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L'ancien ministre des Finances James Marape, tout juste élu jeudi Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, a promis de modifier une loi jugée trop favorable aux entreprises étrangères qui exploitent les vastes ressources naturelles du pays, dans un discours aux accents nationalistes.
James Marape, 48 ans, a été désigné à une très large majorité des députés après des semaines de crise politique qui ont débouché mercredi sur la démission de Peter O'Neill, au bout de huit ans passés à la tête du gouvernement. Il a menacé les entreprises étrangères d'exploitation forestière et promis de "modifier" la législation sur les ressources ayant sous-tendu la signature en avril d'un contrat gazier à 13 milliards de dollars avec les français Total et américain ExxonMobil.
Assurant aux députés "ne pas avoir l'intention de chasser nos investisseurs", il a cependant jugé "dépassées nos lois sur les ressources" naturelles, référence limpide au projet géant de gaz naturel liquéfié (GNL). "Qui a prétendu qu'un conglomérat étranger peut venir me dire si j'ai le droit de changer les lois de mon pays?", a-t-il demandé. "J'ai le droit absolu de modifier pour mon pays la législation sur les ressources. Nous allons chercher à maximiser les bénéfices de ce que Dieu a donné à ce pays".
Le nouveau Premier ministre a été élu par 101 voix contre huit. Le mécontentement couvait du fait de la corruption endémique et du sous-développement chronique du pays mais s'était cristallisé autour du projet Total/ExxonMobil. Celui-ci vise à quasiment doubler les exportations de GNL du pays, ce qui en ferait un acteur international majeur.
« Maître de choeur »
La Papouasie, l'un des pays les plus pauvres d'Asie, possède d'immenses richesses naturelles, en particulier des champs gaziers.
M. Marape, qui est originaire de la province de Hela, région riche en énergie, avait démissionné en avril en se plaignant que les profits générés par le contrat étaient inéquitablement distribués. Il a également prévenu que la Papouasie n'avait "pas besoin" des entreprises forestières étrangères actives dans le lucratif secteur de l'exportation du bois.
Les restrictions internationales sur l'exploitation forestière et la déforestation rampante en Indonésie ont pour conséquence que de plus en plus d'entreprises, en majorité chinoises, se tournent vers les vastes forêts paouasiennes.
Au pouvoir depuis 2011 et menacé d'un vote de confiance qu'il semblait sûr de perdre, Peter O'Neill avait démissionné de ses fonctions mercredi après un règne marqué par la guerre d'influence croissante que se livrent les Etats-Unis et la Chine dans le pays.
L'achat de 40 Maserati pour transporter les dignitaires étrangers à Port-Moresby l'année dernière lors du sommet de l'Apec avait été critiqué par l'opposition comme emblématique de son mandat.
M. Marape a affirmé que sa victoire annonçait un passage de relais à une génération nouvelle, loin de la centralisation pratiquée par son prédécesseur, une approche qui tiendrait davantage compte du tissu complexe tribal, régional et ethnique d'un pays où l'on parle plus de 800 langues.
Se présentant comme un "maître de choeur", il a appelé les députés l'ayant élu, issus de deux partis différents, à s'unir. "Chacun d'entre vous peut chanter sa partition. Certains ont des voix de basse, d'autres de soprano ou d'alto, certains chanteront la mélodie".
Paroles ou changement ?
L'arrivée du nouveau chef du gouvernement pourrait augurer de relations plus tumultueuses avec l'Australie. M. Marape a dénoncé par le passé "les contrats corrompus" conclus avec Canberra pour reléguer les migrants qui tentent de gagner ses côtes dans des camps de l'île de Manus, dans le nord de la Papouasie, exigeant l'ouverture d'une enquête.
"Depuis que nous nous sommes portés volontaires pour aider l'Australie en 2013 (...) nous avons sacrifié la réputation de Manus en tant qu'île tropicale sûre", avait-il dit en février.
Reste à voir si le nouveau gouvernement conduira des réformes en profondeur ou se contentera de modifications à la marge dans un pays où seuls 13% des huit millions d'habitants ont accès à une électricité fiable.
"La Papouasie-Nouvelle-Guinée souffre", a prévenu l'ex-Premier ministre Mekere Morauto. "Vous devrez vous atteler à la corruption et aux abus, à la mauvaise gestion financière et à la dette croissante. Le peuple veut du changement".
Pour Jonathan Pryke, analyste à l'Institut Lowly, "les récents accords vont vraisemblablement être revisités et renégociés. Je ne pense pas que Marape soit hostile au secteur des ressources naturelles mais il va vouloir que les bénéfices aillent aux Hautes-Terres, aux propriétaires fonciers et aux habitants".
Les analystes spécialisés ont prévenu que tout retard dans le projet GNL pourrait nuire à l'attractivité de la Papouasie face à des concurrents africains et latino-américains.