Changement d’heure : dernier passage à l’heure d’hiver ?

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Changement d'heure

Les pays européens devront trancher en 2019 entre heure d'hiver et heure d'été. (©Pixabay)

Dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 octobre 2018, les Européens « gagneront » une heure de sommeil avec le passage à l’heure d’hiver : à 3 heures du matin, il sera 2 heures. La fin du changement d'heure se rapproche toutefois, sous l'impulsion de la Commission européenne. Explications.

Rappels sur le changement d’heure et son impact énergétique

Réinstauré en France en 1975(1), le changement d'heure vise à réaliser des économies d’énergie en faisant mieux correspondre les heures d’activité avec les heures d’ensoleillement pour limiter l’utilisation de l’éclairage artificiel. À l’époque, ce dispositif visait à réduire la consommation pétrolière de la France (après le choc pétrolier de 1973-1974), alors que la production d’électricité reposait principalement sur des centrales thermiques utilisant du fioul lourd.

Malgré les critiques dont il fait l’objet, le changement d’heure permettrait toujours de réaliser « des économies en énergie et CO2 réelles mais modestes, pour un coût quasi-nul de mise en œuvre » selon l’Ademe(2). Dans sa dernière évaluation portant sur l’année 2009, l’Agence estime que le dispositif permet d'économiser annuellement « de l’ordre de 400 GWh », soit l’équivalent de la consommation annuelle en éclairage d’environ 800 000 ménages français.

La France éviterait actuellement, avec le changement d’heure, l’émission de 44 000 tonnes de CO2 par an selon les estimations de l’Ademe(3) (le mix électrique français est décarboné à près de 90%). L’Agence reconnaît une baisse de l’intérêt de ce dispositif, en raison notamment du déploiement de lampes basse consommation. Elle estime toutefois qu'il pourrait encore permettre d’éviter une consommation inutile de 340 GWh par an à l’horizon 2030, compte tenu de l’augmentation des surfaces des bâtiments.

L’Ademe souligne par ailleurs que le changement d’heure peut permettre de « soulager le réseau électrique » lors des pointes de consommation au mois d’avril : en 2009, le changement d’heure aurait permis « une diminution de 3,5 GW de la puissance appelée à 19 h ». Un impact sur les usages thermiques (notamment sur la climatisation) est également mentionné par l’Agence mais il n’apparaissait « pas significatif en 2009 » en France.

Une proposition de directive de la Commission européenne

Le 12 septembre 2018, le président de la Commission européenne Jean Claude Juncker a appelé, dans son discours sur l’état de l’Union(4), à mettre fin au changement d’heure dans l’Union européenne, en rappelant que « les États membres, conformément au principe de subsidiarité, doivent décider eux-mêmes si leurs citoyens doivent vivre à l’heure d’été ou à l’heure d’hiver ».

Une consultation publique sur le changement d’heure a été menée par la Commission européenne durant l’été 2018(5), recueillant 4,6 millions de réponses en ligne (un record pour une telle consultation). Près de 84% des répondants se sont déclarés favorables à la suppression du changement d’heure (seules les réponses de Grèce et de Chypre y étaient défavorables), les trois quarts des personnes faisant part d’une expérience « négative » ou « très négative ».

Aux premiers rangs des critiques figurent l’impact sur les rythmes biologiques avec des incidences négatives sur la santé mais aussi l’augmentation supposée du nombre d’accidents de la route ou l’insuffisance des économies d’énergie réalisées.

Une proposition de directive de la Commission européenne(6) invite les États membres de l’Union européenne à supprimer le changement d’heure semestriel et à notifier, « au plus tard le 27 avril 2019, sur la base d’éventuelles consultations et évaluations au niveau national », leur intention d’adopter l’heure d’hiver ou l’heure d’été à partir d’octobre 2019. La Commission appelle les pays européens à un choix concerté, faute de quoi la suppression du changement d’heure pourrait « porter préjudice au marché intérieur » (engendrant notamment des perturbations dans les transports). Ladite proposition de directive doit être adoptée par le Conseil et le Parlement européen « au plus tard en mars 2019 ».

La France et tous les autres États membres de l’Union européenne passeront donc une dernière fois à l’heure d’été le dernier dimanche de mars 2019. En fonction de leur choix, ils pourraient par la suite conserver l’heure d’été ou à nouveau changer d’heure en octobre 2019 s’ils ont opté pour l’heure d’hiver.

Dans le monde, environ 60 pays appliquent encore des dispositions relatives au changement d’heure semestriel mais plusieurs États y ont mis fin au cours des dernières années, notamment la Russie en 2011 et la Turquie en 2016(7). Le gouvernement marocain a également annoncé ce 26 octobre l'adoption d'un projet de décret pour le « maintien permanent de l'heure d'été en vigueur actuellement », une décision appliquée immédiatement qui a créé la confusion dans le pays (ndlr : l'heure d'été - GMT+1 - a été conservée le 28 octobre).

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