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Centrale nucléaire de Three Mile Island (©Constellation)
La réouverture prévue de la centrale nucléaire de Three Mile Island en Pennsylvanie représente la promesse d'emplois et d'une nouvelle source d'énergie pour ses partisans, mais une menace pour ses détracteurs, qui gardent le souvenir du grave accident de 1979.
Redémarrage du réacteur 1 prévu en 2028
"Ca va profiter à de nombreuses collectivités, et même au pays tout entier", s'enthousiasme Robert Bair, président de la confédération syndicale de la construction en Pennsylvanie, longtemps partie de la fameuse région industrielle de la "Rust Belt" dans le nord-est des États-Unis.
Une étude de la confédération estime que le redémarrage du réacteur 1 de Three Mile Island (TMI), prévu pour 2028, va générer 3 400 emplois directs et indirects, ainsi que trois milliards de dollars de recettes fiscales pour les comtés environnants.
À l'origine de la résurrection de ce site, fermé en 2019 pour "raisons économiques", un contrat de 20 ans passé par l'opérateur Constellation pour alimenter des centres de données (data centers) de Microsoft.
Sollicité par l'AFP, Constellation a indiqué que la totalité de l'électricité générée par le réacteur irait à des installations Microsoft. "Les conditions de marché ont changé", explique Robert Bair. Les géants du "cloud" (informatique à distance) et de l'intelligence artificielle (IA) investissent dans le nucléaire, quitte à payer plus cher, car il s'agit de la seule source d'énergie continue à faibles émissions carbone.
"Je suis pour, mais c'est surtout parce que mon meilleur ami travaille chez OpenAI", glisse, malicieux, Shay McGarvey, chauffeur de bus et résident de Middletown, à moins de cinq kilomètres de la centrale. Microsoft est le premier actionnaire d'OpenAI, qui utilise ses centres de données pour développer ses programmes d'IA générative. "C'est plutôt pour les emplois que ça va créer", corrige-t-il, plus sérieusement. "Il n'y a que du positif."
Un « bon voisin » ?
"Les gens ont une meilleure compréhension aujourd'hui" de l'énergie nucléaire et la craignent moins, considère Richard Jefferies, retraité croisé dans une supérette de Middletown. "Ce réacteur a été un bon voisin de la communauté de Londonderry et de la région environnante durant 45 ans", abonde Bart Shellenhamer, le président de ce canton qui englobe l'île de Three Mile Island.
"La plupart des habitants préfèreraient qu'elle reste fermée", affirme toutefois Matthew Canzoneri, président du conseil municipal du village de Goldsboro, de l'autre côté de la rivière Susquehanna, sur laquelle se trouve l'île.
"L'énergie produite ne va pas bénéficier aux riverains et il y a une inquiétude liée à l'histoire de TMI", ajoute l'édile.
Dans la région, tout le monde a une anecdote ou un souvenir du pire accident de l'histoire du nucléaire civil américain, qui a frappé, en mars 1979, l'autre réacteur du site, l'unité 2, fermée définitivement depuis. Une série de dysfonctionnements matériels et d'erreurs humaines ont provoqué le rejet de matières radioactives dans l'atmosphère, même si le pire, à savoir la rupture de la cuve, a été évité.
Plus de 45 ans après, des riverains accusent toujours les autorités américaines d'avoir minimisé l'ampleur des émanations. Certaines études ont mis en évidence des taux de leucémies, cancers, de la thyroïde ou des poumons, supérieurs à la moyenne durant les années qui ont suivi, mais aucune n'a formellement établi de lien.
« Pacte faustien »
Tant que les autorités n'auront pas reconnu que l'accident a été "beaucoup plus grave qu'annoncé, il n'y a pas moyen que je sois d'accord" avec la réouverture du site, s'insurge Maria Frisby, alors adolescente en 1979. "J'ai perdu beaucoup d'anciens camarades de classe, morts de cancers à la cinquantaine", assure cette sexagénaire de Middletown.
Mais Robert Bair invite à faire le distinguo : l'unité 1, qui doit rouvrir, "était le réacteur le plus efficient du pays" lorsqu'il était en service. "Je comprends qu'il y ait toujours de l'inquiétude, mais il n'y a pas plus régulée et surveillée que l'industrie nucléaire", fait-il valoir.
Pour Eric Epstein, de l'association EFMR, qui contrôle les radiations provenant de Three Mile Island, la réouverture pose plusieurs problèmes, notamment l'alimentation en eau et le stockage des déchets radioactifs.
Constellation a indiqué à l'AFP que le combustible usé du réacteur n°1 serait bien entreposé sur l'île, "comme cela a été le cas durant ses presque 40 ans d'exploitation en sécurité". Il a également confirmé ne pas avoir encore obtenu le permis lui permettant d'assurer ses besoins en eau.
"C'est un pacte faustien", clame Eric Esptein. "Vous avez de l'électricité pour un temps, et des déchets radioactifs pour toujours."