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La crise de l'énergie figure en bonne place des discussions des ministres européens réunis samedi à Amiens, mais les Vingt-Sept restent partagés entre la volonté française de réformer le marché de l'électricité et celle d'autres pays de sécuriser des stocks de gaz.
Au deuxième jour de leur réunion informelle, les ministres de l'Énergie de l'Union européenne abordent la flambée des prix du gaz et de l'électricité, qui a obligé les gouvernements à de coûteuses interventions cet hiver pour en limiter l'impact sur les ménages et les entreprises.
La France, qui assure actuellement la présidence tournante de l'UE, pousse depuis octobre pour une réforme structurelle du marché européen de l'électricité, où les prix de gros s'alignent mécaniquement sur ceux du gaz, en forte hausse depuis quelques mois.
Un mécanisme jugé "obsolète" par Paris, qui voudrait que ses citoyens bénéficient plus directement des coûts bas de la production nucléaire, mais qui a jusqu'ici peiné à convaincre, suscitant la farouche opposition d'une dizaine de pays européens.
"Nous avons un marché de l'énergie qui aujourd'hui est très protecteur, et dont on a besoin, qui nous permet d'avoir les interconnexions nécessaires pour pouvoir avoir de l'électricité partout, mais nous voyons qu'il y a certainement une adaptation à faire, notamment sur les marchés de détail", a plaidé la ministre de la Transition écologique française, Barbara Pompili.
Elle souhaite que les "efforts pour décarboner les modes de production électrique", donc le nucléaire et les énergies renouvelables, soient mieux reflétés dans les prix payés par les consommateurs dans chaque pays. "On avance, pour l'instant on est encore en train d'en discuter", a indiqué la ministre.
Le prix de gros sur le marché européen obéit actuellement à une tarification dite au "coût marginal": il ne reflète pas le coût moyen de toutes les centrales de production mais celui de la dernière centrale dont on a besoin pour équilibrer le réseau. Or, c'est souvent une centrale à gaz.
Le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, s'était montré plus direct cette semaine: "Nous voulons en avoir pour notre argent, pour nos investissements dans le nucléaire."
"Nous voulons décorréler une bonne fois pour toute le coût de l'électricité produite en France du coût marginal d'ouverture des centrales à gaz dans le reste de l'Europe", a-t-il rappelé.
"C'est un sujet que la France porte, mais qui n'a pas un écho très positif chez beaucoup", a expliqué à l'AFP Adam Guibourgé-Czetwertynski, secrétaire d'État polonais au Climat.
- "Amortir les chocs" -
"Ce marché de l'électricité, on a mis 25 ou 30 ans à le construire, il a des raisons de fonctionner comme il le fait", a abondé à Amiens le ministre luxembourgeois Claude Turmes, renvoyant au passage la France aux difficultés de ses centrales nucléaires cet hiver.
Pour lui, le problème est ailleurs: "les prix de l'électricité sont très élevés parce que les prix du gaz sont complètement fous. La première chose à faire est de rassurer le marché du gaz, apaiser la nervosité" des acteurs du marché.
Il avance ainsi la nécessité d'un meilleur remplissage des stocks de gaz pour l'hiver, notamment dans des pays comme l'Allemagne où ils sont actuellement bas, accentuant leur fragilité face aux défaillances de l'offre russe et aux soubresauts des cours causés par exemple par les craintes d'une invasion de l'Ukraine.
La Pologne voit aussi d'un bon oeil "des solutions à plus long terme qui permettent d'assurer une plus grande stabilité de marché, de plus grandes réserves de gaz qui permettraient d'amortir les chocs et cette instrumentalisation qui est faite par la Russie", renchérit Adam Guibourgé-Czetwertynski.
Plutôt qu'une solution à Vingt-Sept, le Luxembourg s'apprête à piloter des discussions à quelques États (Luxembourg, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Autriche), en vue de généraliser chez eux une réglementation imposant un niveau minimal de stockage de gaz, à l'image de ce qui existe actuellement en France.
Autre initiative encouragée par Claude Turmes: établir des contrats d'approvisionnement à long terme avec des pays producteurs jugés plus fiables que la Russie, comme la Norvège ou le Canada.