Comment se compose le parc nucléaire belge ?

Centrale nucléaire de Tihange

Vue intérieure d’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tihange (©Electrabel)

Le parc nucléaire belge est composé de 5 réacteurs « opérationnels » répartis entre 2 centrales(1). Toutes ces tranches en service sont des réacteurs à eau pressurisée (REP ou PWR en anglais), soit de même type que les 57 premiers réacteurs du parc nucléaire français.

Connectés au réseau entre 1974 et 1985, les réacteurs nucléaires belges sont tous exploités par Electrabel, filiale du groupe français Engie(2).

Répartition des réacteurs nucléaires belges

Les 5 réacteurs nucléaires belges sont répartis entre :

  • la centrale de Doel en Flandre (à 15 km du port d’Anvers et près de la frontière néerlandaise), composée de 3 réacteurs en service d’une puissance cumulée de 2,5 GW. Doel 3 a été mis à l'arrêt en septembre 2022 ;
  • la centrale de Tihange en Wallonie (à 30 km de Liège), composée de 2 réacteurs d’une puissance cumulée de près de 2 GW. Tihange 2 a été mis à l'arrêt fin janvier 2023.
Carte et composition du parc nucléaire belge

Production nucléaire belge

En 2023, le parc nucléaire belge a généré près de 31,3 TWh, soit 41,2% de la production d'électricité dans ce pays. 

Cette production a historiquement dépassé le seuil des 40 TWh par an à partir de la fin des années 1980, avant de connaître des baisses significatives en 2012, 2014 et 2015 (creux de 26,1 TWh). Les réacteurs Doel 3 et Tihange 2  ont en effet été à l'arrêt entre juin 2012 et juin 2013 puis entre mars 2014 et décembre 2015, après la découverte de fissures. 

Après avoir rebondi en 2016, la production du parc nucléaire belge a atteint un pic de 50,3 TWh en 2021. Suite à l'arrêt définitif des réacteurs Doel 3 et Tihange 2, elle a fortement chuté en 2023, pour atteindre 33,42 TWh.

Evolution de la Production électrique d'origine nucléaire en Belgique (données de l'AIE)
AnnéeProduction en TWh
19650
19660,01
19670,09
19680,06
19690,02
19700,06
19710
19720,01
19730,08
19740,15
19756,8
197610,0
197711,9
197812,5
197911,4
198012,55
198112,9
198215,7
198324,1
198427,7
198534,6
198639,4
198742,0
198843,1
198941,2
199042,7
199142,9
199243,5
199341,9
199440,6
199541,4
199643,3
199747,4
199846,2
199949,0
200048,2
200146,35
200247,4
200347,4
200447,3
200547,6
200646,65
200748,2
200845,6
200947,2
201047,9
201148,2
201240,3
201342,6
201433,7
201526,1
201643,5
201742,2
201828,6
201943,5
202034,4
202150,3
202243,9
202333,4

Problème de fissures de réacteurs nucléaire belges

Des fissures sur les réacteurs Doel 3 et Tihange 2 ont été découvertes en 2012 : elles étaient dues à l'action de l'hydrogène au moment de la fabrication des cuves en acier il y a plus de trente ans. Le réacteur de Doel 3 en comptait environ 13 000 et celui de Tihange 3 150, et les plus grandes atteignaient 18 centimètres. 

L'Allemagne avait demandé l'arrêt temporaire et demandé à une commission d'experts allemands de se pencher sur la sûreté des deux réacteurs. En décembre 2015, suite à un début d'incendie rapidement maitrisé, les Verts allemands insistaient en déclarant que c'était « la preuve tangible que la prolongation de cette centrale très vieille et en mauvaise état est une idée misérable et dangereuse ».

« C'est vrai qu'à partir d'août 2015 se sont produits une série d'événements qui, pris individuellement, n'étaient pas graves, mais qui, mis ensemble, montraient qu'il s'avérait nécessaire de remettre au bon niveau cette notion de prise au pied de la lettre de la réglementation », constatait la patronne d'Engie Mme Kocher. Selon elle, « l'organisation de la sûreté » était « trop fragmentée » chez Electrabel, une entreprise qui n'a « jamais refusé de voir quand il y avait des choses à améliorer ».

Le réacteur Doel 3, dont la vétusté est régulièrement dénoncée, avait de nouveau été mis à l'arrêt de septembre à avril 2018 pour des travaux d'entretien qui étaient programmés. Mais durant la révision, a expliqué M. Berg, il a été constaté "une dégradation plus avancée que ce qui est permis par les conditions d'exploitation", obligeant à "prolonger" l'arrêt.

Nucléaire en Belgique : stop ou encore ?

2003 : loi sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire

Une loi(3) avait prévu en 2003 l’arrêt progressif de tous les réacteurs belges au bout de 40 ans d’exploitation, soit au plus tard en 2025 (pour les plus récents d’entre eux, Doel 4 et Tihange 3).

Il est prévu de « désactiver » les 7 réacteurs composant alors le parc nucléaire belge et de cesser leur production d'électricité « dès cet instant » aux dates suivantes (par ordre chronologique) :

  • Doel 3 : 1er octobre 2022 ;
  • Tihange 2 : 1er février 2023 ;
  • Doel 4 : 1er juillet 2025 ;
  • Tihange 3 : 1er septembre 2025 ;
  • Tihange 1 : 1er octobre 2025 ;
  • Doel 2 : 1er décembre 2025 ;
  • Doel 1 : 15 février 2025.

La loi prévoit également qu' « aucune nouvelle centrale nucléaire destinée à la production industrielle d'électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires, ne peut être créée et/ou mise en exploitation ».

Revirements et prolongation d'exploitation du parc

Après plusieurs revirements, la Belgique a toutefois prolongé en novembre 2015 la durée d’exploitation de ses deux plus anciens réacteurs nucléaires de 10 ans (Doel 1 et 2).

Et le gouvernement belge a signé un accord avec Engie en juin 2023 pour Doel 4 et Tihange 3 « pour redémarrer les unités nucléaires de Doel 4 et Tihange 3 dès novembre 2026 voire dès novembre 2025 » après un arrêt éventuel d'entretien, qui laissera le cas échéant la Belgique sans énergie nucléaire lors de l'hiver 2025-2026... avant qu'une prolongation soit envisagée. Des travaux d'entretien et de maintenances sont théoriquement prévus pour Doel 4 et Tihange 3 au cours de l'hiver 2025-26, mais ce calendrier pourrait être adapté afin de maintenir leur production.

L'envolée des prix du gaz - sur fond de limitation des achats d'hydrocarbures russes en Europe - et la crainte de pénuries d'électricité en Europe ont poussé le gouvernement à négocier avec Engie cette prolongation pour dix ans des réacteurs Tihange 3 et Doel 4, qui étaient censés s'arrêter eux aussi pour de bon en 2025. « Cet accord renforce notre approvisionnement en électricité, réduit la dépendance énergétique de notre pays et garantit la production en Belgique d'une électricité décarbonée et bon marché », salue alors le Premier ministre belge Alexander De Croo. « C'est le seul accord que nous pouvions signer » pour garantir aux Belges « une facture d'énergie abordable » selon la ministre de l'Energie Tinne Van der Straeten.

Ce compromis a été jugé insuffisant par les libéraux francophones du Mouvement réformateur (MR, partenaire des écologistes dans la majorité) qui réclament l'abrogation de la loi de 2003 afin d'envisager d'autres prolongations.

Accord avec l'État belge en mars 2025

Engie a annoncé le 14 mars 2025 la finalisation d'un accord avec l'État belge, concernant la prolongation pour 10 ans des réacteurs nucléaires Tihange 3 et Doel 4, « ainsi que le transfert de responsabilité lié aux déchets nucléaires ». Cette accord fait suite au feu vert de la Commission européenne le 21 février 2025.

« Doel 4 et Tihange 3 seront détenus dans le cadre d'une co-entreprise appartenant à parité à l'État belge et Engie, avec un mécanisme de contrat pour différence permettant un partage équilibré des risques », précise Engie dans son communiqué(4).

Objectif 8 GW nucléaires pour le nouveau gouvernement Bart De Wever

Près de 8 mois après les élections fédérales belges, le nationaliste flamand Bart De Wever a composé un nouveau gouvernement (dans une nouvelle coalition incluant le MR) en février 2025.

L'accord de gouvernement conclu prévoit entre autres de revenir sur la loi belge de 2003 sur la sortie du nucléaire. Lors de sa déclaration de politique générale. Bart De Wever a confirmé son intention de « mettre un terme à une loi dépassée » : deux articles de la loi de 2003 (celui fixant le calendrier de désactivation des réacteurs en service, et un autre ayant trait à « l'interdiction de produire de l'énergie à base d'atome » devraient ainsi être supprimés selon le nouveau ministre de l'Énergie Mathieu Bihet.

Le gouvernement de Bart De Wever souhaiterait disposer d'un parc nucléaire de 8 GW, dont les 4 GW actuellement en service qui devraient encore être prolongés et 4 nouveaux GW à développer.

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