Soupçons de favoritisme: jugement lundi pour EDF et son ancien patron Henri Proglio

  • AFP
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Le géant de l'électricité et son ancien patron seront-ils condamnés pour favoritisme? Le tribunal correctionnel de Paris rend lundi sa décision concernant EDF, Henri Proglio et onze consultants, tous mis en cause pour des contrats conclus sans mise en concurrence.

Lors du procès qui s'est déroulé en mai et juin, le parquet national financier (PNF) a requis deux ans de prison avec sursis et 200.000 euros d'amende contre Henri Proglio, 75 ans, ainsi qu'un million d'euros d'amende contre EDF, poursuivie en tant que personne morale.

Celui qui a dirigé l'entreprise entre 2009 et 2014 et qui devrait être présent pour le délibéré s'est défendu d'avoir voulu "contourner les règles". "J'ai déjà été condamné par voie de presse et je veux défendre mon honneur, injustement mis en cause", a-t-il déclaré au seuil du procès.

Au coeur de ce dossier: 44 contrats conclus entre 2010 et 2016 avec des communicants, ex-dirigeants d'entreprises, magistrats, avocats ou journalistes, pour des missions de "lobbying", "renseignement", "conseil stratégique", "communication" ou "gestion des risques", auprès de la direction d'EDF.

Selon l'accusation, ces contrats - qui se montent au total à 36 millions d'euros selon un nouveau calcul du PNF - n'auraient jamais dû être conclus de gré à gré mais auraient dû faire l'objet d'une mise en concurrence; une procédure "dérogatoire et illégale" a été mise en oeuvre chez EDF.

Le procureur financier Sébastien de la Touanne a relevé que beaucoup de ces consultants avaient été recrutés parce qu'ils connaissaient personnellement Henri Proglio. "C'est le fait du prince", a-t-il estimé.

La défense de l'ancien chef d'entreprise a plaidé la relaxe, faisant valoir qu'il n'avait fait que rechercher "l'efficacité" et relevant, par la voix de son avocat Jean-Pierre Mignard, qu'il n'y avait eu "aucun enrichissement personnel".

- "Gestion de crise" -

Le conseil d'EDF - entreprise redevenue 100% publique en 2023 -, Jean Reinhart, a réclamé lui aussi la relaxe, affirmant qu'une condamnation, même non inscrite au casier judiciaire, empêcherait le groupe industriel de se porter candidat à certains marchés internationaux.

A l'issue de son enquête, le PNF avait décidé de ne poursuivre que les consultants ayant bénéficié de marchés supérieurs au seuil de "procédure formalisée", soit au-dessus d'environ 400.000 euros à l'époque.

Le tribunal se prononcera ainsi sur le sort de onze personnes physiques ou morales poursuivies pour recel de favoritisme, dont les anciens journalistes Jean de Belot et Laïd Sammari, le criminologue Alain Bauer ou la société de conseils de l'ex-PDG de Vivendi Jean-Marie Messier.

Contre eux ont été requises des peines allant de 6 à 18 mois de prison avec sursis et de 121.000 à un million d'euros d'amende, car ils "ne pouvaient pas ignorer" qu'aucune concurrence n'était organisée, a affirmé l'autre représentante du PNF, Bérénice Dinh.

Le PNF n'a demandé de la prison ferme (un an) que pour l'ancien dirigeant de Gaz de France et de la SNCF, Loïk Le Floch-Prigent, en raison de son passé judiciaire - il a été condamné en 2003 dans l'affaire Elf.

A la barre, les consultants ont juré n'avoir "jamais imaginé" qu'EDF ait pu être en dehors des clous.

Alain Bauer, qui a effectué pour EDF une mission sur la "criminalisation de l'économie globalisée" et la "gestion de la crise" pour 650.000 euros hors taxes, a notamment fait valoir en substance que les thématiques abordées, par exemple les risques liés à l'espionnage industriel ou à la sécurité nucléaire, exigeaient une confidentialité incompatible avec un appel d'offres.

Un argument aussi soulevé par le consultant en intelligence économique Alexandre Medvedowsky, énarque et ancien magistrat au Conseil d'Etat, dont le cabinet ESL Network a signé un contrat de 2,4 millions d'euros.

Au sein de l'entreprise, la procédure litigieuse avait été formalisée dans une note de 2010 baptisée "Tchernonog", du nom de l'ancien secrétaire général d'EDF, Alain Tchernonog. Cité lui aussi à comparaître, il n'a pas été jugé pour des raisons de santé.

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