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Après avoir célébré pendant des décennies les énergies fossiles, Wall Street semble à son tour s'en détourner au profit des énergies renouvelables : NextEra Energy, groupe américain misant sur le solaire et l'éolien, vaut désormais plus cher en Bourse que la major ExxonMobil et ses nombreux gisements pétroliers et stations-essence déployés à travers le monde.
NextEra affiche une capitalisation boursière de 145 milliards de dollars, contre 142 milliards à Exxon, dont la valeur s'est effondrée depuis son pic de 2014 au point où la société a été récemment expulsée du Dow Jones. ExxonMobil était membre de cet indice regroupant les trente entreprises vedettes de la place financière new-yorkaise depuis 1928.
Ce n'est pas un simple effet de mode, assure Peter McNally, spécialiste du secteur de l'énergie pour le cabinet Third Bridge. "J'ai vu l'engouement pour les énergies alternatives aller et venir au cours de la dernière décennie, et certaines personnes s'interrogent probablement sur le prix que les investisseurs paient pour les bénéfices dégagés" par NextEra Energy, explique-t-il à l'AFP. Mais la société est "au bon endroit au bon moment", avance-t-il.
Fondée en 1925 en Floride, où elle continue à fournir en électricité plus de 5 millions de ménages, NextEra Energy investit dans le développement des énergies solaire et éolienne depuis la fin des années 1990, et a accéléré la cadence ces dernières années. Ces placements portent maintenant leurs fruits car "la production d'électricité via des énergies alternatives est devenue compétitive avec celle issue des énergies traditionnelles comme le charbon et le gaz naturel", souligne M. McNally. "Si certains de ces investissements avaient été réalisés il y a 10 ans, le résultat aurait sans doute été différent."
Le groupe affirme être désormais le plus gros producteur d'énergie éolienne en Amérique du Nord et un des plus importants producteurs d'énergie solaire aux États-Unis.
Un chiffre d'affaires de 19 milliards de dollars en 2019
À l'image de la société, les investisseurs sont aussi devenus plus sensibles aux effets du changement climatique et considèrent de plus en plus que l'avenir appartient aux technologies bas carbone. Comme le fabricant de véhicules électriques Tesla, devenu le constructeur automobile le plus cher en Bourse alors même qu'il produit bien moins de voitures que ses concurrents, NextEra profite de cet enthousiasme.
ExxonMobil et NextEra sont loin d'afficher les mêmes performances financières : NextEra Energy a gagné 3,8 milliards de dollars en 2019 pour un chiffre d'affaires de 19 milliards. Sur la même période, ExxonMobil a enregistré un bénéfice net de 14,3 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 265 milliards.
Pour expliquer la déroute boursière du géant pétrolier, "certains blâment le plongeon des prix du pétrole ou du gaz naturel" observé depuis le début de la pandémie, souligne M. McNally. Mais les cours du brut ne se portaient pas si mal les trois années précédentes. Les récents investissements de NextEra semblent simplement mieux positionnés que ceux d'ExxonMobil, avance le spécialiste.
Le groupe pétrolier a investi près de 80 milliards de dollars entre 2017 et 2019, dont environ un tiers pour l'exploration de gaz et pétrole de schiste dans le bassin permien aux États-Unis avec l'objectif d'en retirer 1 million de barils de brut par jour d'ici 2024. Avec la crise qui frappe le secteur, il semble bien loin de l'atteindre. ExxonMobil continue également de s'endetter. Il a dû emprunter 23 milliards de dollars rien qu'au premier semestre, faisant bondir sa dette de près de 50%.
NextEra Energy peut a contrario tabler sur des prix d'électricité régulée et une demande d'électricité stable, ce qui lui assure dans le pire des cas des revenus stables. La fourniture d'électricité représente entre 65 et 70% de son chiffre d'affaires. Entre cette source de revenus régulière et son expertise dans l'éolien, le solaire et le stockage d'énergie par batteries, la société est en outre "bien positionnée pour la transition vers les énergies renouvelables et un monde sans émission", estime Andrew Bischof, spécialiste chez Morningstar, ajoutant que les marchés apprécient ce "type de profil carbone.