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Un caillou de moins dans la chaussure de la ministre de la Transition énergétique : le Sénat a renoncé jeudi à un droit de "veto" des maires sur l'implantation d'énergies renouvelables au profit d'un dispositif reposant sur le choix par les communes de "zones prioritaires".
La chambre des territoires, dominée par la droite, a entamé jeudi matin l'examen en première lecture du projet de loi d'accélération des énergies renouvelables (EnR), première étape d'un parcours à haut risque pour ce texte avant son passage devant l'Assemblée nationale, dès le 5 décembre.
Il a pour objectif de faire rattraper à la France son retard, a rappelé la ministre Agnès Pannier-Runacher, soulignant que les énergies fossiles, pétrole et gaz pour l'essentiel, représentent aujourd'hui "deux tiers" de notre consommation.
"Nous n'avons pas le luxe d'attendre pour sortir des énergies fossiles. Les Français nous regardent", a-t-elle ajouté dans un hémicycle qui a un contentieux ancien avec les éoliennes.
Un premier point de blocage a été déminé non sans mal dans l'après-midi avec la suppression d'une mesure très controversée, introduite en commission, visant à donner aux communes une forme de droit de "veto" pour pouvoir s'opposer à tout projet d'énergie renouvelable. Cela y compris pour les communes limitrophes "en visibilité" dudit projet.
En lieu et place, le Sénat a voté à main levée un dispositif alternatif assez complexe, qui n'a pas complètement rassuré, notamment sur les bancs LR. "Il y a encore des zones de difficultés", a relevé Philippe Mouiller.
"Je pense que nous avons là un bon dispositif général qu'il convient encore d'affiner", a pourtant estimé la présidente de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas (LR).
Le dispositif combine la proposition votée en commission d'une planification "ascendante", partant des territoires, avec un amendement du gouvernement permettant aux maires d'avoir "le dernier mot" pour la phase d'application, selon les explications données par Mmes Primas et Pannier-Runacher.
« Du plomb dans l'aile »
"Chaque maire définit des zonages dans lesquels il peut ou souhaite recevoir des énergies renouvelables", a détaillé Mme Primas. "Tout ça est agrégé et va redescendre dans les documents d'urbanisme opposables - SCoT, PLUI, PLU".
Un sous-amendement du rapporteur pour avis Patrick Chauvet (centriste) "précise que la commune doit donner son accord", ou "avis conforme". "Si la commune n'est pas d'accord avec le zonage, alors pas d'énergies renouvelables", a-t-elle indiqué.
"Si nous ne votons pas ça, le maire est nu", a fait valoir Mme Primas.
"On remet le maire au centre du développement des énergies renouvelables", a assuré la ministre. "On prendra le temps de travailler le texte" dans la suite de la navette, a-t-elle précisé, pour "faire en sorte que ce ne soit pas une usine à gaz trop complexe pour les élus des territoires".
Dans un hémicycle de spécialistes, les questionnements ont été nombreux, avec des incompréhensions sur tous les bancs.
Le débat a été à la fois technique, avec une interrogation sur les compétences respectives des communes et intercommunalités.
Mais surtout sémantique, autour des termes "zones prioritaires" ou "zones propices". Cette notion "mériterait d'être clarifiée", a estimé le centriste Laurent Lafon.
"Je ne m'y retrouve plus", a avoué André Reichhardt (LR), pour qui "le dispositif a déjà du plomb dans l'aile" avec l'adoption d'un amendement de l'écologiste Ronan Dantec prévoyant la possibilité de corriger au niveau régional des "éventuels manquements" en termes d'objectifs.
"Le prioritaire n'est pas exclusif et ceux qui ne veulent pas jouer le jeu auront aussi des énergies renouvelables", a dit M. Dantec.
"Il n'y aura pas un droit de veto préalable, mais au bout du bout ça revient à ca", a affirmé de son côté Fabien Gay (CRCE à majorité communiste).
Contre l'avis du gouvernement, les sénateurs ont aussi étendu à toutes les énergies renouvelables une mesure de la loi de décentralisation 3DS qui permet de prévoir des zones où le développement des éoliennes terrestres est encadré.
Le Sénat poursuivra en soirée l'examen des articles.