Le directeur de l'AIE, Fatih Birol, ou le « héros inattendu » du climat

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Il est devenu le "héros inattendu" du combat climatique : Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), porte dans toutes les grandes arènes mondiales la cause de la sortie du pétrole et de l'essor des énergies propres en faveur du plus grand nombre.

Que de chemin parcouru depuis 1974 et la création de cette institution, installée par l'OCDE après le choc pétrolier pour faciliter l'approvisionnement en or noir des pays riches.

Aujourd'hui, Fatih Birol est partout. À Davos, au G20, à l'ONU... cet homme rond au sourire facile mais aux messages implacables défend la transition énergétique, rapports chiffrés de l'AIE à l'appui, visiblement sans crainte de déplaire.

"Je suis très franc, et je crois dans les chiffres", résume l'économiste turc de 65 ans, dont 35 à suivre les énergies. Le reste "c'est Parole, parole, parole, la chanson de Dalida". "Tout le monde n'est pas d'accord avec nous, mais personne ne conteste la rigueur de nos analyses", constate-t-il lors d'un entretien avec l'AFP, au siège de l'AIE, à deux pas de la tour Eiffel.

Le tournant pris par l'AIE est apparu de manière éclatante en mai 2021, avec la publication d'une feuille de route "pour la neutralité carbone en 2050". Parmi ses préconisations, un message choc : renoncer dès "maintenant" à tout projet d'extraction pétrolière ou gazière. De quoi devenir la bête noire des pétroliers. Ce rapport a ouvert "la fenêtre des possibles", quant au déploiement rapide des énergies bas-carbone, relève Gernot Wagner, économiste à la Columbia Business School.

« Héros inattendu »

Il valut à Fatih Birol d'intégrer le top 100 des personnalités influentes du magazine américain Time. Pour les défenseurs du climat, l'homme est devenu un "héros inattendu" comme le qualifie une figure du milieu. "Héros c'est trop, inattendu c'est le moins que l'on puisse dire", commente l'intéressé en riant.

À la tête de l'AIE depuis 2015, après en avoir été économiste en chef, "dr Birol" a entrepris d'en "moderniser la stratégie", raconte-t-il. "D'abord j'ai ouvert la porte aux pays émergents : Chine, Inde, Mexique, Brésil, Afrique du Sud..." "Et j'ai souhaité faire de l'AIE le chef de file de la transition vers les énergies propres : parce que 80% des émissions de gaz à effet de serre viennent de l'énergie."

Le rapport du GIEC détaillant en 2018 les impacts d'un réchauffement à +1,5°C a enfoncé le clou. Dès lors, "il était temps de sortir une feuille de route sur ce qu'il faut faire et ne pas faire pour transformer l'énergie".

« J'adore mon travail »

"Cette feuille est devenue une référence pour les investisseurs, les gouvernements... Ce fut un choc pour l'industrie pétrogazière. Mais c'est mathématique : nous n'avons pas besoin de nouveaux champs de pétrole pour une demande en baisse. Si un producteur dit le contraire, alors il doit dire je ne suis pas en phase avec l'accord de Paris" sur le climat".

Les géants pétrogaziers, Fatih Birol les connaît bien, notamment pour avoir travaillé six ans à l'OPEP. "Je leur dis de se diversifier, car la demande de pétrole va décliner, il suffit de voir la montée des véhicules électriques. Les bons amis disent la vérité".

Le développement est une autre préoccupation du patron de l'Agence. Électrifier l'Afrique et éliminer les modes de cuisson délétères utilisés par encore un tiers des humains, "ce n'est que 25 milliards de dollars, mais personne ne veut mettre la main au portefeuille". "L'Europe, la voisine de l'Afrique, en tirerait de grands bénéfices, pour une part infime de ses budgets", remarque-t-il. Quant aux compagnies pétrolières, ce serait 0,1% de leurs revenus record de 2022...

Dans le petit immeuble moderne de l'AIE, près de 300 experts produisent ainsi toute l'année analyses et projections, et du conseil individualisé aux pays. L'AIE, c'est aussi des réunions à haut niveau pour parler concret, financements, métaux critiques, etc.

Son rôle ? Celui d'"un arbitre honnête, qui dit ce qui va et ne va pas", poursuit son chef, passionné de foot et qui veut parler à tous. "J'adore mon travail, je l'adore, parce qu'il fait la différence". Avec un bémol : devoir lui sacrifier bien des matches de Galatasaray, plaisante cet inconditionnel stambouliote qui, dans sa jeunesse, s'est rêvé footballeur puis cinéaste.

Commentaires

Larderet
Je ne sais pas si M. Fatih Birol mérite le titre de héros, inattendu ou pas, d’une quelconque cause, mais force est de constater que le bilan global de l’AIE en matière climatique est bien pauvre ! Après avoir longtemps défendu essentiellement les industries pétrolières, cette agence n’a eu de cesse au pire de combattre, au mieux d’ignorer le recours au nucléaire pour lutter contre le réchauffement climatique. A quand Greenpeace sera-t-il sacré super-héros de la survie de la terre ?
En réponse à L…
Larderet votre commentaire est d'une stupidité affligeante. Contrairement à ce que vous écrivez, l'AIE a été créée suite au choc pétrolier non pas comme lobby pétrolier, mais bien comme lobby des consommateurs de pétrole des pays développés de l'OCDE pour faire face à l'OPEP et s'unir pour contrer les pays producteurs. Alors oui, l'objet était bien de contenir les prix pour maintenir la croissance, mais dire que l'AIE a toujours été pro-pétrole est inexacte, elle a toujours prônée la diversification et a été mal vue par les compagnies pétrolières nationales qui produisent 80% du brut sur cette planète. Enfin sur le nucléaire, Fatih Birol a toujours été favorable au nucléaire et était bien le seul en 2015 sur la scène diplomatique mondiale qui assumait ses positions.
Larderet
Consultez Wikipedia pour vous convaincre de la stupidité affligeante de mon commentaire. Merci.
Rochain Serge
Il sait seulement où il va; lui ! Il a simplement bien compris que ce que l'on sort de la terre pour le transformer en chaleur a une fin, et que plus c'est rare, plus la fin est rapide, et que plus c'est diffus, plus c'est cher, et que plus c'est cher plus ça perd son intéret.
Roger Moreau
Quelle solution soutenable sur le moyen ou le long terme seront-elles apportées à l'épuisement des minéraux métallifères dont la fameuse transition énergétique est particulièrement friande? Les énergies dites renouvelables, ne consistent-elles pas (pour combien de temps?) à reculer pour mieux sauter? Pourquoi le recyclage met-il tant de temps à se déployer, et s'il le fait, jusqu'à quand répondra-t-il aux besoins éfreinés de la poursuite de notre consommation irresponsable?
Ben Slama Romdhane
Les statistiques de l'IEA montrent qu'avec la covid 19 la consommation de l'énegie a diminué et donc les émissions de CO2 (même chose qu'en 2009 avec la crise financière mondiale). Normalement l'effet de serre et donc le réchauffement climatique devrait diminuer, mais ce qu'on vit depuis quelque c'est un accroissement continu de la température et un dépassement des records de température. Ceci montre bien qu'il y a d'autre cause à réduire pour limiter ce réchauffement climatique, je veux dire limiter les émissions de radiations infrarouges des sols artificialisés qui avec les gaz à effet de serre engendrent l'effet de serre. Réduire uniquement les émissions de CO2 (neutralité carbone) ne résoudra pas le problème et le recours et photovoltaïque va accentuer les émissions de radiation infrarouges, donc cercle vicieux. On dirait que les actions actuelles prisent par le GIEC et les COP (y compris COP28) c'est juste un embargo contre le pétrole et un profit commercial à travers les centrales solaires dépassant les 1000 MW. Quand au nucléaire il émelt de la vapeur d'eau dans les tours de refroidissement c'est donc bien une émission de GES que l'on cache ! Arrêtons les magouilles politique, economique et soyons objectifs pour le bien dela terre qui est à tout le monde. Romdhane BEN SLMA Professuer à l'Université de Gabes, Tunisie

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