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Tout juste démarré, l'EPR de Flamanville tant attendu depuis 12 ans s'est mis en arrêt automatique mercredi, un aléa qui ne surprend guère les experts en énergie tant le processus de mise en route d'un réacteur peut être complexe.
Le réacteur nouvelle génération d'EDF, objet d'un chantier émaillé de déboires, avait franchi un jalon important la veille, avec la réalisation de la première fission nucléaire (ou divergence). Mais plusieurs étapes sont encore prévues avant qu'il puisse alimenter le réseau en électricité, "d'ici la fin de l'automne" selon EDF.
Entretemps, des aléas sont toujours possibles, comme ce faux-départ que vient de connaître l'EPR de la Manche, le 1er installé en France et le 4e dans le monde.
Pourquoi cet arrêt automatique ?
Selon les premières analyses d'EDF, toujours "en cours", cet arrêt "pourrait être lié à une mise en configuration inappropriée de l'installation", autrement dit à "un réglage", a indiqué une porte-parole du groupe. Cette dernière "aurait conduit à l'arrêt automatique du réacteur conformément au dispositif prévu à la conception".
Selon l'ASN, l'arrêt automatique fait suite à "une erreur humaine", "le mode opératoire de l'intervention" n'ayant pas été "strictement respecté". "Une mauvaise mise en configuration des systèmes électroniques a eu lieu, qui a conduit à l'apparition d'un certain nombre d'alarmes" et à l'arrêt automatique, a expliqué l'ASN.
Est-ce anormal ?
Non, selon EDF et les experts joints par l'AFP. "Le démarrage est un processus long et complexe (qui) nécessite de nombreux essais, de tests, et cela peut entraîner des arrêts de ce type", a précisé la porte-parole d'EDF. "Cela prouve que le système de sécurité fonctionne bien", a-t-elle encore indiqué.
Pour Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, "c'est un démarrage de procédé industriel très complexe et c'est donc courant de rencontrer des aléas." L'expert rappelle qu'il y a eu des précédents dans le parc électronucléaire français comme avec les EPR installés à l'étranger.
L'EPR finlandais d'Olkiluoto avait par exemple connu "plusieurs déconvenues, notamment avec des pompes hydrauliques qui étaient défectueuses et qui ont dû être remplacées".
"Le démarrage d'un réacteur nucléaire n'est pas un long fleuve tranquille et l'EPR de Flamanville n'y échappe pas et n'y échappera pas", a aussi commenté Michaël Mangeon, historien du nucléaire sur X.
Un EPR est-il plus complexe à démarrer ?
L'EPR est conçu pour offrir une sécurité accrue par rapport aux anciennes générateurs de réacteurs et une plus grande puissance : 1 600 MW contre 1 450 MW pour le deuxième type de réacteur le plus puissant en France. En conséquence, il comporte "un nombre de systèmes et de circuits plus nombreux".
"Avec un EPR, il y a plus de contrôles et d'essais pendant le démarrage que pour un réacteur classique", souligne EDF. "C'est le démarrage d'un premier réacteur" de ce type en France "et c'est une machine complexe", résume l'électricien. Le défi est immense pour EDF qui "n'a pas démarré de réacteur depuis 25 ans", observe Thierry Charles, ancien directeur général adjoint de l'IRSN, expert technique de la sûreté nucléaire.
Le relèvement des exigences de sûreté et de sécurité opéré depuis la catastrophe de Fukushima a "énormément complexifié l'objet industriel" et avec lui les procédures de démarrage, selon Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse en physique nucléaire au Cnam. "Il faut tout tester et donc, évidemment, cela prend du temps", a-t-elle ajouté.
Avec l'EPR, "on multiplie par deux la volumétrie de matériel" et donc les "chances d'avoir un souci lorsqu'on démarre la tranche", explique aussi une source syndicale au sein d'EDF.
Entre l'EPR et les réacteurs plus anciens, les étapes du démarrage restent toutefois identiques.
Pour l'EPR finlandais, "il y a eu 3 mois entre la divergence et le raccordement au réseau, ce qui est standard si on regarde les anciens réacteurs", nuance M. Goldberg.
Quelles conséquences pour la production d'électricité ?
EDF n'a pas donné plus d'indications sur les conséquences de cet arrêt sur le calendrier du raccordement au réseau, qui a déjà été retardé à la fin de l'automne en début de semaine.
Pour l'heure, les équipes d'EDF "procèdent aux contrôles techniques et aux analyses nécessaires" avant de pouvoir relancer la réaction nucléaire, a indiqué mercredi soir la porte-parole du groupe.
Au gré de ses retards et difficultés, le chantier de l'EPR est devenu pour ses opposants un symbole de l'incapacité du nucléaire, une énergie qui n'émet quasiment pas de CO2, à répondre rapidement à l'urgence climatique.