Un panneau signale la fermeture d'un commerce en raison des coupures d'électricité après la catastrophe naturelle en mars 2011. (©photo)
La catastrophe naturelle ayant touché le Japon en mars 2011 pourrait coûter entre 300 et 600 milliards de dollars à l’archipel, selon l’IAEE (International Association for Energy Economics)(1). Outre les dégâts matériels sur les côtes nord-est de l’île d'Honshu, elle a engendré une profonde remise en cause de l’énergie nucléaire, en raison de l’accident de la centrale de Fukushima. Etat des lieux.
1 seul réacteur nucléaire encore en service
Début mars 2011, le parc nucléaire japonais se compose de 54 réacteurs répartis sur 18 centrales. Sa puissance totale installée(2) est alors de 47,5 GW. Entre avril 2010 et mars 2011, les centrales nucléaires japonaises ont généré près de 271 TWh, soit l’équivalent de 27,4% de l’électricité produite au Japon.
L’accident de la centrale de Fukushima a engendré une profonde évolution du mix électrique de l’archipel. Onze réacteurs sur les 37 alors en activité (les réacteurs restants étaient en maintenance, une révision ayant généralement lieu tous les treize mois) ont été automatiquement arrêtés par la catastrophe naturelle. Le gouvernement a également demandé l’arrêt de deux réacteurs supplémentaires par mesure de précaution.
Progressivement, les réacteurs restants ont par la suite été arrêtés afin de subir des tests de sécurité supplémentaires. Il ne reste actuellement plus qu’un réacteur en activité, Tomari 3, sur l’île d’Hokkaido (nord du Japon). Celui-ci devrait lui-aussi entrer en phase de maintenance à partir de début mai.
Comment le Japon parvient-il à couvrir ses besoins en électricité ?
Entre avril 2011 et mars 2012, les centrales nucléaires encore en activité de l’archipel ont produit près de 100 TWh, soit 2,7 fois moins que l’année précédente. Pour supporter cette baisse de la production nucléaire, le Japon a fortement réduit sa consommation et davantage sollicité ses centrales thermiques d’origine fossile.
Des mesures plus ou moins contraignantes ont été prises par le gouvernement japonais : coupures d’électricité programmées, arrêt d’ascenseurs, d’escalators et d’éclairages superflus, refroidissement intermittent des distributeurs de boissons, augmentation de 2°C de la température de l’air conditionné pendant l’été, etc. Le gouvernement a également fait appel au sens civique de la population qui a participé à cet effort de réduction de la consommation électrique : il a notamment été demandé aux Japonais de réduire leur utilisation des cuiseurs de riz, lave-vaisselle et autre appareils électriques.
Une attention particulière a été portée sur l’absorption des pics de consommation afin d’éviter tout black-out. Dans cette optique, des usines ont fermé certains jours de semaine et repris leur production le week-end, lorsque la tension sur le réseau électrique était moins importante. En juillet et août 2011, la consommation électrique du pays a ainsi été réduite de presque 20% par rapport à l’année précédente.
Rappelons que si le parc nucléaire japonais était, avant l’accident de Fukushima, le 3e plus important en termes de capacité (après les parcs américain et français), celui-ci fournissait moins d’un tiers de l’électricité consommée. Près de 65% de l’électricité produite dans l’archipel provenait déjà de centrales thermiques, en particulier de centrales à gaz et de centrales à charbon.
Ces centrales thermiques ont été davantage sollicitées, d’autres ont été remises en service pour couvrir la demande électrique post-Fukushima et les importations en GNL ont encore progressé (+37,5% en valeur en 2011). Sur l’ensemble de l’année 2011, le Japon a connu un déficit commercial pour la première fois depuis 1980. D’un montant de 24,5 milliards d’euros, celui-ci est en grande partie dû au poids des importations énergétiques.
Quelles perspectives ?
Avant l’accident de Fukushima, le gouvernement japonais prévoyait d’augmenter fortement la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique national. Il était envisagé de porter cette part à 41% en 2017, voire 50% en 2030.
Cette trajectoire devait, entre autres, participer à l’effort de réduction de 25% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 par rapport aux niveaux de 1990 (engagement pris par le Japon dans le cadre du protocole de Kyoto). Le Japon souhaitait également renforcer son indépendance énergétique. Comme en France, le développement de l’énergie nucléaire constituait une priorité stratégique pour l’archipel depuis 1973.
Le Livre blanc publié en octobre 2011 par le gouvernement prévoit que la dépendance à l’énergie nucléaire sera réduite « autant que possible à moyen ou long terme ». Cette trajectoire est censée profiter aux énergies renouvelables (un projet de centrale solaire de 70 MW vient notamment d'être lancé) mais le gaz est privilégié dans les faits à court terme.
Le gouvernement japonais ne compte pas pour autant se détourner du nucléaire. Le ministre en charge de l’industrie a approuvé vendredi dernier le plan de réactivation de 2 réacteurs de la centrale d’Oi (côte ouest du Japon) ayant satisfait aux nouveaux tests de résistances. Cette annonce a toutefois suscité des protestations de l’opinion publique et une nouvelle trajectoire énergétique est actuellement élaborée. Les premiers résultats de ce nouveau chantier sont attendus au cours de l’été prochain.