Les recommandations de l’Institut négaWatt visent à « simplifier et sécuriser la prise de décision du ménage en faveur de la rénovation performante ». (©Pixabay)
L’Institut négaWatt appelle, dans une étude rendue publique le 18 juin, à soutenir la rénovation « complète et performante » pour lutter contre les « passoires thermiques » en France. Une solution jugée sans surcoût pour l’État et accessible aux ménages précaires sous certaines conditions. Explications.
La rénovation complète, un changement de paradigme
Dans son étude « Résorber la précarité énergétique et rénover les passoires thermiques »(1) réalisée en partenariat avec la SEM Énergies Posit’if pour la ville de Montfermeil, l’Institut négaWatt juge qu’ « aucune maison n’est, à ce jour, devenue performante grâce à une rénovation par étapes ». La stratégie de rénovation par étapes est jugée coûteuse et incompatible avec l’objectif de la loi de transition énergétique de disposer d’un parc bâti « performant » (niveau BBC-rénovation ou équivalent(2)) à l’horizon 2050.
L’Institut négaWatt recommande ainsi de « changer de paradigme » et de privilégier une approche globale des travaux de rénovation d’un bâtiment pour le rendre « performant », tant au niveau de son enveloppe (isolation suffisante et continue, étanchéité à l’air) que de ses systèmes (chauffage, ventilation et eau chaude sanitaire). Cette approche a été confirmée par des retours d’expérience du dispositif DoRéMI (Dispositif opérationnel de Rénovation énergétique des Maisons Individuelles), qui a été développé au sein de l’institut(3).
Afin que les rénovations complètes ne soient plus considérées comme « un marché de niche réservé aux ménages aisés », les factures de chauffage doivent être transformées à l’occasion des travaux en mensualités de prêt d’un montant équivalent sur des durées « raisonnables » (8 à 18 ans en général) ». À cette fin, l’Institut négaWatt suggère la mise en place d’un unique prêt bonifié (« type prêt à taux zéro ») prenant en compte les capacités de financement et de remboursement des ménages, avec un seul dossier de demande et des délais de traitement optimisés.
Ce prêt « équilibré en trésorerie » (dont les mensualités de prêt sont du montant des factures de chauffage avant travaux) ne devrait pas « mobiliser massivement de fonds publics complémentaires ». Les près de 4,5 milliards par an de fonds publics actuellement consacrés au financement de la rénovation énergétique seraient fusionnés au sein de ce prêt bonifié, pour mettre fin au « millefeuille illisible » de plus de 15 mécanismes nationaux actuels(4) (auxquels s’ajoutent de très nombreuses aides locales). Selon l’Institut négaWatt, la rénovation complète pourrait devenir « rentable » pour les 8 millions de maisons construites avant 1975 et le début des réglementations thermiques, ce parc servant de « catalyseur pour structurer une dynamique innovante de rénovation ».
Une offre locale qualifiée et des tiers de confiance
Pour sécuriser le prêt dans le cas de ménages « très précaires » ou âgés, il est suggéré de « l’attacher à la pierre ou au compteur électrique » et non aux personnes, à l’image des modèles Pace aux États-Unis et Green-Deal au Royaume-Uni. Dans le cas d’une revente, le prêt attaché à la maison pourrait être soldé par le vendeur ou conservé par l’acheteur (avec ou sans valorisation patrimoniale selon la formule retenue).
En vue de la bonne réalisation des travaux, l’Institut négaWatt appelle à « créer des groupements d’artisans locaux compétitifs » pour mettre en œuvre des rénovations performantes qui nécessitent 6 à 8 actions de travaux coordonnées. Il est également recommandé de créer un « tiers de confiance qualité pour sécuriser la performance énergétique réellement atteinte » à l’issue des travaux. Un tiers de confiance « de proximité » pourrait par ailleurs accompagner les ménages dans leurs démarches, rôle joué actuellement par les collectivités et leurs partenaires dans le cadre des Plateformes territoriales de la rénovation énergétique(5).
Pour rappel, près de 5,6 millions de ménages en France seraient en situation de précarité énergétique (c’est-à-dire consacrant plus de 10% de leurs revenus aux dépenses énergétiques dans leur logement selon la principale définition)(6). Cette précarité est particulièrement répandue dans les maisons individuelles construites avant 1975 et le début des réglementations thermiques. Dans ce parc, la production de chaleur « engloutit 14 milliards d’euros par an » selon l’Institut négaWatt.
L’institut appelle à mettre en place un ou plusieurs pilotes opérationnels suivant ses recommandations. Il estime que l’État pourrait « soutenir la rénovation complète et performante de plus de 600 000 logements par an ».
Les différents indicateurs caractérisant la précarité energétique en France (©Connaissance des Énergies, d'après Ademe)