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À 470 mètres sous terre, Serguiï Faraonov tient de l'or noir dans sa main : du charbon extrait, malgré la guerre, d'une mine du Donbass, dans l'Est de l'Ukraine.
À l'abri des bombardements mais...
La roche est d'autant plus précieuse que les bombardements russes ont ravagé l'infrastructure énergétique de l'Ukraine depuis deux ans et demi. Donc chaque source d'énergie est cruciale, à l'approche de l'hiver et face aux coupures quotidiennes d'électricité.
"Le charbon est très important", insiste Serguiï Faraonov, chef du département production de la mine auprès de l'AFP, estimant fièrement que ses travailleurs sont des soldats sur "le front de l'énergie". Autour de lui, dans d'étroites galeries, les gueules noires s'activent dans l'air chargé de poussière. Au-dessus de leurs têtes, de drôles de ballons noirs sont suspendus. Ils contiennent de l'eau, à déverser en cas d'incendie.
Le travail est physique, épuisant, dangereux. Oksana Petrenko, en charge de la communication de la mine, explique aussi que si les mineurs, sous terre, sont à l'abri des bombardements, ils vivent avec l'anxiété de savoir leurs familles en danger. "C'est difficile de rester calme et concentré quand vos enfants sont en danger", dit-elle.
Mais les mineurs "savent comment affronter les difficultés", assure Serguiï Faraonov, 52 ans. Et, sans eux "il n'y aura pas de lumière ni de chauffage pour notre Ukraine", rappelle-t-il.
La localisation de la mine tenue secrète
Car le charbon représentait en 2022 près de 22% de son approvisionnement énergétique total, selon l'Agence internationale de l'énergie. Depuis, il n'a fait que gagner en importance à mesure que des mines furent conquises, détruites ou obligées de fermer à cause des combats.
À cela s'ajoute l'occupation russe de la principale centrale nucléaire du pays, à Zaporijjia, privant l'Ukraine du tiers de sa production électrique. Et si Kiev ambitionne de développer un jour ses énergies renouvelables, elle doit d'abord, grâce aussi à son industrie minière, survivre au conflit.
Or la plupart des infrastructures charbonnières se trouvent dans le Donbass, le bassin minier de l'Est et priorité numéro un du président russe Vladimir Poutine, quitte à raser des villes entières et leur industrie, comme Avdiïvka, tombée en février 2024 aux mains des soldats russes. Depuis, l'armée du Kremlin, malgré des pertes importantes, avance, bombardant villes et villages et leurs sites industriels et miniers.
Dans la mine de Serguiï Faraonov, des générateurs ont été installés pour permettre aux mineurs de remonter à la surface en cas de coupures d'électricité dues aux frappes. La localisation de cette mine en activité est tenue secrète, pour des raisons de sécurité, à la demande de DTEK, l'opérateur énergétique ukrainien.
Une mine féminisée
Ces derniers mois, les avancées des Russes dans le Donbass ont conduit les employés d'autres mines, situées plus à l'Est, à fuir. Certains ont trouvé une place dans celle de M. Faraonov.
C'est le cas de Vitaliï Grygortchouk, 44 ans dont 25 de charbon, casque rouge pétant et yeux bleu azur. Il a rejoint la mine le 21 août, après voir quitté la veille Selydové, ville à l'époque menacée et aujourd'hui quasi-encerclée par les Russes. Son ancienne mine, à Novogrodivka, est déjà occupée. "Je n'ai pris avec moi que mes habits d'hiver et d'automne", explique Vitaliï, laissant derrière lui ses meubles, ses souvenirs. "Vous pouvez imaginer à quel point c'est difficile". Mais il relève que ses collègues qui ont choisi de rester "ne sont plus en vie".
La mine de M. Faraonov a vu en outre environ un millier de ses travailleurs mobilisés dans l'armée ukrainienne depuis février 2022. Soixante-quinze ont péri. Une centaine d'autres ont été démobilisés, mais seule la moitié d'entre eux a repris le travail. Et "certains reviennent sans des membres, sans un bras", explique Serguiï Faraonov. Il assure qu'ils ne sont pas pour autant "abandonnés" et qu'on leur trouve des fonctions adaptées à leurs handicaps.
Pour faire face, la mine s'est aussi féminisée. Environ 140 femmes y travaillent désormais.
Qu'il s'agisse du front ou des mines, après près de trois ans de guerre face à une force mieux armée et plus nombreuses, le défi est le même. "Il y a une pénurie d'hommes", dit d'une voix timide et devant sa machine industrielle, Anastassia Loktyeva, 32 ans. Elle qui a rejoint la mine, et son mari l'armée.