Nucléaire : le démantèlement, un processus complexe et souvent long

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Le démantèlement d'une centrale nucléaire comme celle de Fessenheim, qui va cesser de produire de l'électricité cette année, est un chantier complexe et souvent long mais "faisable", selon des experts du secteur.

Le réacteur n°1 de la centrale alsacienne doit être mis à l'arrêt le 22 février, le réacteur n° 2 le 30 juin. Ce sera le début d'un long processus pour évacuer les substances dangereuses et les déchets, retirer les matériels, assainir les locaux et les sols, déconstruire les bâtiments... "Le démantèlement doit être fait dans des délais aussi brefs que possible pour réduire les risques", souligne Christophe Kassiotis, directeur des déchets, des installations de recherche et du cycle à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Cette façon de procéder permet de conserver la mémoire des équipes d'exploitation, tout en évitant de passer le fardeau aux générations futures. Mais cela ne signifie pas pour autant que les gros travaux débuteront immédiatement après l'arrêt des réacteurs. "La phase de post-exploitation et de préparation au démantèlement dure cinq ans", souligne-t-on chez EDF. L'électricien doit présenter un épais dossier technique, qui sera instruit pendant plusieurs années par l'ASN avant la publication d'un décret de démantèlement, probablement à l'horizon 2025.

Durant cette période, une partie des équipes d'exploitation et maintenance restera sur le site pour mener à bien plusieurs opérations: "le déchargement du coeur, l'évacuation du combustible, la vidange des circuits, le démontage de matériels, l'évacuation des déchets d'exploitation", explique EDF. Le gros morceau étant l'évacuation des combustibles usés, visée d'ici à l'été 2023. Les grosses opérations - le démantèlement à proprement parler - doivent ensuite durer 15 ans de plus, donc jusqu'à 2040 au mieux.

« C'est faisable »

Historiquement, le démantèlement de certaines installations en France a pourtant pris énormément de retard, notamment celui des vieilles centrales nucléaires à uranium naturel graphite gaz d'EDF. Sur ces dernières, arrêtées entre 1973 et 1994, le travail ne devrait ainsi être achevé qu'au siècle prochain... "Fessenheim, on estime que ce n'est pas l'installation qui présente le plus d'enjeu en terme de démantèlement, on pense que c'est faisable", estime toutefois Christophe Kassiotis.

L'après-vie de ce type de réacteurs - à eau pressurisée - est en effet considérée plus facile à gérer que celle des générations précédentes. "Les réacteurs à eau pressurisée sont moins complexes" et "il y a de l'expérience" les concernant, remarque Thierry Charles, directeur adjoint à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

"Il n'y a pas de difficulté technique", abonde Christian Jeanneau, directeur des activités nucléaires du groupe d'ingénierie Assystem. "Ça s'est déjà fait dans le monde, aux États-Unis, au Japon, en Allemagne". EDF est actuellement en train de se faire la main sur le réacteur de Chooz A, dans les Ardennes, qui fonctionnait grâce à cette technologie et a été arrêtée en 1991. L'électricien pense en achever le démantèlement en 2022.

Robots

Une partie des opérations à Fessenheim sera assez conventionnelle, avec par exemple la déconstruction de bâtiments. Mais d'autres sont plus délicates, comme le crucial découpage de la cuve, sous eau, qui devra ensuite être enfouie dans le futur site Cigéo de Bure (Meuse).

"Il y a des actions très spécifiques sur lesquelles on a besoin d'un haut niveau de technicité : des actions qui vont être téléopérées, qui vont nécessiter des robots...", indique Christophe Kassiotis. "Le type de risque change complètement par rapport à la phase d'exploitation", souligne aussi Thierry Charles. Avec l'évacuation du combustible, le risque d'accident catastrophique pour l'environnement et les riverains - de type Fukushima - disparaît. Mais les dangers deviennent plus importants pour les travailleurs, qui doivent s'approcher de matériaux irradiés.

Ces chantiers vont se multiplier à l'avenir, alors que la France doit arrêter 12 réacteurs supplémentaires d'ici à 2035, nécessitant une montée en puissance de la filière industrielle. Avec un prix estimé par EDF de 350 à 400 millions d'euros par réacteur (qui pourrait être largement sous-évalué, selon un rapport parlementaire de 2017), les perspectives sont aussi alléchantes pour un certain nombre d'entreprises : "c'est une opportunité, ce marché", se réjouit Christian Jeanneau.

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