeur adjoint du Centre de l’Énergie de l’EPFL. L’élément innovant de ce projet « se situe toutefois bien dans le découplage entre une charge lente du tamponnage intermédiaire et une recharge rapide de la batterie du véhicule », précise-t-il.
Ces systèmes de stockage présentent l’inconvénient d’être assez encombrants : leurs dimensions avoisineraient celle de conteneurs maritimes. Ils pourraient être directement rechargés par des unités de production renouvelables installées à proximité comme des panneaux photovoltaïques.
Un démonstrateur de la taille d’une remorque est testé près de Zurich(1) par les chercheurs de l’EPFL et leurs partenaires (le laboratoire EMPA, et les écoles HES et Polytechnique de Zurich). Disposant d’une puissance nominale de 220 kW, il peut, après avoir été rechargé sur le réseau de distribution (basse tension), fournir en un quart d’heure l’énergie nécessaire à la recharge d’une voiture électrique standard (soit en près de deux fois moins de temps que les recharges actuelles les plus rapides).
Démonstrateur actuellement testé près de Zurich (©photo)
A quel horizon pourrait-on déployer ces systèmes?
Parmi les freins identifiés au déploiement de ces stations (outre leur encombrement) figure la faculté des batteries à bord des véhicules électriques à supporter des recharges « ultra-rapides » : il sera en effet nécessaire de mettre au point des batteries a très faible impédance (ohms) et à très forte capacité volumique (Wh/kg) qui n'existent pas encore sur le marché malgré les importants efforts de développement en cours.
La question du coût de ces stations de recharge avec stockage intermédiaire n’a quant à elle pas encore été étudiée par les chercheurs de l'EPFL mais le nombre limité de véhicules électriques en circulation (22 187 nouvelles immatriculations de véhicules électriques sur le marché français en 2015(2)) « ne justifie pas encore des investissements dans des véritables "stations-service" le long des autoroutes » reconnaît Massimiliano Capezzali.
Le coût de ce système dépendra par la suite également de celui de la recharge électrique elle-même alors que « la plupart des bornes de recharge, en tout cas en Suisse, ne font pas payer le courant » actuellement, précise-t-il. Selon lui, il reste ainsi difficile de préciser une date de déploiement de ce système (« plutôt après 2020 »).
Sur la base de statistiques de trafic collectées en Suisse Romande, les chercheurs ont toutefois déjà imaginé une station susceptible de recharger près de 200 véhicules par jour. Celle-ci nécessiterait un système de stockage intermédiaire de 2,2 MWh dont le volume équivaudrait « grosso modo à celui de quatre conteneurs maritimes » selon les estimations des chercheurs(3).