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Le projet "Hercule" de réorganisation d'EDF, lié à des négociations complexes entre la France et la Commission européenne, rencontre l'hostilité des syndicats et d'une partie de la classe politique. Explications sur ce dossier au long cours.
Quel est le projet envisagé ?
La réorganisation d'EDF pourrait se traduire par une scission du groupe en trois entités :
- Une entreprise publique (EDF bleu) chapeauterait les centrales nucléaires et le réseau de transport.
- Une autre (EDF vert) réunirait les activités commerciales, la distribution d'électricité et les énergies renouvelables. Elle serait cotée en Bourse, permettant d'attirer des investisseurs pour développer l'éolien et le solaire.
- Une troisième entité (EDF azur) pourrait enfin coiffer les barrages hydroélectriques.
Le gouvernement et la direction d'EDF insistent sur le fait que le groupe doit rester malgré tout intégré, avec une stratégie unique, des synergies entre les différentes entités et un même statut des salariés. Mais nombre de détails importants restent à préciser.
"Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de décrire un schéma précis de ce que sera cette réforme et ses impacts sur l'organisation interne du groupe EDF, pour une raison très simple: les négociations avec la Commission européenne sont toujours en cours", a souligné la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili lors d'une audition devant des députés la semaine dernière.
Pourquoi lancer un tel chantier ?
EDF est actuellement très endetté et doit en même temps investir lourdement pour prolonger la vie de son parc nucléaire et se développer dans les énergies renouvelables afin de rattraper ses concurrents. Or le groupe est actuellement handicapé par un mécanisme qui le contraint de vendre une partie de son électricité nucléaire à bas prix à ses concurrents. La France voudrait revoir ce prix à la hausse pour qu'EDF soit mieux rémunéré.
Mais il faut convaincre la Commission européenne, qui veille à la bonne concurrence en Europe. Elle veut notamment éviter des "subventions croisées", par exemple qu'un coup de pouce au nucléaire bénéficie à d'autres activités d'EDF au détriment de ses concurrents. D'où la réflexion sur de nouvelles formes d'organisation des activités.
Un autre problème ancien concerne l'hydroélectricité: la Commission a mis en demeure la France il y a des années d'ouvrir à la concurrence ses concessions échues. Le gouvernement réfléchit à les protéger en leur donnant par exemple un statut de "quasi-régie" publique.
Quelles sont les inquiétudes des opposants ?
Les syndicats et une bonne partie de l'opposition, de gauche à droite, sont farouchement opposés au projet Hercule. Ils craignent que la partie la plus rentable (celle qui porterait la distribution et les renouvelables) soit privatisée, tandis que le fardeau des investissements dans le nucléaire reposerait sur le public: c'est "la socialisation des pertes, la privatisation des profits", dénoncent ainsi les représentants du personnel, qui ont même lancé une campagne publicitaire contre le projet.
Malgré les promesses du gouvernement, les syndicats craignent aussi un démantèlement qui remettrait en cause les interactions entre les différents métiers du groupe.
Par exemple, la gestion des cours d'eau par les barrages prend aujourd'hui en compte les besoins de refroidissement des centrales nucléaires. "À terme, comme pour nos autoroutes, le prix de l'énergie sera aligné sur ceux du marché, entraînant des hausses des tarifs brutales et un rationnement de l'électricité", craignent encore les représentants du personnel.
Quand le projet va-t-il aboutir ?
Le projet lancé en 2018 est toujours en cours, suspendu aux discussions avec Bruxelles. "A ce jour nous n'avons pas même la certitude de parvenir à un accord", a reconnu Barbara Pompili devant les députés.
Une éventuelle réforme doit passer devant le Parlement avec une loi dédiée, ce qui laisse une fenêtre de tir limitée avant le lancement de la campagne pour la présidentielle de 2022. En cas d'échec des négociations, le gouvernement juge que le statu quo n'est pas souhaitable et veut chercher un "plan B"