Vue du delta du Rhône, à l'embouchure du fleuve dans la mer Méditerranée. (©CNR)
CNR (Compagnie Nationale du Rhône) et Sweetch Energy ont annoncé le 14 février le lancement d’une centrale pilote de production osmotique en 2023 dans le delta du Rhône. Présentation.
Le principe : exploiter la différence de salinité entre eau de mer et eau douce
Pour rappel, l’énergie osmotique désigne l’énergie exploitable à partir de la différence de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce, les deux natures d’eau étant séparées par une membrane semi-perméable. Elle consiste à utiliser une hauteur d’eau ou une pression créée par la migration de molécules d’eau à travers ladite membrane. La pression d’eau en résultant assure un débit qui peut alors être turbiné pour produire de l’électricité.
Cette énergie, exploitable dans les deltas et estuaires(1), présente l’avantage de « n’être pas sujette aux conditions météorologiques », souligne CNR : autrement dit, elle peut assurer une production d’électricité « de base » continue et compenser les aléas de production des filières « intermittentes ». Autre argument en sa faveur dans le contexte actuel : elle n’est « pas dépendante des fluctuations des prix du gaz, du charbon, etc. », soulignent les porteurs du projet.
Et Sweetch Energy, société rennaise créée en 2015, d’insister sur son potentiel partout dans le monde : « chaque année, près de 30 000 TWh d’énergie osmotique - soit une capacité supérieure à la demande mondiale d’électricité - sont libérés par les deltas et estuaires à l´échelle du globe(2) » (la production mondiale d’électricité a avoisiné 27 000 TWh en 2020(3)).
Le site pilote et le potentiel osmotique dans le delta du Rhône
Le début de la production de la centrale osmotique pilote sur le delta du Rhône est annoncée par CNR et Sweetch Energy pour fin 2023. Les spécifications du site comme sa puissance et sa production attendue sont encore « en cours de définition »(4), des tests devant également être réalisés dans différentes zones du delta du Rhône pour déterminer sa localisation exacte.
Cette centrale pilote utilisera la technologie « INOD® » (pour « Ionic Nano Osmotic Diffusion »)(5) de Sweetch qui repose sur une nouvelle génération de membranes : « issue de la recherche publique française (sous la direction du professeur Lydéric Bocque, CNRS/ENS) […] elle intègre les avancées les plus récentes dans le domaine des nanotechnologies et des éco-matériaux pour que le phénomène d’osmose produise un échange d’ions considérablement accéléré ». Concrètement, ladite technologie est annoncée comme « 20 fois plus performante et 10 fois moins chère que les autres » (avec notamment une capacité de production de « 20 W/m2, contre environ 1 W/m2 pour les membranes dans les anciennes technologies » selon Sweetch).
Ces performances annoncées nourrissent des ambitions élevées pour le développement de l’énergie osmotique sur le Rhône : après avoir « validé », avec le site pilote, le fonctionnement de la technologie de Sweetch à l’échelle industrielle, la société rennaise et CNR estiment qu’une production osmotique de plus de 4 TWh par an est envisageable dans le delta du Rhône à l’horizon 2030, « soit deux fois la consommation annuelle des habitants de la ville de Marseille ». Ou l’équivalent d’un tiers de la production hydroélectrique annuelle sur le Rhône (près de 13 TWh), de quoi compenser une chute de cette production liée à « la baisse annoncée de débit du fleuve de 10 à 40% à cause du changement climatique, selon l'agence de l'eau ».
Le coût précis de la centrale osmotique pilote n’est pas communiqué mais les futurs exploitants évoquent des investissements de « plusieurs millions d’euros »(6) et le potentiel de la technologie pour « produire une électricité à des coûts compétitifs, comparables aux principales énergies renouvelables, voire meilleurs dans certains cas ».