Le pacte vert européen, entre « Green Deal » et « greenwashing »

Maxence Cordiez

Expert associé énergie et climat à l'Institut Montaigne

La Commission européenne présidée par Ursula von der Leyen a présenté le 11 décembre son « pacte vert »(1). Il s’agit de la feuille de route qui devrait guider sa politique en matière d’écologie et d’environnement dans les prochaines années.

Très attendu, ce texte revêt une importance particulière. Un vice-Président exécutif, le Néerlandais Frans Timmermans, a d’ailleurs été nommé pour coordonner l’application de ce programme au sein de l’ensemble de la Commission.

S’il contient des éléments positifs qui méritent d’être relevés, le pacte vert récemment publié peine à sortir des lieux communs (pour certains discutables, pour d’autres faux). Une approche parfois dogmatique contribue également à décrédibiliser ce texte, pourtant nécessaire face à l’urgence écologique.

Des avancées en matière de fiscalité

La feuille de route écologique de la Commission européenne propose d’élargir le marché du carbone européen à de nouveaux secteurs : transport maritime et routier (le transport aérien étant déjà inclus) et bâtiments (chauffage, eau chaude, etc.). Cette mesure permettra de donner une valeur au CO2 émis par les activités qui seront intégrées au dispositif. Elle devrait ainsi conduire à une réduction des émissions de gaz à effet de serre via des changements d’usage et des substitutions entre technologies. La volonté de mettre fin aux niches fiscales dont bénéficient les carburants d’aviation et maritime est à saluer.

On relèvera également l’ouverture à un système de taxation carbone aux frontières de l’Union européenne, destiné à éviter que les efforts consentis par les États membres n’aboutissent à la délocalisation de leurs activités industrielles. Les délocalisations ne servent en rien la cause climatique et elles affaiblissent l’Europe, à la fois sur le plan des emplois et sur celui de son indépendance industrielle(2).

… mais des fondations bancales : l’oxymore de la « croissance verte »

Dès le second paragraphe, le pacte vert annonce qu’il constitue « une nouvelle stratégie de croissance [qui] vise à transformer l’UE en une société juste et prospère […] dans laquelle la croissance économique sera dissociée de l’utilisation des ressources ». Or, une dissociation entre croissance économique et consommation de ressources – énergétiques en premier lieu – n’a jamais été observée à l’échelle mondiale.

Les « progrès » que l’on peut constater dans les pays occidentaux à ce niveau découlent surtout d’une délocalisation des industries énergivores. La dissociation est donc seulement comptable : la consommation de ressources est délocalisée mais nous continuons à consommer des produits issus de l’industrie. Notre dépendance vis-à-vis des importations augmente alors au fur et à mesure que notre activité se concentre sur les services. En pratique la « croissance verte » est un oxymore permettant de défendre la croissance économique au détriment de l’environnement.

Une approche dogmatique de l’énergie

Nulle part dans les 28 pages du document, l’énergie nucléaire n’est mentionnée. Il s’agit pourtant de la 1re source d’énergie bas carbone de l’Union européenne(3). Elle est à ce titre centrale dans l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone en 2050.

La Commission européenne précise qu’il « est impératif de mettre en place un secteur de l’énergie reposant largement sur les sources renouvelables, tout en abandonnant rapidement le charbon et en décarbonant le gaz ». Si la décarbonation du gaz fait référence à la capture et stockage de carbone, il s’agit d’une technologie loin d’être mature et dont on peut douter – pour des raisons physiques – qu’elle le soit un jour. S’il s’agit du biogaz, son développement est nécessaire mais sera loin de suffire de par ses coûts et les gisements mobilisables.

Face à une menace aussi grave que le dérèglement climatique, la Commission préfère donc s’appuyer sur d’hypothétiques ruptures scientifiques et techniques, plutôt que sur des technologies éprouvées. Elle le reconnaît d’ailleurs dans la proposition suivante qui illustre la profondeur de sa vision : « les nouvelles technologies, les solutions durables et l’innovation de rupture sont essentielles pour atteindre les objectifs du pacte vert pour l’Europe ».

Le mythe de la transition sans effort

À l’exception de quelques bonnes propositions, on retiendra un texte globalement creux, qui tend à répondre à des problématiques complexes par l’apposition de termes tels que « durable » (79 occurrences en 28 pages), « propre » (24 occurrences) et « intelligent » (11 occurrences).

La décarbonation de la mobilité passera ainsi par « une impulsion à la production et au déploiement de carburants de substitution durables ». Cet exemple souligne une faille majeure du texte qui est de croire que la transition énergétique ne demandera pas d’effort à la population. Si l’efficacité énergétique est mentionnée, le besoin de sobriété est complètement occulté. Les économies d’énergie sont pourtant indispensables à l’atteinte de la neutralité carbone et les progrès d’efficacité – à encourager –  sont physiquement limités.

Pour faire progresser l’écologie, il ne suffit pas d’une surenchère d’objectifs toujours plus ambitieux au fur et à mesure qu’on les manque. Il conviendrait de commencer à regarder les choses telles qu’elles sont et non pas telles qu’on voudrait qu’elles soient, et de cesser de croire au pouvoir performatif des annonces.

Sources / Notes

  1. Le pacte vert pour l'Europe, Communication de la Commission européenne, 11 décembre 2019.
  2. Si elle voit le jour, cette mesure remplacerait les quotas gratuits d’émission ou la compensation par certains États de l’augmentation du coût de l’électricité résultant de la hausse du prix du carbone.
  3. Selon les dernières données de la Commission européenne, l'énergie nucléaire a compté pour 12,6% de la consommation d'énergie primaire de l'UE en 2017.

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Commentaire

gautier
Il reste, Mr Rochain à trouver des sources l'électricité pilotables, de faible impact carbone et de puissance modérée (50 à 100 MW par exemple) , comme les SMR par exemple et bientôt disponibles, ne nécessitant pas de lignes THT. Le choix est, en fait, assez réduit.
Hervé
Bonjour Mr Rochain Plus haut vous posiez cette question: "Pour le résumer en quatre mots, pourquoi produire des GW quand chacun n’a besoin que de KW ?" Je vous réponds: Le problème c'est que quand 55000000 personnes ont besoin de KW ca fait des GW, de toute façon (et vraiment beaucoup en plus...). Vous vous proposez de faire ça par des millions de petits systèmes. Le problème, c'est qu'en électrotechnique il y a deux règles assez répétables: 1) plus c'est gros plus c'est performant 2) un système fonctionne mieux a sa puissance nominale Le fait que les gros systemes sont plus performant et que les mutualiser permets de les exploiter à leur régime idéal permets de rendre un système centralisé bien plus performant qu'une multitude de petits systèmes. Il faut moins de matières premières, ça a un meilleur rendement... De plus Chaque personne n'utilise pas ses KW en même temps, donc un grand réseau permets de mutualiser les besoin et donc réduit considérablement la puissance nécessaire. Dans tous les cas, la mise en réseau emmène un avantage, et cet avantage est encore plus important pour les ENR dans le cadre de foisonnements du fait de l'intermittance. La bascule vers les ENR va mécaniquement faire augmenter le nombre de lignes THT car c'est mieux ainsi.
Rochain
Je croyais vous avoir dit que la mauvaise foi n'était pas un interlocuteur. Et j'ajoute que la bêtise n'en n'est pas un non plus et qu'en conséquence nous n'avons plus rien à nous dire... Surtout qu'ici vous rajoutez une sérieuse couche de cette bêtise
Hervé
Quelle mauvaise foi? Factuellement, tous les pays développés ont opté pour ce que vous qualifiez de bêtise. Leurs ingénieurs sont ils tous des imbéciles ?
Rochain
Ha bon ? Vous croyez m'apprendre quelque chose ? Mais ça c'est le profil de Carlos Tavares ou Carlos Ghosn que vous décrivez là,, mais ceux-là étaient de famille très riches qui ont payées leurs études, ce qui d'ailleurs ne les a pas empêché de réussir, sauf que l'argent s'étant mis a couler à flot il a tourné la tête d'un des deux Carlos. Quant à l'autre l'argent ayant déjà coulé il est possible que ce soit lui qui coule avec sa boite qui a pris GRACE a lui un sérieux retard. Ceux là donnent raison à AtomicBoy, ils n'ont pas eu besoin de se retrousser les manches on s'en est chargé pour eux, ils n'ont étés que de bons élèves qui ont fait ensuite leur glorieux chemin. La réaction de l'AtomicBoy à votre message est donc étrange…. il affiche un respect particulier pour ces fils à papa parce qu'ils ont réussi avec l'argent de la famille ….. étrange Moi je ne vous parlez pas de ces gens là qui ne sont pas partis de rien, je vous parlais de ceux issus de famille plutôt pauvres, en tout cas bien incapable de payer des études supérieures à leurs gosses, et qui ont franchis toutes les étapes amenant ) ce qui semble être le grâle pour AyomicBoy mais qui ne semble pas savoir que c'est possible si on n'est pas le fils à papa, et je n'ai voulu que lui ouvrir les yeux sur ce monde qu'il ignore comme beaucoup d'autres choses qu'il croit savoir et sans doute vous aussi.
Arthur Lavenant
Bonjour, Quand l'activité professionnelle du rédacteur est en lien "plein et entier" avec le sujet de la tribune, il est bien évidemment indispensable d'être totalement transparent sur cette fonction pour que le lecteur soit informé du "background" du rédacteur, de son possible agenda, et de la façon dont cela peut influer l'objectivité/subjectivité des propos tenus. Donc : de ne pas faire passer le rédacteur pour un "expert de l'énergie" extérieur au sujet qui pourrait se positionner en acteur tiers, indépendant de tout intérêt en lien avec le sujet de l'article. Ici, ce n'est pas le cas. Cela n'enlève rien ensuite à la question du contenu. Ce sont deux sujets distincts. C'est la base fondamentale pour toute tribune rédigée. Enfin, les commentaires n'ont pas du tout la même exposition qu'une tribune publiée en dur, et reposent sur le principe d'une parole exprimée par "tout un chacun" (pas nécessairement par des "experts" qui auraient une légitimité donc une force dans leur propos), donc justifient beaucoup moins de devoir justifier leur provenance.
gautier
Que savez-vous du domaine d'activité du rédacteur ? Vous ignorez encore que le CEA est impliqué dans quantité de domaines dont les énergies alternatives et renouvelables. Vous faites là du procès d'intention pour discréditer ses propos. Trouvez donc un expert entièrement indépendant de tout intérêt (ou idéal) quel qu'il soit !
Daniel SCHRICKE
Si ! 'en ai trouvé un !.... Mr Rochain, qui est manifestement une personne parfaitement neutre, qui s'exprime de façon parfaitement scientifique et factuelle !... Très éloigné des postures idéologiques et dogmatiques qui sont souvent le propre de nos "écolos" !... A moins que je me trompe ?... Comme l'écrivait Beaumarchais: "Je m'empresse de rire de tout, de peur de devoir en pleurer !"
gautier
Je pense que vous vous trompez. Mr. Rochain a reconnu être actionnaire dans le photovoltaïque et un anti-nucléaire. Et beaucoup de ses propos sont plus des rêves d'écologiste "exalté" que des projets réalistes. Et beaucoup d'erreurs sur les réalités énergétiques actuelles !
AtomicBoy44
Je pense que le propos de Mr SCHRIKE était ironique, mais a lui de nous le dire.
Daniel SCHRICKE
AtomicBoy44
Le nucléaire est un devoir moral Y a-t-il quelqu’un pour dénoncer et fustiger la désinformation du milieu médiatique sur le nucléaire ? https://www.contrepoints.org/2020/02/08/363868-le-nucleaire-est-un-devoir-moral [Culpabilité et repentance Pour les adeptes d’un « rousseauisme » puéril (la nature est bonne), une immanente règle du vivant interdirait à l’Homme de tirer parti des avantages offerts par la matière naturelle (l’atome). Ils considèrent que la transmission d’une planète viable aux générations futures doit se faire sans exploitation de l’énergie nucléaire et ils se sont donc fixés pour mission de faire triompher cette « exigence morale ». Peu leur importe que la maîtrise des techniques garantisse durablement la sécurité et l’absence de danger. Ainsi, cette radioactivité serait plus redoutable pour le genre humain que l’arsenic, le souffre, le cadmium, le plomb et autres éléments naturels mortels dont la toxicité est éternelle. Des milliers de tonnes de ces produits sont dispersées annuellement sur terre, sans que ces oracles sentencieux ne s’en émeuvent particulièrement. Qui a donné à ces prédicateurs le pouvoir de statuer sur notre avenir ?] [....] [Il manque aujourd’hui un homme d’influence, un nouveau Zola médiatique, un Messmer ou un De Gaulle pour dénoncer et fustiger la désinformation du milieu médiatique sur le nucléaire, et qui déclarerait : « Oui, l’énergie nucléaire est une bénédiction pour l’avenir de nos enfants ! C‘est un devoir moral de la France de mettre son expérience et son savoir-faire au service de son développement sûr et harmonieux dans le monde entier pour défendre le niveau de vie de l’humanité qui a besoin d’une électricité abondante et bon marché pour sa prospérité ». Ce serait le prélude à un renouveau d’une pensée politique et médiatique… que de nombreux Français appellent de leurs vœux.]
Rochain
La mauvaise foi n'étant pas un interlocuteur je n'ai plus de temps à perdre avec vous, j'ai fait ce que j'ai pu mais il y a des limlites
Eric
Pendant que l'Europe se glorifie d'avoir engager une démarche qui va permettre d'avoir le temps de discuter sur comment nous allons bien pouvoir redistribuer de l'argent qui était prévu pour les pays de l'Union sensés bénéficier de l'aide au développement, vers une utopie de croissance verte, nous devrions chaque année (pour atteindre la neutralité carbone en 2050, donc diviser par 6 nos émissions) réduire de 6% nos émissions de GES ... 6% cela représente environ les émissions que les particuliers français émettent pour se chauffer ... Toujours convaincu que l'Europe (mais aussi bien sûr le reste des pays pollueurs) est à la hauteur et se focalise sur le bon sujet ? Merci pour cet article.
sirius
Il n'est jamais fait allusion à l'avenir des centrales au thorium.Certes il se présente des obstacles mais sont -ils sans réponses ? Leurs avantages devraient inciter nos gouvernants à s'en soucier , ils ne semblent même pas les connaître . Nous disposerions d'une source d'électricité sans commune mesure avec le gadget éolien ou le PV .Encore faudrait-il disposer de labos et ne pas se contenter du seul de Grenoble .
charles
Merci, merci Monsieur ROCHAIN. Plus vous intervenez et plus vous nous émerveillez par l'irrationnel, la croyance, l'humeur qui deviennent vérité. Quid de la réalité ? Notre Siècle des lumières a posé les fondements du raisonnement pour tenter d'atteindre un doute ou une vérité. Pour vous tout baigne dans le vocabulaire qui se suffit à atteindre la vérité et surtout pas le doute. Vous nous émerveillez. Merci encore pour vos propos qui constituent une base merveilleuse d'étude de la divagation intellectuelle. "Quand la passion remplace la raison".
UnderMatrix
La donne énergétique mondiale et son changement de paradigme est au centre de tous ces débats, effectivement. En aucune manière "l'environnement" ou "l'écologie". Consulter le site de l'entreprise d'Al Gore, Generation IM (https://www.reuters.com/article/us-generation-investment-fund/al-gores-generation-raises-1-billion-for-latest-private-equity-fund-idUSKCN1SR1M3), permet de mieux comprendre ce qui est en jeu. Sachant que le CCX (première bourse carbone, Chicago) a été créé en 2003, un an avant Generation IM, avec l'aide des organisateurs des conférences de Rio et de Kyoto. Et un jeune avocat du nom de Barak Obama. Le documentaire "Une vérité qui dérange", viendra enfoncer le clou en 2006, suivi d'un Nobel de la paix. L'histoire nous apprend une chose : les changements de paradigme ne sont jamais fortuits. https://www.youtube.com/watch?v=Kz53XxPFXYc

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