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Les pays européens et les Etats-Unis ont décidé d'accentuer la pression sur l'Iran cette semaine au sein du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, malgré une offre de dernière minute de Téhéran de geler son stock d'uranium hautement enrichi.
Ils prévoient de déposer formellement le texte dans les prochaines heures en vue d'un vote probablement jeudi, au siège de Vienne en Autriche, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.
D'après un rapport confidentiel de l'Agence internationale de l'énergie atomique, dont le directeur général Rafael Grossi s'est rendu la semaine dernière en Iran, la République islamique a engagé des mesures pour stopper l'expansion de ses réserves enrichies à 60%.
"L'agence a vérifié" sur les sites nucléaires de Natanz et Fordo "que l'Iran avait commencé à mettre en oeuvre des préparatifs" dans ce but, écrit l'AIEA dans ce document consulté mercredi par l'AFP.
Ce seuil est proche des 90% nécessaires pour élaborer une bombe atomique. Téhéran conteste avoir de telles ambitions sur le plan militaire et défend un droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour l'énergie.
"C'est malin de leur part", cela ne leur demande pas de gros efforts "et ils peuvent redémarrer à tout moment", a réagi un haut diplomate occidental, "sceptique" face à la longue liste de promesses non tenues de Téhéran.
- "Rapport complet" -
Le déplacement de M. Grossi, quelques semaines avant l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, "marque une étape positive vers la mise en place de meilleures relations avec le nouveau gouvernement iranien", commente pour l'AFP Kelsey Davenport, experte de l'Arms Control Association.
"Mais c'était trop peu et trop tard pour éviter un blâme de la part du Conseil des gouverneurs", dit-elle, estimant que "l'Iran a manqué l'occasion de montrer qu'il était prêt à une désescalade".
Depuis des mois, Washington et ses alliés européens, Londres, Paris et Berlin (E3), réclament en vain à Téhéran des signes concrets, des "progrès réels", insiste le diplomate.
Le projet de résolution, consulté par l'AFP mais encore en cours de finalisation, "réaffirme qu'il est essentiel et urgent" que l'Iran fournisse des "réponses techniques crédibles" concernant la présence de traces d'uranium inexpliquées sur deux sites non déclarés près de Téhéran, Turquzabad et Varamin.
Et franchit un pas supplémentaire en demandant à l'AIEA "un rapport complet" sur le sujet.
D'une portée symbolique à ce stade, cette initiative vise selon les diplomates à envoyer un signal à l'Iran, qui a fortement restreint sa coopération avec l'instance onusienne. Il a notamment retiré l'accréditation de ses inspecteurs les plus expérimentés et débranché ses caméras de surveillance.
Elle peut être le prélude à une transmission du litige au Conseil de sécurité de l'ONU habilité à prendre des sanctions. En théorie seulement, car deux de ses membres, Moscou et Pékin, ont changé de camp sur ce dossier et soutiennent désormais Téhéran.
- "Contre-mesures" -
Le retour en janvier de Donald Trump fait craindre une montée des tensions, dans un contexte fébrile au Moyen-Orient, en raison de la guerre menée par Israël à Gaza contre le Hamas et au Liban contre le Hezbollah, deux mouvements islamistes alliés de l'Iran.
L'Iran a d'ores et déjà averti que l'adoption d'une résolution ferait l'objet de "contre-mesures immédiates", qui "ne plairont certainement pas" aux pays occidentaux.
"L'expérience nous a appris que l'engagement de l'Iran" sur l'arrêt de l'enrichissement d'uranium "ne tiendra probablement pas, car l'Iran réagit toujours" aux résolutions, souligne un autre diplomate.
Téhéran s'est progressivement désengagé de ses obligations en représailles au retrait en 2018 des Etats-Unis du pacte international conclu trois ans plus tôt à Vienne.
Cet accord, dit JCPOA, prévoyait un allègement des sanctions internationales visant la République islamique, en échange de garanties que le pays ne cherche pas à acquérir l'arme atomique.
Selon l'AIEA, l'Iran est le seul Etat non doté de l'arme atomique à enrichir l'uranium au niveau de 60%, tout en accumulant d'importants stocks, suffisants pour produire plusieurs bombes.
Le total s'élevait à 6.604,4 kg à la date du 26 octobre, selon le rapport de l'AIEA, soit plus de 32 fois la limite autorisée par l'accord international de 2015.