La Russie entend augmenter le niveau de sa production de pétrole. Ici, le champ de Filanovsky en mer Caspienne. (©Lukoil)
L’OPEP et ses partenaires se sont accordés le 23 juin sur une remontée du niveau global de leur production, à hauteur des quotas fixés fin 2016. Explications.
Une hausse de production mais des quotas maintenus
Les 24 producteurs de pétrole réunis à Vienne (« OPEP+ ») ont indiqué souhaiter remonter leur production globale « autour du chiffre d'un million de barils par jour » par rapport à la situation actuelle. Un niveau de production précis n’est toutefois pas inscrit dans le communiqué final de l’OPEP(1). Ce dernier indique que les parties prenantes « s'efforceront d’atteindre le niveau de conformité global (ndlr : avec les objectifs de l'accord conclu fin 2016), volontairement ajusté à 100% ».
Pour rappel, l’OPEP et 10 autres pays producteurs dont la Russie se sont entendus fin 2016 pour réduire leur offre de pétrole de 1,8 million de barils par jour (Mb/j) afin de faire remonter les cours du brut. Cet accord a été prolongé à plusieurs reprises, contribuant à la hausse des prix, le baril de Brent étant côté à 76,98 $ en mai 2018 contre 30,7$ en janvier 2016.
La baisse de la production de l’OPEP+ a toutefois dépassé les engagements initiaux des 24 pays producteurs, notamment en raison de la crise vénézuélienne, et menace de s'accentuer compte tenu des perturbations des exportations de certains pays comme l'Iran et la Libye. Dans son communiqué, l’OPEP fait ainsi état d’un niveau de conformité avec les objectifs de l'accord « atteint à 147% en mai 2018 ». L’Arabie saoudite et la Russie, principaux contributeurs à l’effort collectif de plafonnement de l’offre pétrolière, souhaitent désormais augmenter leur production et continuer à peser autant que possible sur les cours du brut.
L’Iran, affaiblie par le retrait américain de l’accord sur le nucléaire, n’était pas favorable à une remise en cause de l'accord mais la décision de Vienne (qui doit nécessairement être unanime) revient in fine à « respecter l'accord à 100%, rien de plus », selon les termes du ministre iranien de l’énergie.
L’accord de l'OPEP+, conclu fin 2016 et reconduit à Vienne le 30 novembre 2017, concerne 24 pays qui comptent pour plus de la moitié de la production pétrolière mondiale. (©Connaissance des Énergies)
Incertitude sur l’évolution des cours
L’Arabie saoudite et la Russie ont les moyens d’augmenter leur production rapidement, contrairement à d’autres membres de l’OPEP+. « Tous les pays ne font pas les mêmes efforts de baisse de production, certaines baisses sont dues à des manques d'investissements », a confirmé Souhail al-Mazrouei, ministre de l'énergie des Émirats arabes unis.
La hausse de production devrait ainsi consister en une « réallocation » des quotas au sein de l’OPEP+, même si le communiqué final de l’OPEP n'apporte pas de précision sur ce point. Face au flou entourant le résultat des négociations, le prix du baril de Brent s’est encore apprécié de plus de 2% à l’issue de la réunion de Vienne (atteignant 74,7 $).
En début d’année, IFP Énergies nouvelles évoquait une fourchette de prix en 2018 comprise entre 55 $ et 70 $ par baril de pétrole (le cours moyen sur les 5 premiers mois de 2018 est de 69,9 $ par baril). « La fourchette haute intégrait le risque sur l’Iran ainsi que sur le Venezuela mais pas la dégradation de la situation entre Israël et l’Iran », précise Guy Maisonnier, ingénieur économiste au sein d’IFP Énergies nouvelles. La cohésion de l’OPEP reste dans ces conditions « un facteur décisif pour orienter le prix du pétrole ».
En mai 2018, le prix moyen du baril de Brent a avoisiné 77 $, soit plus du double des cours du 1er trimestre 2016. (©Connaissance des Énergies)
L’équilibre des marchés pétroliers va toutefois également dépendre de l'évolution de la demande et de l’offre des pays non-OPEP (et en particulier des États-Unis), une forte croissance de leur production étant attendue en 2018 (entre + 1,7 Mb/j selon l’OPEP et + 2,5 Mb/j selon l’EIA américaine). D’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les États-Unis pourraient couvrir à eux seuls 80% de la hausse de la consommation mondiale de pétrole d’ici 2023.
L’ombre des États-Unis a ainsi plané sur la réunion de Vienne, Donald Trump ayant mis en cause à plusieurs reprises l’OPEP dont la stratégie pousse trop fortement à la hausse les cours selon lui. Une évolution qui affecte fortement les consommateurs américains, ce qui inquiète l’administration Trump alors que les élections de mi-mandat se profilent en novembre 2018.
Les pays membres de l’OPEP+ ont prévu de se réunir à nouveau à Vienne le 4 décembre 2018.