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En 2024, seuls 32% des personnes utilisant une voiture électrique déclaraient piloter leur recharge. Ici, la recharge d'un véhicule électrique Renault Kangoo Z.E. (©Renault-Yannick Brossard).
La synergie entre véhicule électrique et bâtiment peut « faire économiser aux consommateurs jusqu’à 300 €/an sur leurs dépenses d’électricité, voire même, dans le cas idéal d’optimisation, jusqu’à 100% du coût de la recharge de leur véhicule électrique », indique l'association Équilibre des Énergies dans une étude présentée ce 31 janvier (accessible en fin d'article).
Le contexte
À fin 2023, la France comptait près de 1,3 million de véhicules électriques légers en circulation, avec une consommation électrique annuelle de l'ordre de 3,5 TWh. Et si la réglementation européenne est bien appliquée, « on s'oriente vers un parc de plus de 36 millions de véhicules légers en 2050 qui se rechargent pour l'essentiel au domicile », rappelle Jean-Pierre Hauet, co-auteur de l'étude
À cet horizon 2050, la consommation d'électricité des véhicules légers en France (prévision de 67,2 TWh par an de RTE dans sa publication Futurs énergétiques 2050) pourrait dépasser celle des besoins thermiques traditionnels dans le secteur résidentiel (chauffage, eau chaude sanitaire, ventilation, climatisation : prévision de 65,3 TWh/an).
Mais plutôt que la consommation électrique, c'est l'appel de puissance additionnel « à la pointe » que le pilotage des recharges doit permettre de limiter, et de façon prioritaire : en l'absence d'un tel pilotage, les recharges de VE pourraient entraîner « un appel de puissance additionnelle sur les réseaux de 6 à 13 GW en 2035 et de 15 à 31 GW en 2050 ».
Or, deux tiers des utilisateurs ne cherchent toujours pas à piloter la recharge de leur véhicule électrique selon une enquête d'Enedis de septembre 2024. Ces recharges spontanées sont ainsi uniquement effectuées « par opportunité » alors qu'elles pourraient décaler avec des gains économiques, déplore Jean-Pierre Hauet.
Les perspectives de développement « considérable » du solaire photovoltaïque (objectif de 54-60 GW installés en 2030 et de 75/100 GW en 2035 dans le projet de PPE3, contre 20 GW en 2023) renforcent le besoin d'un pilotage des recharges. Oui mais quel pilotage ?
4 pilotages possibles
Par opposition avec la recharge spontanée, Équilibre des Énergies distingue 4 modes de pilotage :
- le pilotage tarifaire statique classique (recharge en fonction du prix du kWh, typiquement en heures creuses), à l'image de la gestion des ballons d'eau chaude (qui permettent de décaler actuellement 4 GW d'appel de puissance selon RTE) mais « avec un enjeu très supérieur » (dès 2035, le pilotage tarifaire de la recharge permettrait de décaler 8 à 10 GW de puissance appelée selon l'étude, ce qui en fait le « ballon d'eau chaude des Temps modernes » selon Jean-Pierre Hauet) ;
- le pilotage dynamique, qui constitue une extension du pilotage tarifaire mais en intégrant davantage d'informations de façon beaucoup plus fréquente : « paramètres évolutifs provenant du réseau, du véhicule, du fournisseur, de la production locale, des autres postes de consommation, etc. ». Ce pilotage dynamique, parfois dit « V1G » nécessite une communication entre la borne de recharge (ou le véhicule) et un agent extérieur lui envoyant des signaux pour adapter la recharge ;
- la recharge bidirectionnelle en « V2H » et « V2B » qui consiste à utiliser la batterie du véhicule électrique comme une source d'énergie à certaines périodes de la journée pour satisfaire des besoins électriques d'un bâtiment. Ce pilotage implique « d'optimiser l'écosystème au niveau du bâtiment »(1) ;
- la recharge bidirectionnelle vers le réseau (dite « V2G ») qui consiste à réinjecter vers le réseau électrique une partie de l’électricité stockée dans la batterie au-delà de la satisfaction des besoins locaux.
Gains pour les consommateurs
Équilibre des Énergies a retenu dans son étude 4 cas d'usages (maison individuelle, bâtiments résidentiels collectifs et deux types de bâtiments tertiaires) et 3 scénarios tarifaires à 2 horizons (2024 et post-2026).
Dans le cas de la maison individuelle (avec chauffage électrique), Équilibre des Énergies estime qu'une économie de 171 € par an est possible grâce à un pilotage tarifaire classique (dont une réduction du coût d’abonnement de 80 €, du fait de ne pas avoir à augmenter la puissance souscrite), sur la base de données de 2024.
Avec un pilotage tarifaire dynamique après 2026, le gain maximal apporté pourrait être de 319 € par an, soit « de l'ordre de 40% du coût de la recharge sans pilotage ».
Pour les consommateurs, cette anticipation du pilotage est cruciale : « à niveau tarifaire moyen inchangé, la dépense liée à la recharge sans pilotage s’accroîtra avec l’horo-saisonnalisation des heures creuses (désoptimisation accrue) mais l’avantage apporté par le pilotage tarifaire statique augmente », constate Équilibre des Énergies.
Pour l'association, le pilotage tarifaire statique doit ainsi a minima devenir le mode de pilotage par défaut (une opération facilitée par le parc de compteurs communicants).