Dans le contexte des pressions américaines et des divergences entre pays de l’OPEP+, l’existence même d’un accord à Vienne constitue « un point positif » selon Francis Perrin. (©OPEP)
Les membres de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et dix autres pays dont la Russie sont parvenus le 7 décembre à un nouvel accord de réduction de leur production de pétrole. État des lieux.
Une baisse de l’offre de 1,2 million de barils par jour
Les 25 pays dits « OPEP+ » (15 pays membres de l’OPEP et 10 producteurs hors OPEP) se sont entendus sur une réduction de leur production de pétrole brut de 1,2 million de barils par jour (Mb/j). Cet engagement sera mis en œuvre à partir de janvier 2019 (avec le niveau de production d’octobre 2018 comme référence) et est convenu pour « une période initiale de 6 mois » selon le communiqué de l’OPEP(1).
Cet effort est plus significatif que la réduction de production initialement évoquée par l’Arabie saoudite de 1 Mb/j, ce qui constitue « plutôt un échec pour les États-Unis qui n’avaient pas ménagé leurs efforts pour faire pression » sur Ryad afin de limiter la baisse de l'offre annoncée (et in fine la remontée des cours du pétrole), souligne Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS.
Concrètement, l’effort de réduction de la production de pétrole sera assumé pour deux tiers (0,8 Mb/j) par les membres de l’OPEP et pour le tiers restant (0,4 Mb/j) par les autres producteurs au premier rang desquels la Russie. Au sein de l’OPEP, « 4 pays devraient supporter 80% de l’effort de réduction de 800 000 barils par jour », précise Francis Perrin : l’Arabie saoudite (avec un objectif de réduction de la production avoisinant 320 000 barils par jour), l’Irak (- 140 000 b/j), les Émirats arabes unis (- 95 000 b/j) et le Koweït (- 84 000 b/j).
Trois pays ont bénéficié d’une « exemption » dans le cadre de l’accord du 7 décembre 2018 : l’Iran (dont les exportations de brut sont affectées par les sanctions américaines), le Venezuela et la Libye. (©Connaissance des Énergies)
Un effort suffisant pour rééquilibrer le marché pétrolier en 2019 ?
L’accord de réduction de la production de l’OPEP+ « devrait aider le marché à atteindre un équilibre (ndlr : entre offre et demande de pétrole) plus tôt », a salué le ministre russe de l'Énergie Alexandre Novak à l’issue de la réunion de Vienne. De nombreuses incertitudes persistent toutefois, notamment sur l’importance de la future hausse de production américaine de pétrole de schiste.
Pour rappel, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole brut devant la Russie(2) et pourraient, selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), couvrir à eux seuls 80% de la hausse de la consommation mondiale de pétrole entre 2018 et 2023.
En 2019, « la demande pétrolière mondiale pourrait augmenter de 1,4 Mb/j et la production de brut des États-Unis de 1,2 Mb/j » d’après les dernières projections de l’AIE et de l’EIA américaine, rappelle Francis Perrin. Dans ces conditions, l’équilibre du marché pétrolier n’est pas « hors de portée » mais « pas garanti » pour autant, juge Francis Perrin en se faisant l’écho des fortes incertitudes autour des cours du pétrole.
Pour rappel, le cours moyen du baril de Brent avait atteint 81,03 $ en octobre 2018, provoquant en France une remontée significative des prix des carburants à la pompe à l’origine du mouvement des « gilets jaunes ». En novembre 2018, ce cours a chuté de 20% (en moyenne mensuelle, atteignant 64,75 $), cette baisse étant entre autres due à l'« assouplissement » des sanctions américaines contre l’Iran (les États-Unis ayant accordé des exemptions à 8 pays pour continuer à acheter du brut iranien(3)).
Pour les pays regroupés au sein de l'OPEP+, « il n’y a pas d’objectif de prix explicite mais on peut penser qu’ils seront plutôt satisfaits si les cours du Brent évoluaient dans une fourchette de 60-70 $ par baril au cours du premier semestre 2019 », précise Francis Perrin. Après l’accord de Vienne, le cours du baril de Brent a clôturé le 7 décembre en hausse de près de 2,7% (à 61,7 $(4)). Les membres de l’OPEP+ ont prévu de se réunir à nouveau à Vienne en avril 2019.
Sur les 11 premiers mois de 2018, le cours moyen du baril de Brent a avoisiné 72,3 $. (©Connaissance des Énergies)