Centrale nucléaire de Forsmark en Suède. (©Vattenfall)
Dans l’Union européenne, l’énergie nucléaire n’est pas une « exception » française, suédoise ou belge : près d'un État membre sur deux possède sur son territoire au moins un réacteur nucléaire dédié à la production d’électricité.
Production
L'évolution de la production électrique d'origine nucléaire en Europe montre une croissance soutenue de 1965 jusqu'au début des années 2000, culminant à 1267,15 TWh en 2004. Cette période reflète une expansion rapide des capacités nucléaires en réponse à la demande croissante d'électricité.
Cependant, à partir de 2005, on observe une stabilisation suivie d'une légère baisse, notamment après 2010, en lien avec les préoccupations croissantes concernant la sûreté nucléaire (voir notre article sur la production nucléaire post-Fukushima) et la transition vers les énergies renouvelables.
La chute notable en 2022, avec une production de 971,38 TWh, est notamment due à la maintenance du parc nucléaire français.
Année | Production (TWh) |
---|---|
1965 | 21,54 TWh |
1966 | 27,85 TWh |
1967 | 32,13 TWh |
1968 | 36,95 TWh |
1969 | 44,74 TWh |
1970 | 48,95 TWh |
1971 | 56,25 TWh |
1972 | 77,35 TWh |
1973 | 88,69 TWh |
1974 | 108,84 TWh |
1975 | 145,27 TWh |
1976 | 174,25 TWh |
1977 | 212,47 TWh |
1978 | 234,01 TWh |
1979 | 262,04 TWh |
1980 | 310,43 TWh |
1981 | 406,82 TWh |
1982 | 452,66 TWh |
1983 | 527,15 TWh |
1984 | 672,26 TWh |
1985 | 794,84 TWh |
1986 | 844,06 TWh |
1987 | 893,63 TWh |
1988 | 981,04 TWh |
1989 | 1023,16 TWh |
1990 | 1012,87 TWh |
1991 | 1037,91 TWh |
1992 | 1043,98 TWh |
1993 | 1080,01 TWh |
1994 | 1050,08 TWh |
1995 | 1076,61 TWh |
1996 | 1141,02 TWh |
1997 | 1150,79 TWh |
1998 | 1137,39 TWh |
1999 | 1162,08 TWh |
2000 | 1179,51 TWh |
2001 | 1218,89 TWh |
2002 | 1237,04 TWh |
2003 | 1255,11 TWh |
2004 | 1267,15 TWh |
2005 | 1259,25 TWh |
2006 | 1264,37 TWh |
2007 | 1215,79 TWh |
2008 | 1217,84 TWh |
2009 | 1168,21 TWh |
2010 | 1202,51 TWh |
2011 | 1196,65 TWh |
2012 | 1175,47 TWh |
2013 | 1158,55 TWh |
2014 | 1173,03 TWh |
2015 | 1163,22 TWh |
2016 | 1138,39 TWh |
2017 | 1138,84 TWh |
2018 | 1141,49 TWh |
2019 | 1139,93 TWh |
2020 | 1050,26 TWh |
2021 | 1111,35 TWh |
2022 | 971,38 TWh |
Nombre et répartition
Au 15 décembre 2021, les 126 réacteurs nucléaires installés dans l’Union européenne étaient répartis entre 13 pays. Il existe toutefois d’importantes disparités entre les capacités des parcs de ces différents pays.
La France dispose du plus grand parc nucléaire en Europe (environ 61,4 GW sur les près de 105 GW du parc nucléaire de l'UE), le 2e au monde après celui des États-Unis, avec 56 réacteurs en service (qui compte généralement pour les 2/3 de la production électrique en France métropolitaine).
Suivent (par nombre de réacteurs nucléaires « opérationnels » selon l'AIEA(1)) :
- l’Espagne (7 réacteurs, 7 121 MW ; 22,2% du mix électrique national en 2020) ;
- la Belgique (7 réacteurs, 5 942 MW ; 39,1%) ;
- la Suède (6 réacteurs, 6 882 MW ; 29,8%) ;
- la République tchèque (6 réacteurs, 3 934 MW ; 37,3%) ;
- la Finlande (4 réacteurs, 2 794 MW ; 33,9%) ;
- la Hongrie (4 réacteurs, 1 902 MW ; 48%) ;
- la Slovaquie (4 réacteurs, 1 837 MW : 53,1%) ;
- l’Allemagne (3 réacteurs, 4 055 MW ; 11,3%) ;
- la Bulgarie (2 réacteurs, 2 006 MW ; 40,8%) ;
- la Roumanie (2 réacteurs, 1 300 MW ; 19,9%) ;
- la Slovénie (1 réacteur, 688 MW ; 37,8%) ;
- les Pays-Bas (1 réacteur, 482 MW ; 3,3%).
Précisons que le Royaume-Uni, qui a quitté l'Union européenne, dispose pour sa part d'un parc nucléaire de 12 réacteurs en service (7 343 MW de puissance cumulée). La Suisse, qui n'est pas non plus membre de l'UE, possède pour sa part un parc de 4 réacteurs nucléaires en service sur son territoire (2 960 MW de puissance cumulée).
Par ailleurs, 2 réacteurs nucléaires sont en cours de construction dans l'Union européenne au 15 décembre 2021 : 2 à eau pressurisée en Slovaquie : et 2 ont été terminés : 1 EPR en Finlande (qui a reçu une autorisation d'exploitation de l'autorité finlandaise de sûreté mi-décembre 2021) et 1 autre EPR en France (à Flamanville).
Répartition des réacteurs nucléaires par pays dans l'Union européenne. (©Connaissance des Énergies)
Part du nucléaire dans la production électrique
L'évolution de la part du nucléaire dans le mix électrique européen montre une phase de croissance continue de 1985 à 1997, atteignant un sommet à 27,75 % en 1997. Cette période est suivie d'une stabilité relative jusqu'au milieu des années 2000, après quoi une tendance à la baisse commence à se manifester, en raison de la montée des préoccupations environnementales et de la promotion des énergies renouvelables.
La baisse est plus marquée après 2010, reflétant un désengagement progressif du nucléaire dans plusieurs pays européens, notamment après les événements comme la catastrophe de Fukushima en 2011. En 2022, la part du nucléaire dans le mix électrique est retombée à 20,53 %, signalant une transition énergétique en cours en Europe.
Année | Part du nucléaire |
---|---|
1985 | 20,67 % |
1986 | 21,40 % |
1987 | 21,88 % |
1988 | 23,44 % |
1989 | 24,05 % |
1990 | 23,69 % |
1991 | 24,27 % |
1992 | 25,04 % |
1993 | 26,40 % |
1994 | 26,11 % |
1995 | 26,40 % |
1996 | 27,62 % |
1997 | 27,75 % |
1998 | 27,04 % |
1999 | 27,24 % |
2000 | 27,09 % |
2001 | 27,47 % |
2002 | 27,68 % |
2003 | 27,47 % |
2004 | 27,18 % |
2005 | 26,61 % |
2006 | 26,25 % |
2007 | 24,93 % |
2008 | 24,77 % |
2009 | 24,98 % |
2010 | 24,64 % |
2011 | 24,71 % |
2012 | 24,11 % |
2013 | 23,98 % |
2014 | 24,71 % |
2015 | 24,31 % |
2016 | 23,56 % |
2017 | 23,49 % |
2018 | 23,45 % |
2019 | 23,66 % |
2020 | 22,53 % |
2021 | 22,84 % |
2022 | 20,53 % |
Le retour en grâce du nucléaire dans l'UE
Un sommet international du nucléaire à Bruxelles en mars 2024 a consacré le retour en grâce de l'atome dans l'Union européenne, où il bénéficie désormais de législations plus accommodantes en tant que levier de décarbonation aux côtés des renouvelables, sous l'influence décisive de la France.
Le sujet nucléaire a longtemps été tabou à Bruxelles, victime de l'hostilité de l'Allemagne qui avait tourné le dos à l'atome après l'accident de Fukushima. Mais il s'impose à nouveau depuis dans l'agenda européen, avec une prise de conscience croissante de son caractère indispensable pour affronter certains défis comme le réchauffement climatique et l'indépendance énergétique. Rafael Grossi, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), vante une électricité "propre et fiable".
Le virage remonte à fin 2021 : sous pression, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen reconnaît que l'UE a "besoin" du nucléaire "comme source d'énergie stable", avant que l'exécutif européen ne le classe dans sa liste ("taxonomie") des investissements durables. Le nucléaire, qui permet de s'affranchir du gaz russe, profite aussi de la rupture avec Moscou après l'invasion de l'Ukraine en février 2022.
Début 2023, la mobilisation française devient plus visible avec le lancement d'une "alliance européenne du nucléaire" réunissant une douzaine d'États membres : Bulgarie, Pologne, Finlande, Suède, Pays-Bas, République tchèque... Plusieurs victoires suivent : en juin, Paris décrochait une exemption dans la législation fixant des objectifs d'énergies renouvelables, pour tenir compte de l'hydrogène produit à partir d'électricité nucléaire.
États et eurodéputés s'accordaient mi-décembre sur des aides publiques aux investissements dans les centrales nucléaires existantes, puis mi-février pour inclure toute la filière nucléaire dans une législation accordant des allègements réglementaires aux technologies "zéro émission". Enfin, Bruxelles a inclus l'atome dans ses propositions d'objectif climatique 2040, et lancé début février une "alliance industrielle" pour les futurs petits réacteurs modulaires (SMR).