En Amérique du Nord, le nucléaire a compté pour 19% de la production électrique en 2017 selon l’AIEA. Ici, la centrale nucléaire de Brunswick en Caroline du Nord. (©Duke Energy)
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a publié le 10 septembre son rapport annuel portant sur les perspectives du nucléaire dans le monde dans les prochaines décennies(1). Elle y envisage entre autres un recul de cette énergie en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. Ce qu’il faut en retenir.
Un parc nucléaire actuellement composé de 455 réacteurs
Le parc nucléaire mondial est aujourd’hui constitué de 455 réacteurs « opérationnels »(2) d’une capacité cumulée de 399,8 GW selon les dernières données de l’AIEA(3). En 2017, ce parc a généré 2 503 TWh au niveau mondial, une production en hausse de 1,1% par rapport à 2016(4).
La part du nucléaire dans la production mondiale d'électricité a atteint 10,3% en 2017. Cette énergie dispose d’un facteur de charge moyen dépassant 80%(5), la filière soulignant fréquemment cette forte disponibilité, et ainsi sa faculté à accompagner le développement de sources électriques « bas carbone » à production intermittente (éolien et photovoltaïque en tête).
À court terme, l’AIEA juge toutefois que « le faible prix du gaz naturel et l’impact des sources d’énergie renouvelables intermittentes subventionnées sur les prix de l’électricité devraient continuer à affecter les perspectives de croissance du nucléaire dans certaines régions du monde ».
La filière nucléaire fait en outre face à des exigences de sécurité accrues depuis l’accident de Fukushima Daiichi et se trouve confrontée à d’importants « défis dans le déploiement de technologies avancées », avec des hausses de coûts et des retards de construction afférents aux nouveaux réacteurs, EPR en tête.
Des « incertitudes croissantes » pour la filière
Dans ses prévisions d’ici à 2050, l’AIEA fait état d'« incertitudes croissantes » pour la filière, notamment liées au « nombre considérable » de réacteurs censés être arrêtés « autour de 2030 et après » (plus de la moitié des réacteurs nucléaires dans le monde sont exploités depuis plus de 30 ans). Dans ces conditions se pose la question de la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs ou de leur renouvellement éventuel.
Ces incertitudes se traduisent dans le rapport de l’AIE par la présentation de 2 scénarios de développement du nucléaire, l’un favorable à la filière (scénario « haut » décrit comme « ambitieux » mais « techniquement possible »), l’autre plus défavorable (scénario « bas »), tous deux étant « contrastés mais pas extrêmes » selon l’agence.
Dans son scénario « bas », l’AIEA estime que la puissance du parc nucléaire mondiale pourrait baisser de 40 GW d’ici à 2030 (avec 139 GW de capacités nucléaires arrêtées et 99 GW de nouvelles capacités mises en service). Dans son scénario « haut », l’agence envisage au contraire une hausse de 120 GW de la puissance nucléaire mondiale, avec la prolongation de la durée d’exploitation de nombreux réacteurs (seulement 55 GW arrêtés et 175 GW mis en service).
À l’horizon 2050, l’AIEA estime que la puissance du parc nucléaire mondial pourrait être légèrement inférieure à son niveau actuel dans le scénario « bas » (356 GW en 2050) ou être quasiment doublée dans le scénario « haut » (748 GW), signe des incertitudes touchant l’avenir de la filière.
En matière de production, l’AIEA estime dans tous ses scénarios que le parc nucléaire mondial générera davantage d’électricité dans les décennies à venir avec, par rapport au niveau de 2017, une hausse de 15% d’ici à 2050 dans son scénario « bas » (2 870 TWh/ an) et une multiplication par 2,4 de la production à cet horizon dans son scénario « haut » (6 028 TWh/ an).
Compte tenu des prévisions de forte hausse de l’ensemble de la production électrique mondiale (notamment d’origine renouvelable), la part du nucléaire dans le mix électrique mondial pourrait en revanche baisser d'ici à 2050. À cet horizon, elle est estimée entre 5,6% (scénario « bas ») et 11,7% (scénario « haut ») par l’AIEA. Rappelons par ailleurs que, malgré le mouvement actuel d’électrification, l’électricité compte encore pour moins d’un cinquième de la consommation d’énergie dans le monde.
Dans son scénario « haut », l’AIEA estime que la production d’électricité d’origine nucléaire pourrait doubler d’ici à 2040. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Des dynamiques très différentes d’une région à une autre
En 2017, les États-Unis (99 réacteurs nucléaires) et la France (58 réacteurs) ont compté à eux seuls pour 44,7% de la production mondiale d’électricité d’origine nucléaire. La Chine, où sont situés 13 des 55 réacteurs en cours de construction dans le monde, joue également un rôle croissant au sein de la filière.
Dans son rapport délivrant des données par grande zone géographique, l’AIEA estime que la production nucléaire en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest va chuter d'ici à 2050, de façon plus ou moins significative selon ses scénarios.
Au contraire, une très forte progression de l’énergie nucléaire est envisagée dans toute l’Asie où l’intérêt pour cette filière « reste fort », en particulier en Chine et en Inde. Ce continent pourrait compter pour presque 60% de la production nucléaire mondiale en 2050 selon l’AIEA (dans ses scénarios « haut » et « bas »), contre seulement 19% en 2017.
En Afrique et en Amérique latine, l’énergie nucléaire pourrait connaître une croissance significative selon l’AIEA mais sa contribution devrait rester limitée, en comparaison avec les autres grandes régions du monde.
À l’occasion de la présentation de ce rapport, le Directeur général de l’AIEA Yukiya Amano a jugé qu’« il sera difficile pour le monde d’obtenir suffisamment d’électricité pour parvenir à un développement durable et d'atténuer les changements climatiques sans progrès significatifs dans l’utilisation du plein potentiel de l’énergie nucléaire ». Pour rappel, l’AIEA a été créée en 1957 par les Nations unies pour promouvoir le développement des applications civiles de l’énergie nucléaire.