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Les causes de ce désastre environnemental n'ont toujours pas été établies et l'origine de la fuite demeure inconnue, même si des analyses de prélèvements ont confirmé que le pétrole était d'origine vénézuélienne. Les autorités ont annoncé début novembre que les soupçons pesaient sur un cargo grec nommé Bouboulina, mais l'armateur a nié toute implication. Cette marée noire d'origine mystérieuse a commencé à souiller des plages de la région nord-est à la fin du mois d'août, les premières galettes étant arrivées dans l'État de Paraiba. Elle s'est ensuite répandue en grande quantité, arrivant début novembre dans l'État d'Espirito Santo (sud-est), juste au nord de Rio. A la vue désolante de leurs plages paradisiaques souillées par la marée noire, beaucoup d'habitants du nord-est du Brésil craignent que la haute saison touristique ne soit déjà compromise, même si leur mobilisation a permis de rapidement nettoyer des plages.
D'autant plus que le président Jair Bolsonaro l'a lui-même dit dimanche soir : "le pire est à venir".
Dans le Pernambouc, sur les plages de Paiva, d'Itapuama et d'Enseada dos Corais, à une trentaine de kilomètres de Recife, la population s'est retrouvée désemparée quand les premières galettes de pétrole sont apparues, le 21 octobre.
Sans matériel de protection et sans savoir quoi faire face à une telle catastrophe, pêcheurs, guides de tourisme et nombre d'autres habitants dont les revenus dépendent de la fréquentation de ces plages n'ont pas hésité à ramasser les résidus pétroliers qui jonchaient le sable.
Certains se sont même jetés à la mer pour tenter de retirer la masse visqueuse qui flottait entre les vagues, apportant avec elle une forte odeur d'essence.
"Des gens sont entrés dans l'eau sans gants, sans le moindre équipement de sécurité, au milieu du pétrole. Je n'avais jamais vu une chose pareille", raconte Glaucia Dias de Lima, une vendeuse de noix de coco sur la plage.
À Itapuama, une photo iconique de l'AFP sur laquelle on peut voir le désarroi du jeune Everton Miguel dos Anjos, 13 ans, émergeant de cette eau noirâtre recouvert de pétrole a permis de montrer toute la dimension de ce drame humain.
Le gouvernement a beau avoir mobilisé plus de 2.700 militaires, avec des dizaines d'avions et de navires, la population juge cette réaction trop tardive et insuffisante.
La nature "appelle au secours"
Même si le sable semble propre quand on observe la plage de loin, Glaucia continue à ramasser de fines boulettes noires qui continuent d'affluer de temps en temps.
À quelques kilomètres de là, à l'embouchure de la Massangana, le pétrole continue de souiller des racines de plantes de la mangrove, un écosystème riche en biodiversité.
"Nous voyons que la nature appelle au secours. Nous ne pouvons pas attendre" que les pouvoirs publics se chargent du nettoyage, souligne Vandecio Santana, un pêcheur de fruits de mer, en retirant une tache noire d'une racine.
Dans l'attente de résultats de tests chimiques sur la qualité de l'eau de mer pour la baignade et des poissons pour la consommation, les habitants s'inquiètent à l'approche des fêtes de fin d'année, quand la fréquentation est la plus forte.
"Ce désastre va affecter le tourisme, c'est sûr", déplore Giovana Eulina, une guide d'écotourisme qui connaît chaque recoin de Cabo de Santo Agostinho.
"Il va falloir mettre en place des campagnes pour faire venir les gens ici", ajoute cette femme bien en chair et souriante, qui affiche fièrement un tatouage de la déesse des mers Iemanja sur son mollet.
Selon la Marine, plus de 4 500 tonnes de résidus d'hydrocarbures ont été ramassées et plus de 5 000 militaires ont été mobilisés pour les opérations de nettoyage.
Les fragments de pétrole retrouvés dans l'État de Rio sont pour l'instant encore loin de lieux emblématiques comme la plage de Copacabana (plus de 300 km) ou la cité balnéaire de Buzios (220 km), très prisées des touristes du monde entier, mais l'ampleur des zones touchées n'a cessé d'augmenter ces derniers mois.
Au-delà des plages, les spécialistes s'inquiètent de la pollution des récifs coralliens et de la mangrove, beaucoup plus difficiles à nettoyer. Le gouvernement Bolsonaro - dont la politique environnementale a déjà été fortement critiquée en raison de la recrudescence des feux de forêt et de la déforestation en Amazonie - a été mis en cause par plusieurs ONG dénonçant l'inertie des autorités face à la marée noire.
"Ne pas cesser de venir"
Les mauvaises nouvelles s'enchaînent pour l'écotourisme au Brésil, avec l'arrivée le week-end dernier des premiers fragments de résidus pétroliers sur l'archipel d'Abrolhos, près de Bahia, un sanctuaire pour les baleines à bosse et pour des formations coralliennes uniques au monde.
Mais les touristes qui sont déjà sur place dans le Pernambouc, au nord de Bahia, ne semblent pas trop perturbés.
Beatriz Montes Bastos profite du dernier de ses dix jours de vacances avec ses amies sur la plage de Calhetas, une petite crique baignée d'une eau cristalline.
Elle est partie de Maceio, dans l'Etat voisin d'Alagoas, remontant vers le nord en passant par Maragogi, une des plages emblématiques du nord-est du Brésil, et s'est à peine rendue compte de la marée noire.
"Sur une seule plage nous avons vu quelques petites galettes, mais il y avait pas mal de touristes et les hôtels étaient pleins", explique-t-elle.
Dimanche, des habitants de plusieurs cités balnéaires du Pernambouc ont organisé des cérémonies sur les plages pour remercier les bénévoles qui se sont chargés du nettoyage et pour montrer aux touristes que les bords de mer étaient propres à présent.
Le tanker grec suspecté par Rio nie toute implication
La société gérante Delta Tankers Ltd du pétrolier grec Bouboulina, "principal suspect" selon Rio de la gigantesque marée noire au Brésil, a nié samedi toute responsabilité dans cette catastrophe environnementale, estimant qu'il n'y avait "aucune preuve" de fuite sur le tanker.
Le navire, qui reliait le Venezuela à la Malaisie, "est arrivé à sa destination sans avoir eu aucun problème pendant son voyage et a déchargé l'ensemble de sa cargaison sans aucune perte", a indiqué un communiqué de la société Delta Tankers qui siège au Phalère, quartier balnéaire d'Athènes.
Vendredi soir, les autorités brésiliennes ont annoncé que "Bouboulina" était "le principal suspect" de la marée noire qui a souillé plus de 2000 km de côtes du nord-est du pays.
Alors que l'origine de la pollution aux hydrocarbures, qui se serait produite fin juillet, restait mystérieuse depuis des semaines, les autorités brésiliennes ont affirmé avoir identifié grâce à des données satellitaires ce pétrolier grec "qui transportait du brut provenant du terminal pétrolier +José+ au Venezuela et faisait route vers l'Afrique du Sud".
Mais selon une enquête effectuée par Delta Tankers, "il n'y a aucune preuve de fuite ou de transfert de navire à navire (STS) ou de retard du Bouboulina lors de son voyage entre le Venezuela et le port malaisien de Melaka".
La société gérante s'est dite "prête à livrer des documents de cette étude aux autorités brésiliennes" mais ces dernières ""n'ont pas jusqu'ici été en contact avec nous", a-t-elle déploré.
Le navire pétrolier grec Bouboulina, "principal suspect", selon Rio, de la gigantesque marée noire au large du Brésil, s'est dit prêt jeudi à fournir les documents reclamés par les autorités brésiliennes sur les détails de sa navigation fin juillet au large du Brésil.
Selon la société de communication de Delta tankers, propriétaire du Bouboulina, une lettre des autorités brésiliennes envoyée au ministère grec de la Marine marchande, a réclamé à quatre sociétés maritimes grecques, dont Delta Tankers, de fournir des documents pour contribuer aux recherches effectués à Rio sur cette énorme marée noire.
Les autres sociétés grecques concernées, propriétaires également des pétroliers qui naviguaient pendant cette période au large du Brésil, sont la Marani, - gérante des pétroliers Maran Apollo et Maran Libra -, l'Euronav - propriétaire du Cap Pembroke - et la Minerva - propriétaire du Minerva Alexandra. Ces sociétés figurent dans un extrait de la lettre en anglais des autorités brésiliennes adressée au ministère grec et publié par la société de communication de Delta Tankers.
5 navires suspects
Les autorités brésiliennes avaient indiqué vendredi qu'une perquisition avait eu lieu au siège d'une compagnie maritime à Rio de Janeiro sans toutefois préciser le nom de la société ayant affrété le navire, d'une capacité de 80.000 tonnes.
Interrogé sur ce sujet, Delta Tankers a précisé que cette perquisition a eu lieu dans une agence maritime avec laquelle elle ne coopère pas actuellement.
Le parquet de Rio de Janeiro a évoqué des dégâts "incommensurables" sur les côtes brésiliennes où de très nombreux volontaires ont enlevé ces dernières semaines plusieurs milliers de tonnes de galettes et de boulettes noires et visqueuses sur des plages jusqu'ici paradisiaques.
Samedi matin, quelques heures avant la publication du communiqué de Delta Tankers, la police portuaire grecque, qui dépend du ministère de la Marine marchande, a indiqué qu'au total "cinq navires dont un grec étaient considérés suspects pour cette marée noire, selon les recherches effectuées au Brésil".
Toutefois, elle n'a précisé ni le nom des navires ni les sociétés propriétaires.
Une responsable de la police portuaire, ayant requis l'anonymat, a indiqué à l'AFP que "des contrôles scrupuleux seront effectués par les autorités grecques si ces navires accostaient dans un port du pays" sans donner plus d'informations sur le sujet.
Les autorités brésiliennes ont détecté le 29 juillet le déversement de pétrole, à plus de 700 km des côtes de l'Etat nordestin de Paraiba. C'est le 30 août que le pétrole a commencé à apparaître sur les côtes brésiliennes, progressant ensuite vers le sud, jusque dans l'Etat de Bahia.
Les autorités ignorent toujours si l'origine de cette marée noire "à caractère inédit" est accidentelle ou criminelle.
"Les investigations se poursuivent pour déterminer les circonstances et les facteurs de ce déversement (accidentel ou intentionnel), et pour mesurer le volume de brut répandu" en mer, a indiqué vendredi un communiqué officiel brésilien.
Au total, 264 localités de neuf Etats brésiliens ont été touchées. De nombreux animaux marins sont morts, en particulier des tortues de mer. Les efforts de nettoyage redoublent à l'approche de la haute saison touristique.
Première flotte mondiale en terme de capacité de transport, les armateurs grecs disposent de 23% de la flotte mondiale des tankers.
Les autorités brésiliennes ont indiqué samedi que des petits fragments de pétrole avaient été détectés dans les eaux du parc national marin des Abrolhos, sanctuaire pour les baleines à bosse et haut lieu de la biodiversité situé à environ 60 km des côtes du nord-est du pays.