Dissolution : la crise politique plonge EDF dans l'inconnu, selon ses syndicats

  • AFP
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"Tout ce qu'on a engagé pourrait être remis en question!": alors qu'EDF a engagé avec l'État un virage à 180 degrés de sa stratégie en annonçant une relance du nucléaire, le résultat très incertain des élections législatives plonge l'énergéticien et ses salariés dans l'inconnu, relèvent plusieurs sources syndicales.

"Aujourd'hui, on s'est mis en ordre de bataille pour construire de nouveaux réacteurs, pour mener à bien tout un tas de projets et ce serait absolument dévastateur pour l'entreprise que de refaire machine arrière", explique à l'AFP Amélie Henri, secrétaire nationale de la CFE-CGC, le premier syndicat de l'électricien national, qui évoque "l'inquiétude" des salariés.

Si Emmanuel Macron a décidé la construction de six réacteurs de nouvelle génération EPR2, assortis de huit autres par la suite, Amélie Henri souligne que "toutes les décisions structurantes" pour le secteur de l'énergie n'ont aujourd'hui "pas formellement été actées par le gouvernement" dans la loi.

Il en va ainsi de la future programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE): cette feuille de route énergétique du pays, qui doit fixer le cadre pour sortir à terme des énergies fossiles, est censée être adoptée par décret d'ici la fin de l'année.

Or, la PPE actuellement en vigueur, adoptée en avril 2020, est un texte qui "annonce toujours la fermeture de 12 réacteurs d'ici 2035" en plus des deux de la centrale de Fessenheim, déjà mis à l'arrêt, déplore Mme Henri.

"On a lancé des investissements, on a lancé énormément d'études pour des EPR, on attendait les commandes, les validations, à cette heure-ci on n'est pas certain de pouvoir aller au bout, donc c'est extrêmement compliqué", renchérit son homologue de la CGT José Fernandes.

A Bercy, on souligne que le calendrier est "clair", mais que tout cela dépend en effet des élections. Une partie du Nouveau Front populaire est anti-nucléaire, tandis que le Rassemblement national est pro-nucléaire et hostile aux éoliennes.

Contactée par l'AFP, la direction d'EDF n'a pas souhaité faire de commentaires sur ce délicat sujet stratégique.

Même si au lendemain de la dissolution de l'Assemblée nationale, le président a réitéré ses projets nucléaires, ses propos ne sont à ce stade qu'un "effet d'annonce" fait valoir Julien Laplace, délégué syndical central CFDT d'EDF. "Aujourd'hui dans la loi, il n'y a rien de programmé!" regrette-t-il.

Douche froide

Autre chantier en suspens: la recherche d'une solution pour régler un vieux contentieux sur l'hydraulique entre Paris et Bruxelles. Une mission parlementaire d'information, pilotée par la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel et son collègue de Renaissance Antoine Armand, devait se pencher sur le sujet. "On ne sait pas si ces personnes, qui connaissaient très bien le dossier, seront encore députés après le 7 juillet", déplore M. Laplace.

La douche de la dissolution est d'autant plus froide pour les salariés d'EDF que le projet d'entreprise pour les dix prochaines années était aussi en cours de finalisation ces dernières semaines.

Présenté par le PDG Luc Rémont début juin aux syndicats, puis au "Top 300" des cadres de l'entreprise, il prévoyait dans sa première mouture un objectif de production d'électricité en France en forte hausse et 75% d'électricité pilotable (nucléaire et hydraulique) à horizon 2035, selon une source syndicale.

"On espère qu'en fonction du paysage politique à compter de juillet, on ne repartira pas sur un nouveau +stop and go+, qui serait catastrophique pour l'entreprise", avertit Amélie Henri de la CFE-CGC.

"Si demain, on reste sur la PPE de fermeture de réacteurs, que fait-on des compétences qu'on a recrutées pour en construire de nouveaux?", s'inquiète-t-elle.

Les syndicats craignent par ailleurs que le futur gouvernement, à son tour, contourne le Parlement et détricote la prochaine feuille de route énergétique du pays par ordonnance, sans débat démocratique.

Le seul motif d'espoir repose sur le Parlement européen selon Julien Laplace de la CFDT: "on avait une vraie crainte (...) que les groupes d'extrême-droite montent plus qu'ils ne sont montés" et ne bouleversent le virage pro-atome des réglementations vertes à Bruxelles, ce qui n'a finalement pas été le cas.

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